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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 21:48
Château fort de Blandy-les-Tours




Le château de Blandy-les-Tours est un château médieval situé sur la commune de Blandy-les-Tours dans le département de la Seine-et-Marne, non loin du château de Vaux-le-Vicomte. Le château est placé au cœur du village de Blandy. Il est en cours de restauration depuis 1992.au fort de Blandy les tours.

L'histoire du château débute dans les textes en 1216. Il appartient au vicomte de Melun, Adam II de Chailly et se réduit à un manoir seigneural à enceinte irrégulière, à l'intérieur de laquelle se trouve une chapelle castrale, seul bâtiment de pierre.

Au XIVe siècle, le château est fortement modifié avec de nouvelles fortifications et structures de défense : un fossé est creusé et une nouvelle tour-porte, avec pont-levis à flèches, est percée dans le mur d'enceinte. Les rois Charles V ( de 1364 à 1380) et Charles VI (de 1380 à 1422) financent aux propriétaires successifs du château, les comtes de Tancarville Jean II son petit-fils Guillaume IV, les aménagements du château fort. Un donjon haut, défendu par deux ponts-levis, est édifié. L'enceinte est modifiée par l'ajout de nouvelles tours et de courtines neuves. Toutes ces modifications ont lieu durant la Guerre de Cent Ans.


blandy-cc01.jpg

Cependant, le château de Blandy-les-Tours fut reconstruit au XVIe siècle par François II d'Orléans. Le château devient dès lors une demeure de plaisance. La Princesse de Clèves s'y marie en 1572 en présence du futur Henri IV. Mais, le château change souvent de propriétaire et se déteriore progressivement avec des habitations diverses à l'intérieur de l'enceinte.

Après les restaurations du XVIIe siècle, le maréchal de Villars, propriétaire du château de Vaux-le-Vicomte, achète la terre et le château de Blandy. Il décide de le démanteler et le transforme en ferme. Les toitures sont retirées des tours, les parapets détruits, la grande tour-porte éventrée.

En 1764, il est revendu au duc César Gabriel de Choiseul-Praslin, ministre de Louis XV.


En 1888, Pierre-Charles Tuot, le maire de Blandy-les-Tours, le rachète et en fait don à la municipalité. Cette enceinte ruinée et vide de tout bâtiment devient monument historique en 1889.

À partir des années 1970, des associations de bénévoles engagent les premiers travaux de sauvegarde du château.

Acquis par le conseil général de Seine-et-Marne en 1992, le château a fait l'objet depuis cette date d'un projet complet de restauration respectant les principales étapes historiques du monument.




Architecture du château.



blandy-plan.jpg


Le château est construit avec une enceinte en forme d'hexagone autour d'une chapelle castrale. Le puissant donjon dresse ses 35 mètres à l'intérieur d'une enceinte polygonale de tours rondes du XIVe siècle. Dans la cour subsiste la crypte mérovingienne.

Le château de Blandy est l'exemple type d'une forteresse du XIIIe siècle puis transformée en résidence seigneuriale du même type que celle de la fin du XIVe siècle. Ce mouvement de transformation impulsé par Charles V au Louvre, se retrouve notamment au château de Saumur, de Mehun-sur-Yèvre, de Coucy ou de Largoët-en-Elven.

L'enceinte détient 6 tours :

  • la tour de la justice,
  • la tour morale,
  • la tour carrée, ancienne tour porte,
  • la tour des gardes,
  • le donjon,
  • et la tour des archives.

Les bases des 3 dernières tours furent élevées après 1370 en grès de Fontainebleau, alors que les étages supérieurs sont le fruit des travaux réalisés vers 1390 par Guillaume IV en moellons de pierre meulière, plus économique. Enfin, le donjon possédait trois issues, ce qui est rare dans l'art médiéval.





source wikipédia.



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Jehanne - dans Patrimoine
3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 21:08
Ordre des Templiers

Mystères autour de l'Ordre du Temple.


Vendredi 13 octobre de l'An 1307, à la faveur de l'aube, la plus grande opération policière de tous les temps va être menée sur le territoire Français. Tous les baillis et prévôts ont reçu auparavant un pli royal identique et cacheté. Ordre formel, l'ouvrir uniquement le vendredi 13 octobre au petit matin. Toutes les régions de France ont reçu la même missive.

À l'ouverture, la surprise est de taille, ordre absolu de procéder à l'arrestation de tous les templiers des commanderies situées sur leurs territoires, c'est proprement incroyable, cependant, les directives seront mises à exécution sans quartier. Deux mille templiers sont arrêtés simultanément en France, sur quinze mille que compte le monde entier de l'époque.


"Non nobis , Domine , non nobis , sed nomini tuo da glorian !"
("Non pour nous, seigneur, non pour nous, mais à ton nom seul donne la Gloire !")


Comment et pourquoi le Roi Philippe IV le Bel (1268-1314) en parfait accord avec le pape Clément V a-t-il été amené à prendre cette décision fatale pour l'Ordre et surtout qu'elles étaient les raisons obscures et réelles ?

Remontons le temps sur une période de 189 ans jusqu'à la fondation de l'Ordre.

La création de l'ordre

En l'An 1118, neuf chevaliers français fondent à Jérusalem un Ordre mi-militaire, mi-religieux. Le Roi Baudouin II cède une vaste demeure sise à l'emplacement du Temple de Salomon. De ce monument, la fondation tirera son nom, la mission primordiale de cette milice est la protection des Lieux Saints enlevés par la force aux musulmans, d'assurer la protection et la circulation des pèlerins en chemin de la Cité Sainte. Une décennie plus tard, les templiers sont officiellement reconnus comme Ordre religieux organisé selon la règle cistercienne reprenant, chevaliers, sergents, chapelains et domestiques.

La richesse de l'ordre

L'Ordre va recevoir des nombreuses donations pour permettre la structuration de la fondation. De partout, des terres, des établissements échoient aux templiers. Ils créent des commanderies, elles perçoivent les fermages des terres louées ainsi que de celles directement exploitées. Ces commanderies sont chapitrées par d'autres établissements plus grands dits, commanderies majeures qui contrôlent des régions entières.

L'ordre fait fortune très rapidement, les commanderies sont de bon rapport et leur essaimage le long des routes menant de l'Occident à Jérusalem leur confère des positions stratégiques commercialement parlant. Les moines-chevaliers instituent alors un système bancaire simple et efficace. Les pèlerins peuvent déposer leur argent dans la première commanderie rencontrée, reçoivent une lettre de crédit, arrivés à Jérusalem, ils peuvent récupérer leur argent sur simple présentation de la lettre de crédit. Ils évitent de cette manière d'être dépouillés en route par des brigands et autres malandrins. Bien sûr entre-temps, l'Ordre fait travailler cet argent et devient de cette façon la plus grande puissance bancaire d'Europe.

L'histoire "officielle" a retenu qu'au lendemain de la première Croisade, au tout début du XIIe siècle, 9 chevaliers du nord-est de la France et de Flandre se retrouvent en Terre Sainte et créent l'Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ.

Ils avaient pour nom Hugues de Payns, Geoffroy Bisol, Payen de Montdidier, André de Montbard, Godefroy de St-Omer, Rosal, Archambaud de St-Amand, Godemar et Geoffroy.

Officiellement, leur souci était de protéger les pèlerins se rendant à Jérusalem. On leur octroya un terrain situé sur les ruines du Temple de Salomon. Ils deviennent ainsi les Chevaliers du Temple...

En 1127, le pape convoque un concile à Troyes qui consacrera l'existence officielle de l'Ordre et, surtout, qui lui assurera une indépendance totale, morale et financière, par rapport aux souverains temporels : Ordre international, les templiers ne rendent compte de leurs agissements qu'au Pape...Ce Concile leur donnera également une règle fixant leur mode de vie, leur hiérarchie et qui installe un nouveau concept, celui de Moine-Soldat. à partir du Concile de Troyes, les templiers bénéficient d'un courant de grande sympathie, bénéficiant du sentiment de piété qui portait les familles à soutenir Croisades et pèlerinages. Les dons affluent, en argent, en terres, en cadets de famille pour lesquels l'aventure en Terre est plus attrayante que la vie monastique...

Ils vont aussi créer, en France principalement, plus d'un millier de fermes, les Commanderies Templières, sorte d'économie parallèle détaxée qui alimentera les pèlerins en vivres, marchandises, monnaie d'échange, etc.

Les templiers développent ainsi au fil des ans une dualité complémentaire : en Métropole l'intendance économique, outre-mer l'armée régulière et permanente du Royaume Franc de Jérusalem.

Les Croisades et les batailles vont se multiplier, des milliers de Templiers laisseront la vie pour la sauvegarde du Royaume de Jérusalem. Mais les temps changent et il devient de plus en plus difficile de contenir l'ennemi, malgré les fantastiques forteresses que les chrétiens ont bâties aux points-clés du Royaume.

Saint-Louis laisse la vie à Tunis, le 25 Août 1270. Le Royaume Franc de Jérusalem, qui avait englobé les pays actuels d'Israël, du Liban ainsi qu'une partie de la Jordanie et de la Syrie se voyait réduit à une mince bande côtière tenue par quelques forteresses...

En 1291, vingt ans après la dernière tentative de croisade de Saint-Louis, Acre le dernier bastion Franc d'outre-mer, retombait aux mains des musulmans. Les templiers se retirèrent dans un premier temps à Chypre, dans l'espoir du déclenchement d'une nouvelle croisade de reconquête.

Face à l'immobilisme des souverains d'Europe, ils quittent Chypre et optent alors pour leurs possessions en Occident : Paris devient la Maison principale du Temple, créant une véritable cité dans la cité, de par ses statuts : le Pape, seul, avait pouvoir sur l'Ordre...

Leur inactivité, leur arrogance, leur statut "intouchable", leur richesse ne tardèrent pas à jeter le discrédit sur eux. Philippe le Bel et ses conseillers virent rapidement l'avantage qu'ils pourraient retirer de la situation : Le 13 octobre 1307, Philippe le Bel fit arrêter tous les templiers de France sous prétexte d'hérésie, de sodomie et des diverses accusations puisées dans le fond de commerce de l'Inquisition.

Il s'ensuivit un des premiers "procès politique" où les templiers ne purent se défendre, furent torturés et surtout lâchés par le Pape Clément V, qui les abandonna à Philippe le Bel. L'Ordre du Temple, aboli au Concile de Vienne en 1312, ne fut toutefois jamais officiellement condamné des griefs qui lui étaient faits.

Le dernier Maître de l'Ordre, Jacques de Molay, fut brûlé vif à la pointe de l'île de la Cité le 22 décembre 1314.

De l'héroïsme passé et de la fin tragique des templiers, la mémoire collective a entretenu mystères et légendes. Réels ou fantasques, les mystères et légendes trouvent leur fondement quelque part... Du cri d'innocence de Jacques de Molay sur le bûcher, au trésor fabuleux, en passant par la découverte du Graal et leur savoir ésotérique, de tout temps, les mystères des Chevaliers du Temple ont passionné les plus grands de ce monde.




Jacques de Molay dernier grand maître des Templiers.



L'organisation du temple

Les territoires où s'exercent les activités du Temple sont divisés en Provinces. En 1294, on en comptait 22 (5 en France, 4 en Espagne, 3 en Italie, 2 en Allemagne, 1 en Angleterre, 1 en Hongrie, 6 en Orient).

Les Templiers formaient une armée permanente de quelques milliers d'hommes encadrée par 500 chevaliers et 1000 sergents. L'ensemble obéissait au Maître et à son état-major.

Hiérarchie

L'état-major du Temple est constitué par :

- Le Maître de l'Ordre : assimilé à un Abbé ou, plutôt, à un souverain. Il ne peut prendre aucune décision sans l'accord du Chapitre.
- Le Sénéchal de l'Ordre : il détient le sceau de l'Ordre.
- Le Maréchal: chef militaire et responsable de la discipline.
- Le Commandeur de la Terre et du Royaume de Jérusalem : trésorier du Temple et chef de la marine.
- Le Drapier : intendant des fournitures de l'Ordre.
- Le Turcopolier.
- Le Sous-Maréchal.
- Le Gonfanonier.
- Le Commandeur de Jérusalem : gardien des pèlerins, de la Sainte-Croix et Ambassadeur de l'Ordre.

Le Maître du Temple , qui ne sera que tardivement appelé Grand Maître, avait l'autorité d'un chef suprême, mais il ne pouvait prendre une décision qu'après consultation du chapitre. Il ne pouvait donner ou prêter les biens de l'ordre et ne pouvait commencer ou finir une guerre. En fait, le grand-maître faisait figure d'un président contrôlé par le chapitre. Il devait d'ailleurs se conformer obligatoirement aux décisions de celui-ci. "Tous les Frères doivent obéir au Maître et le Maître doit obéir à son Convent." (Statuts hiérarchiques).

À la mort du Maître, les fonctions sont assurées par le Maréchal qui réunit tous les dignitaires de l'Ordre. Ceux-ci désignent le Grand Commandeur qui fera fonction jusqu'à l'élection du nouveau maître. Le Grand Commandeur forme un conseil restreint qui fixe le jour de l'élection. Ce jour, il rassemble un chapitre restreint qui choisit trois frères dont l'un est nommé Commandeur de l'élection. Le Chapitre lui choisit un adjoint. Le Commandeur de l'élection et son adjoint se retirent à la chapelle où ils prient jusqu'au lever du soleil. Au matin, le Commandeur de l'élection et son adjoint désignent deux autres Frères. Ils élisent alors deux autres Frères et ainsi de suite jusqu'au nombre de 12 (en rappel des Apôtres) puis un treizième qui doit être un chapelain de l'Ordre. Parmi ce Chapitre, il doit y avoir 8 Chevaliers et 4 Sergents. Les treize électeurs se retirent et quand l'accord semble se faire sur deux noms, le Commandeur met aux voix et c'est celui qui recueille la majorité qui est désigné en tant que nouveau Maître de l'Ordre.

Le reste des membres du Temple se répartissaient de la manière suivante : les Chevaliers , les écuyers , les Sergents , les Chapelains et les Frères de Métiers.

De plus, on comptait trois catégories de personnes qui faisaient un service d'une durée déterminée dans l'Ordre : les Chevaliers clients, les écuyers clients et les Turcopoles.

La création de l'ordre

Le trousseau des chevaliers se composait de deux chemises, deux paires de chausses, deux braies, d'un justaucorps, d'une pelisse, d'une chape, de deux manteaux, d'une tunique et d'une large ceinture de cuir. A ces vêtements, s'ajoutent deux serviettes : une pour la table la deuxième pour la toilette.

Le trousseau militaire comprend : un haubert, une paire de chausses de fers, un chapeau de fer, un heaume, des souliers et une cote d'arme. L'armement consistait en une épée, une lance et un écu.

Outre leurs occupations civiles et du service militaire, leur existence est celle de moines. Quand sonne campane de matines, les templiers se rendent à la chapelle où ils doivent dire 13 paters pour Notre-dame et 13 pour le saint du jour. Après matines, ils doivent se rendre aux écuries. à prime, les chevaliers se rendent à nouveau à la messe. Les templiers ne peuvent pas manger sans avoir entendu ou récité 60 paters. Avant les repas, on récite le bénédicité et un pater. Les grâces à la chapelle au sortir du réfectoire, puis les vêpres, les heures de none et complies.

Chacune des heures s'accompagne de 13 ou 18 paters. à cela s'ajoute toute la gamme des obligations lors des fêtes catholiques. à la tombée de la nuit, les frères prennent une collation puis se rendent à la chapelle.


ordre-des-templiers-3-copie-1.png
Chevalier Templier.


Un plan démoniaque

Le Commandeur Templier, Esquin de Floyran, originaire de Béziers, connu de Nogaret, est arrêté pour homicide et emprisonné à la prison royale de Toulouse, fief de Guillaume de Nogaret. Il est condamné à mort. Nogaret et son roi mettent ensuite en avant les aveux d'un bourgeois soi-disant emprisonné avec lui et qui lui aurait confessé que "les templiers adoraient des idoles ; lorsqu'ils étaient admis dans l'ordre, ils devaient, lors de leur initiation, cracher trois fois sur la croix. Lors de la même initiation, ils devaient se livrer à des baisers obscènes sur la personne des frères qui les recevaient, au bas de l'échine notamment et au nombril. Enfin, ils s'engageaient à pratiquer la sodomie.

Philippe Le Bel envoie une missive au roi d'Aragon ainsi qu'au roi d'Angleterre dénonçant les templiers. Aucun des deux ne se laissera prendre à la supercherie (il faut noter que la destruction des cathares à partir de 1119, a suivi un peu le même cheminement : hérétisme, sodomie, aveux sous la torture de l'Inquisition, etc.) Au contraire, le roi d'Aragon fait avertir l'Ordre du Temple des accusations que porte le roi Philippe le Bel, leur permettant de faire disparaître leurs trésors. Pour leur propre vie, les templiers n'ont pris aucune précaution. Bien mieux, appelé en France par le pape Clément V, Jacques de Molay, quitte Chypre, où il préparait un débarquement en Syrie.

Escorté de " 60 chevaliers, de sergents, d'esclaves noirs, de Turcopoles, de 12 chevaux chargés d'or, d'argent et de joyaux, d'armes magnifiques, d'objets somptueux", Jacques de Molay rentre en France. Partout sur son passage le peuple se réjouit, mais ne peut s'empêcher d'évoquer un cortège musulman. "Que sont devenus les pauvres chevaliers du Christ ?" Quelle aubaine pour Nogaret ! Le pape reçoit le Grand Maître des templiers pour le convaincre sans succès d'accepter la fusion avec l'ordre de l'Hôpital. Le roi l'appelle à son tour auprès de lui, tentant également de le décider à la fusion, mais Jacques de Molay refuse. De plus, il connaît déjà les calomnies qui montent contre son Ordre et pense que tous ces bruits sont destinés à lui "forcer la main" afin de fusionner avec l'Ordre de l'Hôpital. Fort de son intégrité, il demande une enquête au pape Clément V qui écrit le 24 août 1307 à Philippe le Bel : "Attendu que le Maître et plusieurs précepteurs du Temple, ayant appris la mauvaise opinion que vous avez manifestée sur eux, à nous et à quelques princes, ils nous ont demandé de faire une enquête sur les crimes, qui leur sont faussement attribués, nous avons résolu d'ouvrir, en effet, une information". mais, cherchant à gagner du temps, il ajoute que cette enquête ne présente aucune urgence.

Retiré dans l'abbaye de Maubuisson, Philippe le Bel consacre tous ses efforts à la préparation de la grande lutte contre les templiers. Le 12 octobre de la même année, à Paris, Jacques de Molay est présent aux obsèques de la comtesse de Valois, à côté du roi. Le lendemain, tous les templiers de France sont en prison. Ainsi, tous, au même moment, sont arrêtés. La surprise est si complète qu'aucune commanderie ne résiste. Seuls une douzaine de chevaliers parviennent à s'enfuir. Guillaume de Nogaret lui-même procède à Paris à l'arrestation de Jacques de Molay et de 144 templiers.

13 Octobre 1307

Tous les templiers de France sont arrêtés et emprisonnés et comme leurs principes fondamentaux leur interdit de se battre avec un chrétien, ils ne résistent pas. De plus, une autre de leurs règles les obligeait à supporter trois assauts avant de répliquer.

Les chefs d'accusations

-Simonie (Trafic criminel des choses saintes).
-Hérésie.
-Idolâtrie.
-Magie.
-Sodomie.

À l'époque, ces cinq actes d'accusation sont plus qu'il ne faut pour encourir la peine capitale, d'autant plus qu'elles s'appliquent à des hommes de Dieu.

- Sodomie


ordre-des-templiers-4.png

Ce sceau simplifie le travail des accusateurs lors du procès, car la représentation des deux chevaliers sur un même cheval les faits accuser de sodomie.


- Hérèsie

"Ils ont pactisé avec l'Islam et ils ont propagé, secrètement, des doctrines opposées à celles de l'église romaine."

Certes, durant leurs croisades en terre d'Islam, leur fréquentation avec des initiés, les "Assassins", leur permit d'en savoir plus sur les origines historiques des religions chrétiennes et musulmane et ils prirent quelques distances vis-à-vis de l'église et ses dogmes. (La communauté des Assassins était une société initiatique musulmane dont on disait que les membres étaient redoutés pour leurs crimes. Un de leurs chefs dit le "vieux de la montagne" enivrait, soi-disant, ses adeptes avec du hachisch, d'où leur nom "Hachischin" et sur un signe de lui , tuaient princes musulmans aussi bien que chrétiens. Appelés aussi ismaïliens, ils étaient considérés comme une secte musulmane et étaient établis en Perse et au Liban ).

- Idolâtrie

Les frères des différentes maisons du Temple, soumis à la torture physique, avouèrent "spontanément et sans contrainte" tout ce que les gens du roi attendaient d'eux.

Si toutes les dépositions semblent se recouper, il est un point sur lequel les descriptions divergent (et pour cause !), qui est celui de l'apparence prêtée à l'idole des idoles, le Baphomet . Si les descriptions nous semblent parfois fantaisistes, elles sont pourtant assez proches de la vérité.

Beaucoup de frères vont déclarer n'avoir jamais vu cette idole ou "tête barbue" que les maîtres sortaient à l'occasion des grands chapitres, ce qui ne nous surprend pas. Seuls quelques-uns avoueront avoir vu l'idole, déclareront l'avoir parfois palpée, mais le plus souvent ils tenteront de se sortir d'affaire en déclarant s'être évanouis à la vue de cette "monstruosité".

Une chose est certaine, la "tête" a bien existé, sous une forme ou sous une autre (une reproduction), et les templiers qui déposèrent n'ont pas menti, seulement, le cérémonial, qui devait être assez spécial au moment de la présentation, l'émotion, mais aussi le secret demandé, l'atmosphère ont, en quelque sorte, déformé la réalité en fantasmagorie, en hallucination quelque peu collective. Pour preuve, l'insistance avec laquelle l'inquisiteur Guillaume de Paris se mit à la recherche de cette "idole qui est en forme d'une tête d'homme à grande barbe" ; il n'aurait pas donné les ordres conséquents à ses sbires pour des "aveux" s'il n'avait pas été lui-même persuadé de l'existence de cette tête démoniaque.

Au moment de la grande arrestation des templiers qui eut lieu le même jour dans tout le royaume, les gens du roi, s'ils ne trouvèrent point d'or à foison, ne trouvèrent pas plus d'idoles monstrueuses dans les commanderies, maisons ou fermes. C'est à croire que les templiers avaient été informés de cette "descente" des gens d'armes !

Le Baphomet

Le Baphomet est une représentation à tête barbue (un bouc ou un humain suivant les versions), possédant de grandes oreilles (ou des cornes) et des ailes.

De nombreuses interprétations ont été associées au Baphomet, voici les plus connues ci-dessus.

L'abbé Constant le présente dans son livre " Dogme et rituel de la haute magie" en illustration de l'introduction au chapitre "Rituel". Il nous le présente comme suit :

- "figure de panthéisme et magique de l'absolu",
- le flambeau représente l'intelligence équilibrante du ternaire,
- la tête correspond à la responsabilité de la matière seule et l'expiation des péchés corporels,
- ses mains humaines (signe du travail), dirigées vers le haut et vers le bas, font le signe de l'ésotérisme.

L'abbé Constant nous le décrit également avec un pentacle dessiné sur son front. Il possède également un sein de femme (signe de la maternité). Le bas du corps est habillé et laisse apercevoir un disque et un caducée.

L'idolâtrie fut l'un des principaux chefs d'accusation portés contre les templiers. Ils auraient idolâtré la représentation d'un être dans un culte plus ou moins démoniaque, en tout cas non chrétien. Le nom de Baphomet n'a jamais été prononcé que ce soit par les templiers ou leurs accusateurs, seulement l'adjectif baphométique fut entendu à l'époque. L'origine de ce nom serait une déformation du nom du prophète Mahomet, soit en provençal, soit en langue d'oc, ou du moins une langue latine.

Alors que la plupart des templiers déclarèrent nier la connaissance de cette idole, Gaucerand de Montpezat révéla son existence lors du procès en disant avoir adoré une "image baphométique".

Les descriptions fournies par les templiers étaient toutes contradictoires. Ils parlèrent de tête rouge ou noire, en bois ou en métal précieux, tête d'homme à grande barbe, tête à deux ou trois faces.

Le templier Raoul de Gisy déclara : "C'était une méchante chose, ressemblant à un démon ; ayant jeté les yeux sur cette tête, j'en fus à ce point épouvanté que je ne savais plus où j'étais."

De ces descriptions contradictoires, certains historiens ont conclu qu'on avait fait dire aux templiers n'importe quoi et que la fameuse tête n'était qu'une invention des accusateurs.



Représentation du Baphomet.


Le procès

Le procès est instruit par le Grand Inquisiteur de France, Guillaume Imbert, au nom de l'église. Les agents royaux assistent aux interrogatoires. Il s'agit uniquement d'étayer l'acte d'accusation par des aveux, quel que soit le moyen utilisé. L'Inquisition est autorisée à utiliser la torture, modérément (!) et à condition de ne pas entraîner la mort. Les tortures pratiquées sur les templiers sont variées, cruelles et la modération oubliée... La méthode est très élaborée : on use alternativement des menaces et des promesses. Jacques de Molay lui-même avoue tout sans même être torturé. Sans doute espère-t-il ainsi protéger ses frères ? Il va jusqu'à signer une lettre dans laquelle il leur conseille de ne pas retenir davantage leurs aveux. Le roi a décidé d'informer les souverains étrangers (les templiers ont des commanderies en Europe) et leur suggère d'agir comme lui. Clément V ne croyant pas à la culpabilité des templiers, lance sa propre contre-enquête. Il apprend ainsi que plus de 30 frères sont morts dans les supplices. Les aveux ont été arrachés dans des conditions atroces et inadmissibles de la part des Inquisiteurs. En février 1308, Clément V retire ses pouvoirs à l'Inquisition, ce qui équivaut à l'annulation de toute la procédure, et il se réserve l'affaire. Philippe le Bel réagissant, le pape ne peut que faire demi-tour. Il rétablit les pouvoirs des tribunaux ecclésiastiques. Onze chefs d'accusation sont retenus dont : absence de foi, adoration d'une vieille idole, voleurs du roi en tant que trésoriers, pratique de la sodomie... Un Concile général est tenu à partir du 12/11/1309. Il est chargé de décider s'il faut maintenir, réformer ou dissoudre l'ordre. Le 26/11, Jacques de Molay est entendu. Visiblement, la présence de certains hommes du roi le gêne pour parler. Il tente de se défendre puis, après une intervention extérieure, sa capacité à convaincre baisse de façon surprenante. Après une suspension, constatant le peu de témoignages et leur peu de crédibilité ; les enquêteurs s'aperçoivent que les lettres de citation adressées aux évêques ont été insuffisamment publiées... On décide donc de les renouveler. Cette fois beaucoup de personnes se déplacent, rendant espoir aux templiers. Les frères déclarent que leurs aveux ont été obtenus après de longues heures de torture. Le 7/04/1310, le porte-parole de l'ordre, frère Pierre de Bologne dépose un mémoire en défense. Il y demande qu'aucun laïc ne participe aux interrogatoires (allusion à la présence des hommes du roi) et qu'on cesse de faire pression sur ceux qui veulent défendre l'ordre. Il insiste sur le fait que les mensonges perpétrés contre les templiers ne le sont qu'en France. Les avis favorables continuant d'affluer, les templiers relèvent la tête. Le peuple commence à les plaindre.

Avec ce désordre, les commissaires sont ébranlés dans leurs convictions et commencent à faiblir malgré les rappels à l'ordre de Nogaret. Grâce à une série de passe-passe diplomatique, Philippe de Marigny (frère du financier du royaume) devient archevêque de Sens et prend en main le jugement de l'ordre. De leur côté, les commissaires s'annoncent incompétents. Reste à juger les 54 frères défenseurs de l'ordre. Le chef d'accusation devient alors "relaps ", c'est-à-dire celui qui se rétracte après avoir fait des aveux (même sous la torture). En droit médiéval, c'est le chef d'accusation le plus abject et le moins digne de pitié. Il se solde par la mort. Les 54 meurent sur le bûcher. 05/06/1311 : la Commission pontificale est clôturée à l'abbaye de Maubuisson sous l'oeil vigilant du roi. Les procès-verbaux sont remis à Clément V avec ceux sur les templiers d'Allemagne, d'Angleterre, d'Aragon, du Portugal et d'Italie. En octobre 1311, le pape réunit le Concile à Vienne. La difficulté est bien présente avec un dossier très contradictoire et volumineux. D'autant que tous les évêques ne sont pas Français et que les résultats des autres pays divergent de ceux donnés par la Commission de Paris. Quelques rebondissements plus tard, les tractations entre le pape et les envoyés du roi à Vienne étant conclues, reste à faire (bien) voter le Concile. Impressionnés par l'entrée de Philippe le Bel accompagné d'une importante armée, les prélats votent enfin la dissolution de l'ordre. En avril 1312, Clément V édite une bulle prononçant la dissolution des templiers. Le 2 mai suivant, par la bulle " Ad providam Christi Vicarii ", le pape attribue tous les biens du Temple aux chevaliers de l'Hôpital, exception faite des commanderies d'Aragon, de Castille et du Portugal. Le roi obtient 200 000 livres de dédommagement les 2/3 du mobilier et des ornements liturgiques. Reste à décider du sort des hauts dignitaires, rôle confié à une commission apostolique dans laquelle on retrouve Philippe de Marigny. Le roi a prévu d'obtenir la confirmation solennelle de leurs fautes. Pour cela, ils sont amenés sur le parvis de Notre-dame de Paris le 18/03/1314, devant la foule. Il y a là Jacques de Molay, Hugues de Pairaud, Geoffroy de Charnay et Geoffroy de Gonneville. D'abord surpris, ils comprennent qu'ils n'ont plus rien à attendre de personne. Jacques de Molay se met donc à crier qu'il a menti et que l'ordre est innocent. Il avoue avoir agi ainsi pour faire cesser la douleur de la torture et reconnaît qu'il préfère la mort à une condition si infâme. Geoffroy de Charnay confirme les paroles du grand maître. La foule se met alors à gronder, émue par les déclarations de ces vieillards. Philippe le Bel est furieux.

Il ordonne de dresser un bûcher sur une petite île de la Seine (aujourd'hui la pointe du Vert-Galant). Les deux prévenus bavards y sont livrés au bourreau vers la fin de la journée. Le bûcher est lentement allumé, pour faire durer leur souffrance. Les frères ne se rétractent pas, clamant leur foi en Dieu et l'innocence de l'ordre.

Le trésor des templiers

Une des principales motivations de Philippe le Bel pour la dissolution de l'ordre du Temple se situe au niveau financier. Les terres, maisons, est commanderies possédées par les templiers en France sont très nombreuses, ils possèdent une flotte maritime, et effectuent le transfert les fonds de marchands pour garantir la sécurité. Ils iront jusqu'à payer la rançon pour Richard Coeur de Lion prisonnier en Orient. Ils prêteront même de l'argent à Philippe le Bel. Lors de l'arrestation massive de tous les templiers, Philippe Lebel participe à l'entrée dans l'enclos du temple à Paris. Les templiers sont " connus " pour leurs richesses. Où mieux qu'à Paris dans cet enclos fermé, le trésor de templiers pourrait-il être dissimulé ? Ni Philippe le Bel, ni aucun inquisiteur ne trouveront "ce trésor ".

- Si le trésor des templiers est bien un trésor financier, celui-ci a disparu juste avant les arrestations. Certains templiers auraient été prévenus de l'attaque et auraient quitté leur commanderie avec le trésor. Il n'a pas ce jour pas été retrouvé.

- Si le trésor de templiers n'est pas financier, il serait alors d'ordre spirituel. Cette hypothèse peut être avancée en tenant compte du temps passé par les templiers en Orient, où ils ont côtoyé différentes civilisations possédant chacune des connaissances et des croyances différentes. Ils ont apporté des techniques novatrices (voir inconnu) permettant la construction des cathédrales. On peut alors penser que les rencontres qu'ils firent au cours de ces deux siècles, leur permirent d'acquérir de nombreuses connaissances. Il n'est pas impossible non plus, qu'ayant vécu en Terre Sainte, et côtoyant de très près d'autres religions, ils finirent par " découvrir " un secret très important au niveau religieux. Dans ce cas, il était aisé de comprendre le souhait du Saint-Siège de se débarrasser d'un ordre puissant, important, ayant des croyances différentes, ou modifiées par rapport aux règles de l'église. Cette même puissance gêne évidemment le roi de France qui dans sa volonté d'étendre son pays se voit limiter sur son propre sol par un ordre religieux indépendant.

Le rapport d'Alain de Pareilles, chef des archers du roi, à Guillaume de Nogaret a été fait par écrit et relate ce qui a été trouvé au Temple de Paris: pratiquement rien ! Le même état a été remis à Enguerrand de Marigny. Les deux documents figurent aux Archives nationales. Il est intéressant de se tourner vers une déclaration effectuée devant le Pape même, par le templier Jean de Châlon, du Temple de Nemours, en juin 1308. Ce dernier y déclare que la veille de l'arrestation des templiers, un cortège comprenant trois chariots recouverts de paille et une cinquantaine de chevaux quittèrent le Temple de Paris sous la conduite de deux templiers, Hugues de Chalons et, surtout, Gérard de Villers, le précepteur de France. On peut facilement imaginer ces chariots chargés d'archives et d'or, les 50 chevaux étant destinés à remplacer ceux qui étaient épuisés lors d'un long voyage.

Par ailleurs, suivant le même but, les navires de l'Ordre, la plus grande armada d'Occident qui mouillait à La Rochelle, leur port d'attache, quittent le port, vers une destination inconnue, très probablement le Nord de la France. Lorsque la milice du roi arrive à La Rochelle, l'immense flotte a disparu. Les chariots sortis du Temple de Paris au soir du 12 octobre 1307 se sont sûrement dirigés vers le Nord de la France pour charger leur cargaison sur les bateaux arrivés de La Rochelle, pour disparaître à tout jamais.

On n'a jamais su qu'elle était sa destination et ce qu'elle est devenue, mais du Nord de la France, l'Angleterre n'est qu'à peu de distance, et l'on sait que les templiers n'y étaient pas persécutés comme en France. Même, Jacques de Molay peu avant sa mort, aurait donné à un chevalier anglais, John Mark Laermanius, la mission de faire survivre le Temple. Ce noyau de templiers serait à l'origine de la constitution de la loge maçonnique Heredom ou "Sainte Maison". Si l'on étudie un peu les principes de la Franc-maçonnerie dite de "Rite Ecossais", force est de constater que l'esprit du Temple souffla dans les îles Britanniques bien après son abolition en 1312... Reste qu'entre la sortie des chariots du Temple de Paris et l'exécution de Jacques de Molay, 7 ans s'écoulèrent... Il est pensable que certains templiers aient cherché refuge en écosse. Le seul monarque d'Europe à ne pas appliquer l'ordre du pape était Robert le Bruce. Ainsi, il n'est pas interdit de penser que l'écosse soit un asile pour les templiers après 1307.

Pas question ici de ne se lancer dans des hypothèses hasardeuses quant à la localisation d'un éventuel trésor des templiers. Une multitude d'ouvrages, de sites et de chercheurs se sont lancés dans des recherches sans résultat jusqu'à ce jour quoique.Si quelqu'un a retrouvé le trésor des templiers, croyez-vous raisonnablement qu'il va le dire à qui veut l'entendre ?

La malédiction

La légende veut que, depuis son bûcher, le grand maître ait invectivé Clément V et le roi et les a appelés à comparaître devant le tribunal de Dieu dans 40 jours. Quelques semaines après, on apprend que les deux belles-filles du roi, Marguerite et Blanche, trompent allègrement leur époux avec des chevaliers de la cour. Les amants sont terriblement punis. C'est le scandale de la Tour de Nesle.

Le pape meurt le 20 avril. Le roi meurt le 29 novembre d'un accident de chasse très bizarre. Nogaret meurt de façon plus mystérieuse encore, toujours la même année. En 1315, Marigny est pendu. Des famines déciment les principales villes d'Europe. Les divers cataclysmes sont considérés comme une punition pour les violences infligées par le pouvoir aux templiers. Sur les 15 000 frères du Temple, ils sont déjà nombreux à être décédés en 1314 et meurent les années suivantes dans les geôles. Les réconciliés sont admis chez les Hospitaliers.

D'autres passent les Pyrénées et trouvent asile dans les commanderies espagnoles et portugaises. En France, ce sont surtout les Chevaliers qui sont les plus démunis, car les templiers de second rang se replacent dans leurs anciens corps de métiers.

Sur le même sujet

Activités militaires des templiers

Vouloir évoquer l'activité militaire des templiers, c'est se résigner à demeurer incomplet. Cette activité nous échappe par ce qu'elle avait de plus quotidien : la défense et la protection des routes, des frontières, des forteresses et bien entendu, des pèlerins.

Le plus ancien fait d'armes qui nous est connu a eu lieu en 1132, au Portugal. En Terre Sainte même, le premier fait d'armes connu auquel participèrent nommément les templiers a eu lieu en 1138, après la mort d'Hugues de Payns, à Teqoa. Ce fut d'ailleurs une défaite. Robert de Craon, le successeur d'Hugues de Payns à la tête de l'Ordre avait repris la ville aux Turcs, mais avait négligé de les poursuivre hors de la ville. Ces derniers s'empressèrent de revenir et de perpétrer un véritable massacre parmi les templiers.

Il ne fait pas de doute toutefois que les templiers arrivèrent à maintenir une relative sécurité sur les routes et le royaume à partir de la seconde moitié du XIIe siècle.

C' est en fait à partir de la seconde croisade que l'Ordre du Temple devient une véritable armée de combat, harcelée chaque jour par des ennemis toujours plus pressants.

Quelques dates et faits révélateurs :

27 avril 1147 :
La croix rouge pattée de gueule devient l'emblème des templiers, le 27 avril, le Pape Eugène III octroie la croix rouge.

6 janvier 1148 :
Les templiers sauvent l'armée du Roi de France Louis VII, attaquée par les Turcs dans des gorges abruptes.

13 août 1153 :
Le Maître du Temple Bernard de Tremelay est tué avec quarante autres templiers lors du siège d'Ascalon, que les chrétiens emporteront finalement le 19 août.

22 novembre 1177 :
Le roi de Jérusalem Baudouin IV, à la tête de 500 chevaliers, dont 80 templiers, remporte une victoire décisive contre les 30.000 mameluks de Saladin à Montgisard.

1187 :
140 Chevaliers du Temple, avec à leur tête le Maître Gérard de Ridefort, attaquent 7.000 soldats de Saladin. La quasi-totalité de la troupe est massacrée.

3 juillet 1187 :
À la bataille de Hattin, qui voit la reprise de Jérusalem par les musulmans, tous les templiers faits prisonniers sont décapités, à l'exception de Ridefort qui sera plus tard accusé d'avoir renié sa religion à cette occasion...

4 octobre 1190 :
Gérard de Ridefort est tué dans un combat, lors de la reconquête d'Acre.

Avril 1211 :
Guillaume de Chartres, Maître de l'Ordre Est grièvement blessé dans une embuscade alors qu'il ravitaillait la forteresse de Port-Bonnel en Cilicie.

5 novembre 1219 :
Les templiers participent à l'offensive du Roi de Jérusalem qui conduit à la reprise de Damiette par les chrétiens.

5 avril 1250 :
Guillaume de Sonnac, Maître de l'Ordre Est tué lors du siège de Mansourah.

15 avril 1291 :
Guillaume de Beaujeu, Maître du Temple, et une petite troupe tentent d'incendier les machines de guerre qui mettent le siège devant Acre. Le 18 mai, Guillaume de Beaujeu était tué lors de l'assaut final des musulmans.

Juin 1299 et septembre 1303 :
Jacques de Molay tente deux opérations de reconquête de la Terre Sainte, depuis Chypre.

22 novembre 1177 :
Le roi de Jérusalem Baudouin IV, à la tête de 500 chevaliers, dont 80 templiers, remporte une victoire décisive contre les 30.000 mameluks de Saladin à Montgisard.

1187 :
140 Chevaliers du Temple, avec à leur tête le Maître Gérard de Ridefort, attaquent 7.000 soldats de Saladin. La quasi-totalité de la troupe est massacrée.

3 juillet 1187 :
À la bataille de Hattin, qui voit la reprise de Jérusalem par les musulmans, tous les templiers faits prisonniers sont décapités, à l'exception de Ridefort qui sera plus tard accusé d'avoir renié sa religion à cette occasion...

4 octobre 1190 :
Gérard de Ridefort est tué dans un combat, lors de la reconquête d'Acre.

Avril 1211 :
Guillaume de Chartres, Maître de l'Ordre Est grièvement blessé dans une embuscade alors qu'il ravitaillait la forteresse de Port-Bonnel en Cilicie.

5 novembre 1219 :
Les templiers participent à l'offensive du Roi de Jérusalem qui conduit à la reprise de Damiette par les chrétiens.

5 avril 1250 :
Guillaume de Sonnac, Maître de l'Ordre Est tué lors du siège de Mansourah.

15 avril 1291 :
Guillaume de Beaujeu, Maître du Temple, et une petite troupe tentent d'incendier les machines de guerre qui mettent le siège devant Acre. Le 18 mai, Guillaume de Beaujeu était tué lors de l'assaut final des musulmans.

Juin 1299 et septembre 1303 :
Jacques de Molay tente deux opérations de reconquête de la Terre Sainte, depuis Chypre.

Ces quelques exemples ne sont qu'un reflet d'événements que l'histoire a bien voulu porter jusqu'à nous...Ils sont indissociables tout comme l'Ordre du Temple, de l'histoire des Croisades et du Royaume Latin de Jérusalem. Ils relatent l'engagement et l'abnégation des templiers, parfois aussi leurs faiblesses humaines, faites d'intrigues politiques ou d'erreurs stratégiques...

L''histoire a retenu que de 1150 à 1291 des milliers de soldats se sont engagés sous la bannière du Temple dans le seul but de défendre la Terre Sainte face au monde musulman...


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Jehanne - dans Personnages Historiques
3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 16:39
Berthe au grand pied (le conte)
Lorsque Pépin le Bref décida de se marier, ses conseillers partirent en quête d'une fiancée de bonne noblesse dans divers pays. Mais le roi ne parvenait pas à faire son choix. Jusqu'à ce qu'un trouvère qui avait parcouru une bonne partie du monde vînt lui chanter la beauté de Berthe, fille du roi de Hongrie, aussi intelligente que fine et sage. Elle n'avait qu'un seul défaut : l'un de ses pieds était trop grand.

«Les pieds restent cachés sous les jupes», se dit le roi. «Qu'on amène donc Berthe à Paris! »




Pépin fit alors charger trente chevaux d'or et d'argent, équipa une douzaine de chevaliers le plus richement du monde, et la troupe prit le chemin de la Hongrie. La belle Berthe n'était pas joyeuse après avoir donné son consentement, quand il lui fallut quitter son pays natal et sa famille. Mais ses parents lui dirent pour la réconforter.

«C'est dans la douce France que tu t'en vas, ma chérie! Où trouverais-tu plus beau pays au monde? Nous ne t'oublierons pas, sois-en sûre! »


Et Berthe s'en alla donc vers la France. En route, son cortège fit une halte chez le duc de Mayence, qui s'étonna fort en voyant la princesse Berthe. Ce duc avait une fille, Alista, qui ressemblait à Berthe comme une soeur. Sauf les pieds, qu'elle avait justement très petits, comme des pieds de fillette. Il ne fut donc pas étonnant que les deux demoiselles se prissent vite d'amitié l'une pour l'autre. Berthe était si enchantée de sa nouvelle amie qu'elle proposa d'en faire sa suivante, et de l'emmener avec elle en France.

Lorsque tout le monde arriva à Paris, la princesse hongroise était si lasse de son long voyage qu'elle fit cette proposition à sa nouvelle amie


«Chère Alista, je t'en prie, remplace-moi ce soir. Que l'on te présente au roi à ma place. Cela ne durera pas longtemps, et de toute façon les gens n'y verront rien. Nous nous ressemblons tellement! »

Alista accepta très volontiers : elle se revêtit de l'une des plus belles robes de la princesse hongroise et se rendit à la salle de réception pour la cérémonie de la présentation. Seulement, cela lui plut très fort de se trouver ainsi auprès du roi! Alors elle décida de remplacer sa maîtresse pour toujours.


Alista paya - très cher - deux serviteurs, qui enlevèrent Berthe et l'emmenèrent en secret dans la forêt la plus profonde. Là, ils avaient ordre de la tuer. Mais ils n'en eurent pas le coeur, ils hésitèrent devant tant de beauté. Ils l'abandonnèrent donc à son sort, et s'en retournèrent à Paris. La pauvre Berthe erra longtemps dans la forêt obscure, elle se déchirait les jambes dans les fourrés épineux, dormait à même le sol nu et se nourrissait de fraises et de framboises. Jusqu'à ce qu'un jour, elle débouchât en une prairie où elle vit une petite chaumière. C'était là que vivait le charbonnier Simon, avec sa femme et ses deux filles. Berthe vécut neuf ans et demi dans la cabane du charbonnier, et jamais elle ne trahit sa véritable identité.

La reine de Hongrie Blanchefleur n'oubliait pas sa fille. Dès qu'elle en avait l'occasion, elle envoyait des messages en terre de France, et était fortement inquiète de ne recevoir de sa fille que de très brèves informations. On peut comprendre qu'Alista n'adressait à la cour de Hongrie que des mots très prudents. Aussi, quand la reine de Hongrie invita sa fille à venir la voir en son pays, Alista lui répondit qu'elle ne pouvait faire le voyage, étant malade. Cela décida la reine de Hongrie


«Je vais aller voir Berthe en France! »

Ce fut en vain que le roi son époux tenta de la dissuader d'entreprendre un si long et si pénible voyage.


«Si Berthe a supporté ce voyage, je le supporterai bien aussi, moi!»

déclara-t-elle. Et elle se mit en route.


En apprenant cela, Alista eut grand-peur. Elle se mit vite au lit, en se déclarant malade. Ce fut ainsi que la reine de Hongrie trouva celle qu'elle croyait être sa fille, au lit dans une chambre obscure, aux rideaux tirés.

La reine se jeta sur la fausse Berthe dans son lit, et se mit à caresser sa fille comme un bébé. Ce fut alors qu'elle remarqua que celle qui était dans le lit avait bien le même visage que Berthe, mais avait des petits pieds : tous deux semblables.


«Tu n'es pas ma fille!»

s'exclama la reine. Et elle se hâta d'aller raconter au roi cette nouvelle stupéfiante.


Le roi Pépin le Bref se fâcha très fort. Il fit venir Alista devant lui, et elle, tout en pleurs, avoua tout. Ensuite le roi entendit les deux serviteurs qui avaient été chargés de l'horrible besogne, et eux aussi confessèrent tout. Ils menèrent le roi jusqu'à l'endroit de la forêt où ils avaient abandonné la malheureuse princesse hongroise.

Le roi fit rechercher Berthe, et il chercha lui même, dans toutes les directions. Il commençait à se faire à l'idée qu'elle avait dû périr dans la forêt, quand il parvint lui aussi à la chaumière du charbonnier. Là, devant la maisonnette, il vit une très belle jeune femme qui rapportait une cruche d'eau de la fontaine. Et il remarqua aussi que l'un de ses pieds était chaussé d'un très grand sabot.




Pépin l'interpella

«Dites-moi qui vous êtes! Vous devez me suivre, je suis le roi de France!»

Berthe, effrayée, répondit


«Ah, Sire, ne me faites pas de mal! Je suis la reine de France, la fille du roi de Hongrie, l'épouse de Pépin!»

«Et Pépin, c'est moi!»


s'exclama le roi, tout heureux. Et il prit Berthe sur son cheval. Tout se termina très bien. Le roi fut miséricordieux, car Berthe au grand pied et aussi au grand coeur, plaida en faveur de tous. Sauf d'Alista, qui fut honteusement chassée de Paris. Les deux serviteurs reçurent une bonne volée de coups de bâton, mais ensuite le roi les récompensa richement parce qu'ils n'avaient pas tué Berthe, comme ils en avaient reçu l'ordre. Le charbonnier Simon, qui ne parvenait pas à croire qu'il avait hébergé chez lui durant dix ans la reine de France, fut élevé au rang de chevalier, et reçut comme armoiries une fleur d'or sur champ d'azur.
La reine de Hongrie pleurait, puis riait, et se réjouissait fort de n'avoir pas écouté les conseils de son époux, qui ne voulait pas la laisser aller en France. Qui sait comment tout cela aurait fini, si elle ne s'était pas décidée à ce voyage!

«Mais si vous n'aviez pas retrouvé Berthe»,


disait-elle au roi Pépin,

«je vous jure que de mes propres mains je vous aurais raccourci d'une tête!»


Peu de temps après les retrouvailles, on célébra de façon grandiose, pour la deuxième fois, le mariage de Pépin le Bref, mais cette fois avec la véritable Berthe, fille du roi de Hongrie. Et les époux royaux vécurent ensemble de longues années heureuses, et ils régnèrent avec une grande sagesse sur le doux pays de France.



Origine du conte
Berthe au grand pied (vers 1275) est la mise en roman d'une légende concernant la mère de Charlemagne. Le troubadour Adenet le Roi s'inspira de cette histoire pour écrire «Li Roumans de Berte aus grans piés», où l'héroïne, une princesse de Hongrie, se voit substituer une rivale lors de son mariage avec Pépin. La fausse reine ressemble étonnamment à Berthe, les pieds exceptés. La mystification sera découverte par Blanchefleur, mère de Berthe, lors d'une visite à Paris. Pépin retrouvera lors d'une partie de chasse la vraie Berthe qu'il épousera. Elle devint reine de France et mère de Charlemagne.



L'histoire (xx - 783)
Berthe ou Bertrade, dite au grand pied était la fille de Caribert II (Charibert), comte de Laon et de Gisèle d'Aquitaine, Son mariage avec Pépin est daté de 743-744. Reine de France, elle est la mère de l'empreur Charlemagne et de son frère Carloman. Elle mourut le 12 juin 783 à Choisy-au-Bac (près de Compiègne, Oise) et sa dépouille fut inhumée en l’église de l’abbaye royale de Saint-Denis.
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3 octobre 2007 3 03 /10 /octobre /2007 16:13
La ceinture de chasteté



Essentiellement, cette ceinture fut symbolique au Moyen-Âge.
Comme par exemple nous avons dans un des lais de Marie de France, la mention que l'amant attache une ceinture autour de la taille de son amie tandis qu'elle, elle fait un noeud dans le bas de sa chemise. Tous deux savent que personne à par eux peuvent défaire ces noeuds. Nous avons là une symbolique, voire une certaine magie.

Il y a une image du XVe qui a été utilisée comme preuve de l'existence de cet outil dans un traité d'art militaire. Mais à y regarder de plus près et en lisant les textes relatifs à l'image, il semble que ce soit un instrument contre les hernies!!!    Mauvaise interprétation de source !
Aux XVIe et XVIIe siècles on retrouve des illustrations de cet objet sur des scènes de couples. Mais est-ce la représentation d'une réalité ou d'un fantasme?

Ensuite, elle a servi de propagante anti-féodale aux XVIIIe siècle; tandis qu'au XIXe on en créa des fausses pour le plaisir des cabinets de curiosité de même qu'elle fût (très rarement) prescrite comme médication.


Enfin, le XXe siècle la verra devenir un objet utile aux fantasmes sexuels qui l'associent davantage au Moyen âge par exotisme, mais sans référence historique.


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Jehanne - dans La Société
2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 16:40
La prostitution au Moyen-Age

Depuis le début des temps, la prostitution n'a cessé d'exister. Déjà à l'époque du paléolithique, les hommes étaient prêts à livrer le produit de leur chasse aux femmes qu'ils désiraient pour obtenir leurs faveurs sexuelles. Au cours des siècles, le processus s'est bien sur sophistiqué, mais il reste toujours le même: les hommes seront toujours prêts à payer le prix pour obtenir ces faveurs.
La prostitution existait donc pendant la période du Moyen Age, soit de 500 à 1500, mais comment était-elle perçue par le clergé, les rois et le peuple? D'après les textes de lois, les édits, les bulles papales, les règlements municipaux et même les anecdotes, une brève étude de la perception de la prostitution au cours du Moyen Age sera construite.

L'étude débutera donc avec l'époque du Ve au XIe siècle, où nous aborderons les différentes conceptions du phénomène en passant par les mesures prises par l'Empereur Justinien et son épouse Théodora afin de diminuer le proxénétisme, puis celles de Théodoric 1er, le "Code Alaric", et pour finir la période, celles de Charlemagne. Puis du XIIe au XIIIe siècle, c'est le temps de l'acceptation, avec les politiques variées de Saint Louis et le problème des prostituées suivants les croisades. En terminant, nous étudierons les efforts des papes tels Jules II, et des municipalités pour institutionnaliser la prostitution du XIVe au XVe siècle, avec des règlements et des codes.

Justinien et Théodora

De 527 à 565, c'est l'empereur Justinien 1e qui règne avec son épouse Théodora (morte en 548) sur l'empire byzantin. En matière de prostitution, ce grand empereur fut très innovateur. Pour ce faire, il stipula 531 dans son Corpus Juris Civilis que tous les proxénètes tels les souteneurs et les maquerelles seront punies sévèrement s'ils sont trouvés coupable de pratiquer ces métiers. Pour la première fois, une loi s'attaquait aux problèmes de la prostitution par ces racines. Par le fait même, les lois interdisant aux ex-prostituées de se marier furent également abolies.

L'empereur Théodose le Grand (379-395), avait bien essayé lui aussi d'interdire la prostitution, en ordonnant d'envoyer en exil tous les pères, époux, ou maîtres qui prostituent leurs filles, femmes ou esclaves, mais il n'a pas créé une véritable loi. Toutefois, on peut facilement comprendre les efforts de Justinien en cette matière, car l'impératrice avait pratiqué le plus vieux métier du monde avant de l'épouser. Selon un extrait de ce code, on peut d'ailleurs se demander si Justinien ne fait pas allusion aux difficultés qu'il a rencontrées: "...qu'il arrivait souvent que des hommes, qui par pitié voulaient les soustraire à leur malheureux sort ou les épouser, ne pouvaient les arracher à ces sortes de prison ou ne les obtenaient qu'à prix d'or."

On constate également que rien dans ce code de loi ne fait allusion aux prostituées elles-mêmes. En fait, cette loi visait essentiellement à faire sortir les prostituées des maisons closes. Afin de réussir son projet, il devait évidemment faire plus, c'est pourquoi il mit sur pied le premier centre de réadaptation sociale, nommé Metanoia qui voulait dire se repentir. Malgré ces efforts considérables, le programme fut un échec, et le centre a été obligé de fermer ces portes.

Théodoric

Les nombreuses tribus germaniques quant à elles, partageaient souvent le même avis sur le sujet. Pour ces tribus, la prostitution représentait une malédiction à combattre. Théodoric 1e, fut semblerait-il, le premier à user de violence dans ce domaine. En effet, il parait que les proxénètes étaient jugés très sévèrement, car ils étaient passibles de la peine de mort pour avoir commis un tel crime. Cependant, ce n'est qu'avec le "Code Alaric" promulgué par Alaric II, roi des Wisigoths, que la persécution des prostituées a débuté véritablement. En effet, ce code prévoyait pour la première fois que les femmes de petites vertus étaient aussi coupable que les proxénètes et qu'elles étaient justiciables du fouet.

Charlemagne

Genséric de Carthage et Frédéric 1e Barberousse ont également renforcé ces mesures, mais c'est Charlemagne qui fut le premier, du moins en France, à inclure dans les capitulaires une loi portant exclusivement sur la prostitution. Malgré le fait que tous les chefs francs ont des harems, ou des gynécées ou y vivent leurs concubines, la prostitution pour le commun des mortels n'est aucunement tolérée.

En effet, les capitulaires stipulent que toutes personnes qui racolent, aident des prostituées, ou encore tiennent des bordels, sont passibles de flagellation. En fait, les prostituées sont perçues comme de très graves criminels, car elles sont passibles de 300 coups de fouets, soit le nombre de coups de fouets le plus élevé mentionnés dans le "Code Alaric", en plus de voir leur chevelure coupée. En cas de récidive, la loi était intransigeante, et la criminelle était vendue au marché des esclaves. Malgré de telles mesures, Charlemagne n'a put enrayer la prostitution.

Pendant cette époque la prostitution était un phénomène rare étant donné que la société franque était majoritairement rurale, et que la prostitution est un phénomène essentiellement urbain. Toutefois, des soeurs vivant au couvent ont été trouvées coupables de se livrer à de telles activités pour augmenter leur revenus.

St-Louis

Pendant l'époque où Louis IX régna, soit de 1226 à1270, la politique face à la prostitution fut changeante, passant de la prohibition à la tolérance. Il passa d'abord un édit en 1254, où il menace d'extradition toute personne faisant indirectement ou non de la prostitution son métier. Alors commença une dure répression, et la prostitution clandestine remplaça les maisons de débauches ouvertes à tous. Mais les hommes s'en plaignants furent nombreux, argumentant que depuis la publication de l'édit, il est difficile pour eux de protéger la vertu de leurs femmes et de leurs filles contre les assauts de violence que canalisaient autrefois les bordels. L'édit fut donc révoqué deux ans plus tard, et un nouveau décret a rétabli la prostitution, à condition que différentes règles soit suivies.

Ce trouvant devant l'échec cinglant de sa politique intransigeante, il décida d'être plus tolérant et ouvrit les portes d'un centre de réadaptation et de reclassement. Ce centre, dans la même ligne de pensé que celui ouvert sous Justinien, fut nommé "Couvent des filles-Dieu" et fut poursuivit sous le règne de Charles V. Mais Louis "le Saint" devait se heurter à un problème de taille; la prostitution en terre sainte.

Les Croisades

Dès la première croisade, soit de 1096 à 1099, les prostituées ont suivit les troupes en grand nombre. Toutefois, on peut croire que ce nombre augmenta rapidement car pendant la huitième croisade menée par Saint Louis les livres de comptes royaux font état sous la rubrique "camp followers" que l'État devait payer un salaire à environ 13 000 prostituées afin d'encourager les troupes à continuer la guerre sainte. Saint-Louis se trouvait donc confronté à un problème de conscience, mais comment pouvait-il empêcher les prostituées de suivre ces hommes seuls perdus dans ces contrées inconnues et si loin de leur chère épouse.

Quant au fils de Louis IX, Philippe, il a poursuivit l'attitude de son père, c'est-à-dire les règles imposées aux putains, qui les maintenait dans des quartiers spécifiques de la ville. Cette attitude de relâchement, que de nombreux politiciens préconisaient également montre que la prostitution ne scandalisait pas la population en général.

St-Thomas-d'Aquin

Le discours ecclésial du XIe et du XIIe siècle, établit par le Decretum de Burchard, évêque de Worms, fait état d'un double standard en ce qui concerne la prostitution. Tout d'abord, il considère la prostitution comme un mal, mais d'un autre part, il admet sa nécessité. D'ailleurs, il stipule qu'une femme s'ayant adonné à de tels actes devait se soumettre à une pénitence de six années, alors que son partenaire devait jeûner pendant dix jours. Donc, il montre par la même occasion que l'acte de la femme est beaucoup plus grave que celle de l'homme, et que le mal se situe du côté de la prostituée et non de celui qui en a besoin comme exutoire.

La véritable "...rationalisation de la tolérance de la prostitution" fut donnée par nul autre que Saint-Thomas d'Aquin, dans sa Somme théologique. Il fait allusion trois fois dans cet ouvrage à la prostitution, mais toujours d'une manière détournée. Il commence donc par insinuer que l'on doit se montrer tolérant envers la prostitution, puis va plus loin en mentionnant que l'on peut accepter les fruits de ce commerce en toute conscience. On peut donc conclure que malgré le fait qu'il n'approuve pas le geste, il se montre tolérant envers de telles activités. D'ailleurs, St-Thomas d'Aquin reprit les propos de Saint-Augustin disant que la "prostitution in the towns is like the cesspool in the palace: take away the cesspool and the palace will become an unclean and evil-smelling place."

Ceci est parfaitement compréhensible, car le clergé s'est enrichi considérablement sur le dos de la putain, et qu'il a besoin d'une justification pour avoir agi de la sorte. D'ailleurs, de telles pratiques se sont répandues largement au cours des siècles suivants.

Institutionnalisation

La première tentative de sanitarisme dans le domaine de la prostitution remonte à 1360, avec l'établissement par Jeanne 1re, reine des Deux-Siciles, d'un bordel en Avignon où les filles étaient largement contrôlées par des médecins et une abbesse. Cette initiative était bien sûr faite pour renflouer les coffres du royaume, et non dans une perspective humaniste, mais elle a tout de même créé un précédent.

Étant donné que le Grand Conseil de 1358 a mentionné que "les pécheresses sont absolument nécessaires à la Terra", mieux vaut organiser et contrôler ces dernières. En effet, à partir du XIVe siècle, on assiste a un effort d'institutionnalisation de la prostitution visant à tirer profit de ce commerce, mais surtout de le restreindre à certaines zones de la ville. Puisque les bordels seront dorénavant considérés comme nécessaires par l'Église, les municipalités et les élites des royaumes, tels le clergé dégénéré de l'époque, en prendront rapidement le contrôle et en tireront évidemment profit.

D'ailleurs, Voltaire rapportait que l'évêque de Genève administrait tous les bordiaux de ces terres. Dominique Dallayrac va même jusqu'à avancer que la prostitution amena plus de richesse au clergé que tous leur fidèles réunis. St-Thomas d'Aquin raconte également que des moines perpignanais organisaient une collecte de fond pour ouvrir un nouveau bordel, dont ils vantaient le mérite; "oeuvre sainte, pie et méritoire". D'ailleurs, La chose ira encore plus loin, car en 1510, le pape Jules II fit construire un bordel strictement réservé aux chrétiens.

Le règlementarisme

Une savoureuse anecdote nous dépeint bien comment les codes vestimentaires furent établis. C'est l'histoire d'une reine qui aurait partagé le baiser de paix à l'église avec une courtisane richement parée. Apprenant d'une dame l'erreur qu'elle à commise, demanda au roi d'interdire à des femmes de petites vertus de porter "...de si riches toilettes, de sorte qu'on ne puisse les confondre avec les honnêtes gens." Bien sur, ce n'est qu'une anecdote, mais elle reflète une réalité; les femmes de bonnes vertus veulent se démarquer des courtisanes, et éviter que de telles erreurs se produisent.

On voit donc apparaître au XIVe siècle toute une série de règlements visant à ségréguer les prostituées. Tout d'abord, on commence par restreindre leurs activités à l'île du Rialto, soit le quartier des affaires, et en 1360, on leur interdit de se rendre dans le Rialto Nuovo. De la même façon, on leur permet de racoler dans les ruelles, mais non sur l'artère principale du marché. A partir de cette date est également né un "hôtel public, contrôlé par la République". Ensuite, on leur interdit, à partir de 1438, de franchir le seuil des tavernes, et en 1460, un capitulaire ordonne à toutes les prostituées de rejoindre la maison, sinon elles seraient passibles de 10 livres d'amende et de 25 fustigations.

Ce changement est évidemment tributaire de l'effervescence économique que connaît Venise à ce moment, et d'une volonté de donner au coeur de la ville un aspect digne de son prestige. D'ailleurs, en 1492, on expulse les mendiants de la paroisse pour les mêmes motifs. Ces règlements témoignent par le fait même, d'une volonté toujours plus grande pour l'État vénitien d'affirmer son contrôle sur la vie publique, et même sur la vie privée.

Afin de vérifier que les règlements soit bien appliqués, on leurs assignaient des vêtements particuliers afin qu'on les reconnaissent et que l'on puisse sévir si jamais elles n'obéissaient pas. Dans de nombreuse villes européennes, des codes vestimentaires ont été établis, tel à Venise, ou l'on assignait les prostituées de porter un ruban de couleur jaune au cou. À Londres, on leur interdisait de porter de la fourrure ou de la soie. Les talons des souliers des prostituées étaient également limités à une certaines hauteur, à Venise, et à Sienne, elles devaient porter des souliers plats ou des pantoufles. Les souteneurs sont également "condamnés à porter un habit de couleur jaune, sous peine d'être fouettés....afin que tous puissent les reconnaître et surtout les éviter". Ces codes vestimentaires reçurent l'appuis du clergé, comme le pape Clément III le mentionnait à la fin du XIIe siècle: " harlots should dress differently from honest women".

Tout comme vous avez pu le constater, malgré les interdictions de toutes sortes, la prostitution à traversée les époques et pour devenir aujourd'hui encore le fléau à enrayer. Évidemment, on peut constater par cette brève étude que les élites de la société ont souvent prêché leurs intérêts, et que parfois, ils ne mettaient pas toujours en pratique ce qu'ils prêchaient. Certains ce sont bien sur enrichis sur le dos de la pauvre putain, mais certains ont aussi réellement fait des efforts pour améliorer son sort en dressant des programmes pour les réhabiliter. Malgré les échecs de ces mesures, de bonnes intentions les ont régies et il ne faut pas oublier que ce sont les ancêtres des programmes sociaux que l'on utilise aujourd'hui. En terminant, notons que les hommes ont souvent condamné la prostitution en public, mais que ces derniers l'ont toujours fort apprécié en privé.

Chantal Lapointe

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Jehanne - dans La Société
2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 16:29
La Prostitution au Moyen âge, suite...



Une profession réglementée, un métier médiéval comme un autre

A la fin du Moyen Age, la prostitution a droit de cité : acceptée et légalisée, elle devient même une profession à part entière. Toutes les grandes villes possèdent leur quartier réservé.

Par Séverine Fargette

On ne peut traverser le pont d'Avignon sans rencontrer deux moines, deux ânes et deux putains. Ce célèbre adage médiéval témoigne de la vitalité du plus vieux métier du monde dans la cité des papes. Mais bien d'autres villes de France peuvent se targuer d'une telle réputation.

Les filles de joie, fillettes de vie, folles femmes satisfont un besoin social que les législations royales, princières et municipales n'ont jamais pu abolir. Les tentatives répétées de Louis IX se sont soldées par un échec. L'ordonnance de 1254 décrète l'expulsion des femmes de mauvaise vie de toutes les villes du royaume. Bannies, elles se voient confisquer tous leurs biens, jusqu'à leurs vêtements. La difficulté d'exécuter strictement cet ordre explique la relative tolérance de l'ordonnance suivante. En 1256, l'expulsion des « folles de leurs corps et autres fillettes communes » est à nouveau décrétée, mais une clause précise qu'il s'agit surtout de les chasser des quartiers bourgeois, des églises, couvents et cimetières et de les repousser « hors les murs ». A la veille de partir en croisade, en 1269, Saint Louis, infatigable, intime encore à ses officiers l'ordre d'extraire le mal de tout le royaume. L'échec de cette prohibition révèle l'émergence d'un nouveau regard social porté sur la prostitution.

De la fin du XIIIe au XVe siècle, les autorités admettent que cette pratique, profondément ancrée dans la société, est impossible à éradiquer. Effectivement, bien que la prostitution fasse l'objet d'une réprobation générale, les fillettes trouvent leur place dans la communauté. Jusqu'au XIIe siècle, l'Eglise condamne strictement la fornication, c'est-à-dire toute forme de sexualité hors du mariage. Dès la fin du XIIIe siècle, la morale s'accorde davantage à la réalité, et reconnaît les besoins sexuels des jeunes hommes. L'affirmation de la virilité entraîne fréquemment un déchaînement de violence et se traduit par des viols collectifs commis sur des femmes isolées et faibles, réputées communes. Soucieuses d'éviter ces dérapages, les autorités encouragent l'essor d'une prostitution officielle. Ainsi, à la fin du Moyen Age, la prostitution apparaît déjà aux yeux de certains notables comme une thérapie sociale, voire une pédagogie de la bonne conjugalité.

Partant donc du postulat que les lupanars représentent un dérivatif à la violence sexuelle, les autorités, au pire, tolèrent la prostitution, au mieux, l'organisent. Au coeur des cités méridionales, les maisons de fillettes, les châteaux gaillards et autres maisons lupanardes deviennent des institutions municipales, entretenues et inspectées par les consuls. Plus méfiantes, les villes du Nord cantonnent dans quelques rues les mères maquerelles et leurs pensionnaires.

La prostitution institutionnalisée se matérialise par le prostibulum publicum. Il s'agit de bordels ayant pignon sur rue, dirigés par les autorités publiques, comme on en trouve à Dijon, Beaune, Mâcon, Villefranche, Bourg-en-Bresse, Lyon, Valence, Romans, Orange, Avignon, Tarascon, Nîmes, Sisteron. Comme le note le médiéviste Jacques Rossiaud, « on peut sans crainte affirmer qu'il n'existait pas de bonne ville sans bonne maison ». Edifiés avec les deniers publics, ces prostibula publica sont baillés à ferme à un tenancier, détenteur officiel d'un monopole. A Alès, les baux spécifient que le tenancier devra y tenir de « belles et agoustantes partenaires à paillardises ». Souvent, le tenancier est d'ailleurs une tenancière, appelée abbesse. Fille commune, ou ancienne prostituée reconvertie en honnête épouse, elle assume un rôle clé. Ses attributions s'avèrent primordiales au bon fonctionnement de la maison. Chargée du recrutement des futures besogneuses, elle veille à ce que les filles et leurs clients respectent strictement le règlement intérieur. Elle condamne scrupuleusement le blasphème et les jeux. Sous sa tutelle, l'ordre règne. Les hommes ne restent qu'une seule nuit car le château gaillard ne doit pas devenir un repère de ribauds et de larrons. Essentielle à la bonne renommée de la maison, elle sert aussi d'agent de renseignement, très utile aux autorités. Parfois, si l'abbesse décède ou disparaît en cours de bail, les consuls gouvernent eux-mêmes le prostibulum publicum. En mai 1467, à Tarascon, deux syndics reprennent la direction de la maison à la mort brutale de l'abbesse. A Dijon, dans des circonstances analogues, deux échevins recueillent le « serment des filles ». Ils discutent avec elles des prix et des revenus, les exemptent de la taille, les autorisent à participer aux fêtes publiques. En remerciement de leurs bons offices, les filles leur offrent chaque année un cadeau lors d'une grande manifestation publique.

A la fin du XVe siècle, la figure féminine de l'abbesse disparaît au profit d'officiers de justice qui reprennent la direction : le lieutenant viguier à Arles et à Tarascon, le châtelain à Beaucaire, le prévôt à Dijon gèrent et contrôlent ces « bons hostels », sélectionnent les candidates, surveillent les moeurs du métier. Les filles publiques se dressent alors en gardiennes de la moralité. Chargées de défendre l'ordre collectif, elles luttent contre l'adultère et jurent de dénoncer les contrevenants aux commandements du mariage. Elles absorbent les turbulences viriles des jeunes et des étrangers, les détournant ainsi de crimes odieux. Prenant cette fonction au sérieux, les prostituées publiques se montrent des plus actives dans la chasse aux filles secrètes et aux épouses dépravées, qu'elles mènent au tribunal.

La taille et l'apparence du prostibulum publicum dépendent de l'importance de la cité. Jacques Rossiaud décrit le modeste château gaillard de Tarascon : « Construction ayant cour, jardin, deux issues, une cuisine, une salle et quatre chambres. » Dijon, plus imposante, possède une vaste et confortable maison des fillettes, comportant trois corps de bâtiments à galeries intérieures avec, au centre, un jardin. En faction à son logis, le gardien surveille les allées et venues de la vaste salle commune aux vingt grandes chambres, toutes agrémentées d'une belle cheminée. A Lyon, Beaucaire, Arles ou Orange, vu les besoins de la population, une simple maison ne suffit pas, et la municipalité affecte un quartier entier à cette activité. En Avignon, il faut imaginer le cadre bucolique d'une petite place plantée d'arbres, bordée par plusieurs maisonnettes. Le racolage s'effectue dans les rues adjacentes. Ne nous figurons pas ces lupanars municipaux comme des maisons closes du XIXe siècle, ni comme des ghettos. Les filles communes « gagnent leur aventure » sur les places, dans les rues et les tavernes des quartiers autorisés. Mais elles doivent obligatoirement ramener le client dans le prostibulum publicum pour la passe.

Les pouvoirs publics ne parviennent pourtant pas à interdire les autres formes de prostitution, et leurs prostibula publica affrontent une intense concurrence : tavernes, hôtels, bordelages et étuves privées, qui foisonnent, offrent une prostitution notoire et, de fait, souvent tolérée. Les étuves notamment constituent des lieux de débauche célèbres. Qui n'a pas en mémoire l'image d'une chambre de bains, parsemée de baquets drapés, où se baignent des couples enrubannés et festifs ? Mais tous les bains publics ne peuvent arborer l'enseigne de la luxure et du stupre. Bien au contraire. Des règlements contraignants interdisent l'accueil des prostituées, et précisent systématiquement les jours et heures réservés aux hommes, puis aux femmes. Rien qu'à Paris, on retrouve cette prescription maintes fois répétée, dans le Livre des métiers (XIIIe siècle), dans une ordonnance du prévôt de Paris, Hugues Aubriot, en 1371, et à nouveau dans le statut des métiers de 1399 : « Item, qu'aucun estuveur ou estuveresse en la ville de Paris, soit d'estuves à hommes, soit d'estuves à femmes, ne laissera ou souffrira bordeler ni tenir bordeau esdites estuves. »

La popularité de certains bordeaux fait douter de l'efficacité de ces édits. A Lyon, les étuves Tresmonnoye trônent en plein quartier du Palais, à deux pas du siège de la justice royale. Les vastes étuves de la pêcherie, dites « d'ancienneté immémoriale », accueillent « plusieurs dizaines d'hommes ». A Lyon, vers 1470, l'expression « aller s'estuver » revêt ainsi une acception bien particulière. Les tavernes sont aussi des lieux de racolage classiques. Certaines disposent dans l'arrière-boutique de chambres facilitant l'exercice des filles secrètes.

Il existe enfin des bordelages privés, tenus le plus souvent par des maquerelles qui louent des fillettes, chambrières, ou femmes dites légères, convoquées pour l'occasion. Entremetteuses, ces tenancières vendent même l'innocence de quelques nièces ou cousines qui leur ont été bien imprudemment confiées. Le registre criminel du Châtelet à Paris conte le cas de Catherine Roquier, jugée en octobre 1389 pour proxénétisme. Elle avoue avoir vendu la soeur de son mari à un chevalier, alors que celle-ci vivait sous sa protection et qu'elle lui avait été confiée par sa mère pour « apprentissage de métier et oeuvre de broderie ». Pour vaincre les résistances de la jeune fille, elle avoue même l'avoir battue. Reconnue coupable d'incitation à la débauche, elle est condamnée comme « maquerelle publique et commune », exposée au pilori, puis brûlée en place publique.

Malgré les édits officiels, ces bordels résistent : ainsi, à Alès en 1454, le viguier (magistrat local) interdit par un cri public qu'« aucune femme n'ose tenir bordel public ou privé sinon aux lieux accoutumés et qu'aucun habitant n'ose héberger concubine mariée ou célibataire ». Une protestation immédiate des citoyens de la ville conduit rapidement à l'annulation de ce cri.

Finalement, la marge entre prostitution tolérée et prostitution prohibée s'avère assez floue. Les municipalités profitent de ce commerce et s'enrichissent en prélevant des taxes sur les maisons publiques ou en mettant les fillettes à l'amende. On constate souvent, en dépouillant les registres de comptes, que les loyers et les rentes tirés des maisons de prostitution sont traités au même titre que les autres revenus, y compris dans les registres des abbayes. Au XIIIe siècle, les canonistes admettent d'ailleurs la recevabilité des profits tirés de la prostitution à condition que la fille exerce par nécessité, et non par vice et plaisir. Les propriétaires des maisons, parfois des notables, n'ignorent rien des activités de leurs locataires, et encaissent sans vergogne les bénéfices. C'est le cas des familles Villeneuve et Baronnat à Lyon, de l'évêque de Langres ou de l'abbé de Saint-Etienne à Dijon.

Il existe encore une autre forme de prostitution, plus originale. Il s'agit des prostituées entretenues au sein même des hôtels royaux et princiers. Ces putains curiales demeurent le plus souvent cloîtrées dans la pénombre des chambres basses, en compagnie des hommes de peine. Mais leur fonction consiste également à tenir galante compagnie aux hôtes de passage. Un officier, le roi des ribauds, les recrute et les gouverne. Les filles ordinaires se distinguent des filles extraordinaires, louées occasionnellement pour des festivités. Au milieu du XVe siècle, le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, fait préparer des bains « avec tout ce qui est nécessaire au métier de Vénus », pour honorer une ambassade anglaise attendue à Valenciennes. En 1535, François Ier verse un don de 90 livres pour « aider aux susdites filles à vivre et supporter les dépenses qu'il leur convient faire à suivre ordinairement la cour ». Ces fillettes possèdent aussi leur moment de gloire lorsque, trois fois l'an, le roi ou le prince leur offre de l'argent en échange de bouquets de fleurs. A l'image des princes, certains bourgeois souhaitent également entretenir pour leur confort quelques prostituées. Charles V puis Charles VI accordent ainsi aux puissants banquiers lombards le droit d'entretenir à domicile quelques femmes.

La réglementation médiévale impose d'abord un cadre temporel et spatial. La période des fêtes religieuses exclut formellement le commerce de la chair. A carême prenant, débute le temps du repos pour les bordels publics. Samedi et dimanche restent des jours autorisés. Cependant, les tenancières veillent à ce que les étreintes n'aient pas lieu durant les offices divins.

Les interdits définissent strictement les lieux affectés à la prostitution. Ces endroits, rejetés le plus loin possible des hôtels nobles et bourgeois, s'étendent vers les quartiers pauvres des faubourgs ou à proximité des fleuves. La ville mue, et les quartiers de débauche se déplacent.

A Paris, ces lieux restent stables et correspondent à ceux définis par Saint Louis. Une ordonnance de 1367 du prévôt Hugues Aubriot fixe les rues où les ribaudes peuvent exercer. Rive gauche : « A l'Abreuvoir de Mâcon, en la Boucherie » (au débouché du pont Saint-Michel), et la rue Froid-Mantel (à l'est de l'actuel Collège de France). Sur l'île de la Cité, la rue de Glatigny reste le coeur de la prostitution parisienne, le fameux Val d'amour, fermé plus tard par François Ier. L'expression « fille de Glatigny » devient d'ailleurs synonyme de prostituée. Rive droite : la rue de Champ-Fleury, près du Louvre ; la rue Chapon, dans la paroisse de Saint-Nicolas-des-Champs ; et, malgré les protestations des évêques de Châlons, qui y ont un hôtel, la chaude renommée de cette rue persiste en plein XVe siècle ; à proximité de l'église Saint-Merri, les rues Baillehoe et Court-Robert-de-Paris. En 1387, un procès se déroule au Parlement afin d'en chasser les prostituées, mais en vain, car les sentences reconnaissent que « de tous temps », il y a eu « femmes de vie ». A la Court-Robert, le prince Louis d'Anjou, agacé par ce mauvais voisinage, tente lui aussi de chasser les pécheresses. La rue Tiron (entre la rue Saint-Antoine et la Seine) achève la liste officielle, mais bien d'autres rues et places mal famées attirent « mauvais garçons et jeunes dissolus et abandonnés ». Même racoler aux porches des églises n'effraie pas les filles de vie, comme le prouve la liste des délinquants appréhendés par les marguilliers et les sergents du chapitre de Notre-Dame.

Les multiples prohibitions vestimentaires servent à distinguer une femme honnête d'une femme de mauvaise vie. Car le seul contact de celle-ci est jugé « abominable ». Les prostituées doivent donc porter des insignes distinctifs. En Avignon comme à Dijon, la marque d'infamie consiste en un brassard blanc large d'au moins quatre doigts. A Toulouse, elles cousent des rubans blancs à leur bonnet. A Arles, elles portent des aiguillettes de couleur vive, qui tranchent avec leur robe. Elles doivent rester tête nue, à une époque où il est impensable de sortir sans une coiffe ; et les honnêtes gens peuvent arracher leur voile ou leur bonnet aux contrevenantes. Toute singularité vestimentaire semble d'ailleurs indiquer la femme de mauvaise vie. Voilà pourquoi plusieurs hommes de Beaumont s'excusent d'avoir violé de bonne foi une fille, car ils « croyaient, parce qu'elle avait habit et vêtement différents des autres filles et femmes du pays, que ce fût une fille de vie ».

En revanche, il leur est interdit d'agrémenter leur robe ou leur bonnet de quelque ornement ou fourrure. Le prévôt de Paris prohibe « broderie, perle, bouton doré ou argenté ». Les femmes communes surprises avec ces colifichets voient leur robe confisquer et doivent payer une amende. La liste des parures prohibées ne cesse de croître, ce qui prouve que certaines filles de vie affichent un luxe ostentatoire. En 1446, il « fut crié parmi Paris que les ribaudes ne porteraient plus de ceintures d'argent, ni collets renversés, ni pennes de gris [fourrures] en leurs robes, ni de menu vair ». En 1422, on interdit déjà « houppelandes à queue, traînant par terre à grains, collets et manches renversés et fourrures de fin gris et autres riches fourrures, ceintures les unes d'argent blanc, et les autres dorées et pendant par derrière, et atours, sur lesquels elles mettent chaperons d'écarlate ». Déambuler un livre à la main est passible de poursuites ; seuls, les gens de noble estat arborent cet objet précieux. Bien sûr, rares sont celles qui peuvent s'offrir ce genre de parure, et la plupart ressemblent davantage aux filles de joie, aguicheuses et dénudées, décrites par le poète François Villon, « montrant tétins pour avoir plus largement d'hôte ».

Les édits sanitaires désignent les prostituées comme des êtres impurs, et leur interdisent de toucher aux aliments qui ne leur sont pas destinés. En Avignon, elles doivent obligatoirement acheter les denrées qu'elles ont pu manipuler, et par là même polluer. Mais ces interdits demeurent souvent théoriques, car dans la même ville, chaque année, les filles publiques pétrissent des fougasses offertes publiquement aux consuls ! A Beaucaire, la proximité d'un bordel déplaît fortement aux médecins de l'hôpital qui voient leurs malades y faire des escapades. Ils obtiennent son déplacement. Plus communément, en période d'épidémie, les pouvoirs publics chassent hâtivement les filles des villes.

Le contenu des règlements sur les trois derniers siècles du Moyen Age évolue clairement vers une plus grande tolérance. Certes, au XIIIe siècle, les registres criminels des abbayes de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain à Paris témoignent bien de procédures d'expulsion. Les récidivistes peuvent même être marquées au fer rouge et exposées au pilori avant d'être bannies. Mais, aux XIVe et XVe siècles, les arrêtés municipaux légalisent cette enrichissante activité. Certains bourgeois réprouvent le prévôt parisien Ambroys Loré, qui « supportait partout les femmes folieuses, dont trop avait à Paris par sa lâcheté, et il acquit une très mauvaise renommée de tout le peuple ». Les registres des Ecrous de 1412 et 1488 montrent en effet la libération rapide des prostituées arrêtées pour tapage nocturne. On condamne cependant à d'horribles supplices celles qui arnaquent leurs clients ou usent de potions magiques.

L'inefficacité de la répression est patente. A la fin du Moyen Age, filles publiques, secrètes ou vagabondes pullulent dans les rues des villes, investissent étuves et hôtels princiers. Le temps où ces femmes, jugées impures, étaient interdites de mariage, semble désormais dépassé ; mais à bien y réfléchir, les ordonnances de Saint Louis étaient déjà en leur temps parfaitement irréalistes.




Séverine Fargette travaille sur le thème "violence, justice et société en France au Moyen Age". Elle prépare une thèse sur le conflit entre armagnacs et bourguignons (1407-1420).



Une hiérarchie stricte

Les règlements municipaux et royaux distinguent les prostituées sédentaires des vagabondes. Il existe en effet toute une hiérarchie. Au sommet, domine la caste des filles publiques, reconnues, légitimées et établies. Puis, dans les bordels privés, les étuves, les tavernes ou chambres tenues par des maquerelles, oeuvrent les cantonnières, les clostrières, les filles secrètes. A la base, pullulent les moins bien loties, les légères, les vagabondes. Sans compter toutes les occasionnelles, souvent lingères ou fileuses. Ces dernières racolent dans la rue, le long des murs et fossés, à l'abri des jardins, des ponts ou dans d'étroites ruelles. Elles hantent aussi les routes et chemins hors les murailles, se cachent dans les champs. En 1458, un valet boucher avoue en plein tribunal avoir enjambé le mur d'un jardin « pour quérir une fillette de vie ».



Tempête sous les voiles

En pleine guerre de Cent Ans, une rumeur court les rues parisiennes : les bénédictines de Montmartre désertent l'abbaye pour jouir des plaisirs de la vie ! En effet, la guerre interrompt l'expansion du vénérable monastère. Ses seigneuries tombent en ruine et les gens d'armes envahissent la butte. L'effondrement des revenus ne permet plus de se vêtir, ni même de se nourrir. Heureusement, subsiste la rente annuelle de 5 000 harengs, offerte en 1144 par la reine d'Angleterre... Ces événements dramatiques poussent la dizaine de religieuses à déserter le couvent. Celles qui ne peuvent se réfugier chez des parents logent à Paris dans deux hôtels, dont un à « l'enseigne levrière ». Une tenancière, Marion, règle les dépenses, et les religieuses de Montmartre mènent alors une vie de bohème, bien éloignée des offices divins. Les messes ne sont plus assurées et la dérogation permanente à la règle monacale entraîne la mauvaise réputation de la communauté, qui ne reçoit plus de dons ni d'offrandes. Des mauvaises langues n'affirment-elles pas que les soeurs, pour survivre, se transforment en filles ? Le retour à l'ordre s'impose. A partir de 1477, l'abbesse Marguerite Langlois cherche à purifier les moeurs, contre la volonté des nonnes. Méfiante, elle s'enferme la nuit dans sa chambre et fait goûter tous ses plats. Ce qui ne l'empêche pas de mourir, en 1503, peut-être empoisonnée. Les religieuses retrouveront le droit chemin sous la férule de Marie Cornu.



Comprendre

Chapitre
Assemblée générale d'un ordre religieux destinée, entre autres, à édicter des règlements.

Roi des ribauds
Officier chargé de maintenir l'ordre au sein des hôtels princiers ou de surveiller les marginaux d'une ville.

Châtelet
Siège de l'administration royale, dirigé par le prévôt de Paris. Son registre contient les procès criminels.

En complément

La Prostitution médiévale, de Jacques Rossiaud (Flammarion, 1988).
Les Marginaux parisiens aux XIVe et XVe siècles, de Bronislaw Geremek (Flammarion, 1976).

La pucelle et les putains

Compte tenu de la réputation sulfureuse qui s'attache aux femmes escortant les troupes, Jeanne d'Arc a conscience qu'il lui faut affirmer son originalité. Pour ne pas être prise pour une prostituée, elle doit faire le ménage dans son camp.

Les armées médiévales traînent toujours derrière elles une masse considérable de non-combattants et, parmi eux, de gros contingents de filles publiques. Quand les Anglais apprennent, en 1429, qu'une femme a rejoint l'armée royale qui se porte au secours d'Orléans, ils ont beau jeu de se gausser et de la traiter de « ribaude », ou plus poétiquement, de « putain des armagnacs ». Et Jeanne d'Arc a conscience qu'il va lui falloir affirmer sa virginité, gage de sa mission divine. Son premier geste politique, rapporté par un chroniqueur, est parfaitement clair : « Jeanne ordonna que tous les gens de guerre se confessassent et se missent en état d'être en la grâce de Dieu ; elle leur fit ôter leurs fillettes et laisser tout le bagage ; puis ils se mirent tous en chemin pour aller à Orléans. »

Celle qui se fait désormais appeler la Pucelle ne peut souffrir d'être confrontée à des prostituées, au risque d'être confondue avec elles. C'est pourquoi « elle haïssait fort cette espèce de femmes qui suivent les armées ». Jeanne arrive à convaincre ses troupes qu'une vierge guerrière les conduit, et si le duc d'Alençon, son compagnon d'armes, se souvient d'avoir couché à ses côtés et d'avoir vu « ses seins qui étaient fort beaux », il reconnaît n'avoir pas éprouvé de « désir charnel à son sujet ». Cela dit, périodiquement, elle doit faire le ménage dans son camp, car les filles, à peine chassées, reviennent proposer leurs services.

Et c'est au cours d'un moment de colère que se produit la catastrophe. « Un jour, à Saint-Denis, au retour du sacre du roi, je la vis, explique le duc d'Alençon, qui poursuivait une jeune prostituée l'épée à la main ; elle brisa même son épée dans cette poursuite. » L'épisode est connu par de multiples versions, car il fit grosse impression. Il s'agit en effet de l'épée miraculeuse découverte à Sainte-Catherine de Fierbois, et tout le monde, à commencer par le roi, voit dans cette arme rompue le présage des futurs désastres. L'épée s'est-elle brisée au contact du péché, ou bien Jeanne a-t-elle péché elle-même par colère et orgueil ? Le signe manque de clarté, mais une chose est sûre : il était sans doute plus facile de bouter les Anglais hors de France que les prostituées hors des armées royales !

Laurent Vissière
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Jehanne - dans La Société
2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 16:02
Histoire véritable de la Gargouille

gargouille.jpg

Complainte en 32 couplets, ornée du portrait de la bête et d'un fac simile de son écriture dédié aux rouennais


AVIS AU LECTEUR.

Pour remplir l'obligation contractée dans le titre de cet ouvrage, l'éditeur s'est successivement adressé à nos premiers artistes pour en obtenir le portrait de la GARGOUILLE, mais comme aucune physionomie n'est plus mobile et plus changeante que la sienne, il a fallu renoncer à ce projet, faute de pouvoir saisir la ressemblance de la bête. Les anciennes images que l'on en conserve dans les cabinets des curieux offrent la même diversité de physionomie.

Quant au fac simile de l'écriture, la même difficulté nous a arrêtés : tantôt fine et déliée comme l'italienne, tantôt gothique comme l'espagnole ou l'allemande, quelquefois anglaise, jamais nette et franche comme la française, elle n'offre aucun caractère constant et fixe : d'ailleurs par le temps qui court chacun en a vu ou en verra.


PRÉFACE
Pour donner une idée de l'intérêt de cet ouvrage, il nous suffira de transcrire ici le titre des principaux chapitres : Que la Gargouille n'est pas, comme on l'avait cru jusqu'à présent, née à Rouen, mais qu'elle y est venue de Rome. - Portrait de la bête, ses moeurs et comportements. - Comment elle se nourrit de chair humaine, friande surtout du sang des rois. - Digression très curieuse sur la manière dont étaient trempés les petits poignards que la bête portait toujours à sa ceinture. - Comme quoi les cent oreilles de la bête entendaient tout ; comme quoi ses cent yeux, quoique tournés vers le ciel, voyaient tout ici-bas, et comme quoi elle savait glisser ses mains dans les poches de tout le monde. - Gentillesses hypocrites de la bête ; ses tours de passe-passe sur les places publiques ; ses beaux semblants et beaux discours, images, cantiques et livrets qu'elle distribue afin de plaire à un chacun. - Réflexions sur la galanterie de la bête pour les riches veuves et sur son goût pour les petits garçons. - ... Que ce n'est pas un archevêque de Rouen qui l'a noyée dans la Seine, mais qu'elle est morte par la main du bourreau dans la cour du Palais de justice. - Examen anatomique du cadavre d'icelle, et les étranges phénomènes qu'il présente. - .... Comme quoi aucuns prétendent que la bête est ressuscitée de nos jours. - Chasse célèbre où l'on dit qu'elle a été profondément blessée par deux chiens d'arrêt. - Projet intéressant de faire un beau miracle à l'encontre d'icelle. - Conclusion finale, en forme de morale adressée aux habitants de Rouen.

P.S. Nous apprenons à l'instant que, pour se conformer au goût du jour, l'auteur a traité son sujet sous forme de complainte.




HISTOIRE VÉRITABLE DE LA GARGOUILLE


gargouille2.jpg


COMPLAINTE
Air de la complainte de Fualdès, et de celle du Droit d'aînesse.

I.
Invocation.

O Jean de l'Apocalypse,
Toi qui as vu de tes yeux
Tant de bêtes dans les cieux,
La Gargouille les éclipse :
C'est un méchant animal
Qui a fait beaucoup de mal.

II.
Narration.

Ce fut du temps de nos pères,
A qui long-temps il en cuit,
Que la GARGOUILLE sortit
Tout-à-coup de dessous terres,
Jetant l'effroi tous les jours
Dans Rouen et ses faubourgs. {Un grand nombre de villes en France ont été à diverses époques victimes de monstres du même genre.}

III.
Domicile de la Gargouille.

Joyeuse, elle eut pour tanière,
Non loin du mont des Sapins,
Un lieu qu'elle rendit mal saint,
Dominant la ville entière ;
Et c'est là qu'elle attirait
Les gens qu'elle approfitait.

IV.
Portrait de la Gargouille.

De cette bête horrifique
Un vieil auteur, trait pour trait,
Nous trace ainsi le portrait,
Tant au moral qu'au physique ;
Pour qu'on ne puisse douter,
Je vais le lui emprunter.

V.
Portrait du monstre au physique.

«On voit mille et mille têtes
»Qui sortent de ce grand corps,
»Et qui par un seul ressort
»Ou bien s'agitent ou s'arrêtent :
»Si ça n'était effrayant,
»Ça serait divertissant».

VI.
Suite du même portrait au physique.

Monstre horrible, immense, informe,
Il est tout parsemé d'yeux
Louches, tournés vers les cieux,
Et dans chaque gueule énorme
On voit triple rang de dents,
Avec du Rauze en dedans.

VII.
Suite du même, toujours au physique.

Ses langues sont de vipère,
De crocodile ses pleurs,
De tigre sont ses fureurs,
Ses caresses de panthère ;
Pour griffes de léopards,
Il a de petits poignards.

VIII.
Costume d'ordonnance de la bête.

Grand chapeau plat à trois cornes,
Rabat blanc et noir jupon :
On voit dans un médaillon,
Sur sa poitrine difforme,
Un grimoire en abrégé
Où l'on lit A. M. D. G.
{Les érudits pensent que ces initiales veulent dire ad majorem Dei gloriam ; ce qui, dans le langage de la bête, signifie : Pour le plus grand profit de la Gargouille.}

IX.
Portrait de la bête au moral.

Son caractère est perfide,
A la fois lâche et cruel,
On ne voit rien sous le ciel
Qui se montre aussi avide,
Mangeant hors de ses repas,
Prenant et ne rendant pas.

X.
Toujours sur sa moralité.

De chair fraîche elle est friande,
Et surtout de sang royal,
C'est pour elle un vrai régal,
Tant sa barbarie est grande ;
Dans le crime elle jouit,
Et lorsqu'elle tue Hen rit.

XI.
Comme quoi le monstre, par l'inspiration du démon, son père, composait de mauvais livres.

«Même, disent les chroniques,
»Ce monstre, enfant du malin,
»Griffonnait sur du vélin,
»En caractères gothiques,
»Des livres dignes du feu,
»Pour attraper le bon Dieu».

XII.
Comme quoi ces livres étaient mauvais, et comme quoi ils avaient une TENDANCE à attraper le bon Dieu.

«On y voyait comment faire
»Pour pouvoir, en tout honneur,
»Être menteur et voleur,
»Parricide et adultère,
»Sodomisé débauché,
»Et qui plus est sans péché».

XIII.
Exposition des fureurs de la bête.

Dans sa fureur inhumaine,
Pour recréer ses regards,
Partout de membres épars
Couvrant la ville et la plaine,
Homme, femme, enfant, barbon,
Pour elle tout semblait bon.

XIV.
Comme quoi elle faisait le diable pour avoir de l'or.

On voyait croître sa rage
A l'aspect brillant de l'or ;
Il semblait que d'un trésor
Elle convoitât l'usage,
Pour, au gré de ses désirs,
Payer ses menus plaisirs.

XV.
Réflexions sur la galanterie qui semblait régner dans les démarches de la bête.

On eût dit qu'à la tendresse
Le monstre avait du penchant,
Parfois d'un geste touchant
Leur prodiguant la caresse,
Il promettait des bonbons
Aux jolis petits garçons.

XVI.
La bête prend des libertés.

Croirait-on qu'un coeur farouche
Pour le sexe eût de l'amour ?
Faisant patte de velours
Et même petite bouche,
Le monstre avec la beauté
Lâchait l'impudicité.

XVII.
Réflexions morales sur les susdites galanteries du monstre.

Ainsi cumulant les vices,
Les honneurs et les forfaits,
A tous trouvant des attraits
Et même des bénéfices ;
Traître, galant, tour à tour,
Il semblait fait pour la cour.

XVIII.
Description des chasses où on l'a manqué.

Que de chasseurs intrépides
S'écriaient dans leur courroux :
«Sous mes redoutables coups
»Tombera ce monstre avide !»
Tous à l'envi l'ont chassé,
Pas un ne l'a terrassé.

XIX.
Comme quoi la bête se moquait des chiens, une seule espèce exceptée, qui lui donnait du tintouin.

En défaut mettant sans cesse
Des limiers jusqu'aux bassets,
Des briquets aux chiens barbets,
A force de tours d'adresse ;
Elle n'avait, il paraît,
De peur que des chiens d'arrêt.

XX.
Comme quoi elle a été poursuivi inutilement par des gens de tous les pays.

Un chasseur de l'Angleterre,
Un Portugais, un Français,
Un Bohême, un Hollandais,
Un Russe qu'on nommait Pierre,
Un Vénitien, un Romain,
La chassèrent tous en vain.

XXI.
Artifices du monstre.

De tant de coups redoutables
Il a su tromper l'effort :
Quelquefois faisant le mort,
Par une ruse coupable,
Et quelquefois d'un agneau
Prenant au besoin la peau.

XXII.
De plus fort en plus fort.

Même on vit ce monstre infâme
Sur la terre au long couché,
En mille morceaux haché,
Comme s'il eût rendu l'âme :
On n'eut pas le dos tourné
Qu'il était raccommodé.

XXIII.
Comment la ville de Rouen fut délivrée de la Gargouille par un miracle.

Enfin, ô bonheur extrême !
Par la céleste vertu
Le monstre fut abattu ;
Il fit son paquet quand même,
Et périt pour ses méfaits
Dans la grand'cour du Palais.

XXIV.
Comme quoi aucuns racontent que le monstre est ressuscité.

Or un bruit s'est fait entendre,
C'est qu'on l'a cru mort : mais nix !
Ni plus ni moins qu'un phénix,
On dit qu'il sort de sa cendre,
Ou, de même qu'un bouchon,
Qu'il n'a fait que le plongeon.

XXV.
Son prétendu changement de moralité.

Mais on veut nous faire accroire
Que le monstre est bon enfant
Un vrai mouton maintenant,
Et de petit avaloire :
On nous trompe assurément,
Je vous le dis Franchement.

XXVI.
La vérité sur son caractère et le crédit dont elle jouit.

La bête encor cherche à mordre.
Mais quoi, les plus grands chasseurs
Sont, dit-on, ses serviteurs :
Leur Bel art est à ses ordres,
A tel point qu'il voudrait bien
Pouvoir dérouter les chiens.

XXVII.
Comme quoi la bête aurait des commandes de livres.

Des traîtres et des gens ivres
Lui graissent la patte en vain,
Lui donnant un pot de vin
Pour en avoir de bons livres
A l'usage du Dauphin...
Mais ils perdront leur latin.

XVIII.
Opinions probables sur les causes de sa venue à Rouen.

Pour le sûr, c'est la vengeance
Du ciel armé contre nous ;
La bête vient en courroux,
Pour nous mettre en pénitence :
C'est sans doute un grand malheur
Que Molière fut auteur.
{Molière est l'auteur du Tartufe ; il eut de plu l'honneur d'être valet de chambre de S. M. Louis XIV, dit le Grand.}

XXIX.
Conclusion.

En attendant ce miracle,
O Rouennais, bonnes gens !
Femmes et petits enfants,
Fermez bien votre habitacle :
Du monstre craignez les coups,
Et restez chacun chez vous.

XXX.
Suite du précédent.

Il fera force gambades,
Sauts de carpe et du tonneau,
Sauts d'anguille et du cerceau,
Le tout avec pétarades :
Il faut vous en défier,
C'est pour vous allicier.

XXXI.
Autre suite des précédents.

Oui, si par ses tours infâmes
Il vient à vous attirer,
Vous le verrez dévorer
Et vos enfants et vos femmes :
Laissez ce monstre d'enfer
Exhaler sa rage en l'air.

XXXII.
Invocation finale.

O vous par qui tout s'embrouille !
De qui tant de maux sont nés,
Diables, démons incarnés,
O pères de la GARGOUILLE !
Rappelez le monstre à vous,
De ses griffes sauvez-nous.






ERRATA.
La rapidité de l'impression a donné lieu à quelques fautes qu'il importe de rectifier.
p. 6, 3e couplet, au lieu de mal saint lisez malsain.
p. 7, 6e couplet, au lieu de Rauze en lisez rose en
p. 8, 10e couplet, au lieu de Hen rit lisez en rit
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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 15:42
Lexique médiéval de lieux



Bailliage : Circonscription, juridiction

Barri ou Barry : Nom d'origine arabe désignant au Moyen Age le faubourg ou quartier situé hors de l'enceinte d'une ville.

Bief : Canaux de dérivation des eaux.

Bourg : Agglomération ou partie d'une agglomération médiévale ayant un statut juridique particulier et ne jouissant pas des privilèges de la cité.

Bourg castral : Agglomération médiévale, bénéficiant généralement d'un statut particulier, développée à côté d'un château préexistant ou dans sa basse-cour, ou bien créée de pair avec un château.

Cayrou : Amas de pierres, résultant de l'épierrement des champs.

Cévenne (ou travers) : Versant abrupt d'une colline.

Châtellenie : Territoire d'une juridiction subordonnée à un château.

Cité : District, subdivision d'une province, comporte une ville qui sert de chef-lieu et son territoire.

Combe : Vallée sèche.

Commune : Concession de commune : permission accordée par le roi aux habitants d'une agglomération de s'associer par serment.

Couderc : Espace privatif d'une ferme où l'on peut trouver quelques arbres fruitiers, le four ou un puits. Enclos également destiné à la libre circulation des bêtes. Considéré aussi comme pré communal, où chacun peut laisser paître son bétail.

Dolmen : Chambre sépulcrale de plan massé, formée par une ou plusieurs tables portées par des orthostates.

Domaine : Terre possédée par un seigneur.

Ecart : Lieu écarté, hameau.

Fascé : Terme d'héraldique qualifiant un écu divisé horizontalement en un nombre pair de parties égales.

Faubourg : Bourg qui s'est bâti à l'extérieur de l'enceinte d'un autre bourg ou d'une ville ou d'un château.. Petit à petit il s'entoure de murailles et s'intègre à la ville ancienne.

Fief : Bien donné au vassal par le seigneur en échange de la fidélité et du service.

Finage : Limites, étendue d'un territoire communal.

Hydronyme : Nom d'un cours d'eau.

Manse : Unité d'exploitation au Moyen Âge. A évolué en mas groupe de maisons et bâtiments au centre d'une exploitation agricole.

Menhir : Monument mégalithique formé d'un seul bloc de pierre dressé.

Métairie : Domaine agricole ou ferme exploité selon le système du métayage.

Oppidum : Site antique fortifié, camp retranché, le plus souvent sur une hauteur, Oppidum du Puy du Tour.

Oronyme : Nom d'une hauteur.

Pech : Colline isolée.

Raysse : On parle aussi de travers, versant abrupt d'une colline.

Repaire : Habitation noble, maison forte, dépourvue de droits seigneuriaux et spécialement de droits de justice.

Seccadou ou Séchadour : petit bâtiment destiné au séchage des châtaignes et des gros fruits.

Sénéchaussée : Circonscription, juridiction.

Serre : Relief de forme allongée, aux versants raides, encadré par deux vallées parallèles.

Talweg : Ligne imaginaire qui joint les points les plus bas d'une vallée et suivant laquelle s'écoule les eaux.

Toponyme : Nom de lieu.

Toponymie : Partie de la linguistique qui étudie les noms des lieux (toponymes).

Trech : Chemin qui conduit au franchissement d'un cours d'eau.

Vicairie, Viguerie : Désigne à l'époque carolingienne le siège administratif d'un fonctionnaire impérial puis devient avec l'effritement du pouvoir royal le siège d'une petite seigneurie sous domination du viguier.

Vicomté : Terre sur laquelle s'exerçait la charge de vicomte ou que possédait un vicomte.

Vicus : agglomération gallo-romaine sur un axe fréquenté, village rural au haut Moyen Age.

Villa : Domaine rural, dont le propriétaire dirige l'exploitation, durant la période gallo-romaine et jusqu'à l'époque carolingienne.

Village : Agglomération rurale, autrefois vouée essentiellement aux activités agricoles et siège d'une paroisse. Au sens administratif, agglomération de moins de 2000 habitants.

Ville : Elle regroupe, dans le castrum médiéval, la population sous la protection du fort seigneurial. Sa défense est assurée par des portes fortifiées et une muraille, ou simplement par un alignement de façades aveugles. Au sens administratif, agglomération de plus de 2000 habitants.

Vivier : L'étang où était assuré l'approvisionnement du manoir ou du château en poisson.

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Jehanne - dans Le Langage
24 septembre 2007 1 24 /09 /septembre /2007 11:34
La folie au Moyen âge.



Li fous se fait oïr en son ris


On disait au Moyen Age que chevaucher un ours guérissait de la folie (cette image ornait même certaines pièces de monnaie).


La Folie tient une place très importante dans le littérature médiévale. Il existe une telle polyvalence du mot fou au Moyen Age, qui embrasse un champ sémantique si vaste, qu'il devient presque impossible de dégager une image précise. Nous allons pourtant essayer de découvrir les différents termes qui désignaient celui dépourvu de sagesse, puisque la folie exclut la sapientia, qui est une vertu.


Les mots qui désignent la folie
Au Moyen Age, il faut distinguer les fous furieux que l'on enferme, des possédés que l'on exorcise aussi bien que des mélancoliques victimes d'humeurs.
Le fou peut-être inspiré, être l'objet d'illuminations et voir ainsi les choses avec justesse : c'est le constat d'une pathologie tout à fait particulière qui fait craindre le fou comme la peste (on isole les lépreux, le lèpre disparaissant ce sont les fous que l'on enferme) et qui fait que parfois on puisse lui accorder de l'importance. On peut tout aussi bien se méfier de lui et le mettre en avant car on n'oublie pas qu'il peut fournir une vision du monde qui échappe à la coutume : il détient la connaissance.
Mais la plupart du temps, le sort réservé aux fous n'est pas enviable, on le bat, on le chasse parfois, on le vend à des marchands peu scrupuleux. En résumé, la folie n'a sa place que dans la hiérarchie des vices, raison pour laquelle, elle tient le devant de la scène.


Le mot folie vient de fol, "enflure, bosse, grosseur", puis de folis, "soufflet, sac, ballon, outre remplie de vide". Mais on emploie, selon les circonstances, les mots suivants :
dervé, forme picarde de desré, mot qui vient de derver "rendre, devenir fou"
forsené, c'est-à-dire "le fou furieux". Il est souvent dangereux, incontrôlable, se livrant à toutes sortes de violences.
Orgoil, du francique *urgôli, signifie "fierté, démesure"
l'hybris grecque désigne "celui qui dépasse les règles de la sociéte"
Descuidier  est le "comportement original de celui qui perd la tête"
Desverie  "folie plus ou moins violente"
Forsené, enragié  "folie médiévale"
Le fou de nature, le simple d'esprit, le sot, le niais, l'écervelé est nommé en ancien français le desré.
Dans son sens étymologique, le fou désigne "celui qui est aveugle à la sagesse de Dieu et qui est acharné à sa perte".


Le fou d'amour est celui qui abandonne la réalité en faveur de l'adoration obsédante de sa dame. Le fol amor est l'amour impudique et bassement sensuel.
Il existe aussi le fou professionnel ou fou de cour.
Dans le Jeu de la Feuillée d'Adam de la Halle, le fou est placé au centre de l'action, il se fait le porte-parole de l'auteur lorsqu'il entreprend de critiquer la société.
Esvertin , "avertin, folie", le mot désigne de nos jours la maladie des moutons.



aventurier-et-fou.jpg




Les caractéristiques du fou

Le fou est l'opposé direct du chevalier. Retiré ou exclu de la société, on le rencontre aisément dans la forêt. Dans la littérature, il est fréquent (c'est d'ailleurs un lieu commun) de s'apercevoir que le chevalier perdra la raison en s'égarant dans la forêt.


Les attributs du fou

Avant de rencontrer dans l'imagerie populaire le fou représenté de façon tout à fait codifiée : vêtement particulier aux couleurs établies, il apparaît aussi échevelé que tondu.
Le fromage est l'attribut du fou par excellence. Le fourmage est l'aliment qui dans les livres d'hygiène alimentaire apparaît comme nuisible au cerveau.
Autre attribut, la massue qui l'est aussi pour les paysans et les géants.


Les fêtes des fous

Ce divertissement, qui peut nous sembler aujourd'hui grossier et répugnant, n'est pas aussi vain qu'il y paraît, si on se penche sur
l'étymologie du mot folie, venant de fol, « enflure, bosse, grosseur », puis de folis, « soufflet, sac, outre rempli de vide » comme nous l'avons dit plus haut. Ainsi, faire le fou en temps de Carnaval, c'est montrer à tous, le vide que l'on a dans la tête, c'est-à-dire la déraison, mais aussi exhaler par tous les orifices l'air qui nous emplit !
De plus, une croyance populaire donnait un sens sacré aux flatulences :
 « Car le diable croyait sans faille que l'âme par le cul s'en aille. »
(Rutebeuf)



Elisabeth Féghali

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Jehanne - dans La Société
17 septembre 2007 1 17 /09 /septembre /2007 18:30
 

 

 

 

SAVIEZ-VOUS QUE…




Un préjugé… moyenâgeux
Les habitants de l’époque médiévale auraient été bien étonnés d’apprendre qu’ils vivaient à un « âge moyen » selon l’expression inventée par les humanistes du XVIe siècle. Ces derniers considéraient comme obscure, barbare, ignare et, pour tout dire, très « moyenne » la période de temps médiane située entre ce qu’ils considéraient comme deux ères lumineuses de l’histoire : l’Antiquité grecque et latine et, bien entendu, leur propre époque. Cette attitude réductrice et injuste dure encore de nos jours. Ne dit-on pas d’une façon de penser ou d’agir arriérée qu’elle est moyenâgeuse?


Reposer en terre chrétienne
Le cimetière tel qu’on le connaît aujourd’hui est une invention qui nous vient du Moyen Âge. Avant l’ère médiévale, les morts étaient ensevelis hors des villes, le long des routes. Aux VIe, VIIe et VIIIe siècles, on continue à tenir les défunts à distance et on les dispose en rangées dans des nécropoles aménagées en pleins champs. L’habitude de plus en plus fréquente de les rassembler près d’une chapelle annonce déjà le cimetière paroissial, mais il faut attendre le XIIe siècle pour que les morts réintègrent la ville et le village pour être regroupés autour de l’église.


Fêter
Le début des saisons et les anniversaires des saints sont l’occasion de faire la fête dans les villages du Moyen Âge. On marque un temps dans le dur labeur des champs, on se réunit dans l’église et alors commencent les réjouissances. Le printemps et l’été sont propices aux rassemblements de la communauté : Pâques, la Saint-Jean. À la Pentecôte, on tient le banquet de la fabrique et, à l’Ascension, se déroulent les Rogations, ces cérémonies et processions qui attirent sur les récoltes la divine protection. Ces fêtes ont pour but de célébrer Dieu et les saints, mais surtout la solidarité villageoise.


La bonne odeur de la maison…
La maison paysanne du Moyen Âge baigne dans un cocktail d’effluves qui heurterait à coup sûr nos narines de petits délicats modernes. Dans la chaumière règne en tout temps l’odeur fauve des bêtes et des hommes, se mêlant aux relents de la paille qui jonche le sol, tantôt fraîche, tantôt pourrissante. Aux heures des repas, la fumée du foyer se mélange au fumet de la nourriture qui mijote et des jambons qui sèchent, suspendus çà et là. Pour un habitant du Moyen Âge, c’est la bonne odeur de la maison.


Un pastel si bleu
On ne fait d’ailleurs pas que se nourrir, mais on s’habille aussi à même les cultures, au Moyen Âge. Le lin et le chanvre sont les fibres végétales les plus courantes dans la fabrication des tissus. À partir du XIVe siècle, une nouvelle plante habillera de couleurs chatoyantes les étoffes et les vêtements : la guède ou, si vous préférez, le pastel. Moulues, pétries, fermentées, broyées et tamisées, les feuilles du pastel produisent une teinture allant du mauve au bleu-noir.


Paysan, rustre, vilain!
Des insultes? Pas du tout. Ce ne sont là que des termes courants, au Moyen Âge, pour désigner les frustres, mais honnêtes campagnards. Paysan vient du latin paganus, qui signifie habitant du pagus, du pays. Quoi de plus normal, dans une société où tout le monde, ou presque, vit de la terre. Mais du latin paganus dérive aussi le mot païen, car les campagnes se sont christianisées bien plus lentement que les villes. Dans l’esprit des évêques, le paganus était tout à la fois un paysan et un mécréant qui n’entend pas grand-chose à la religion, plus ou moins païen.


Bourgeois et fier de l’être
Au Moyen Âge, se faire traiter de bourgeois ne fait sourciller personne, puisque le mot, issu du latin burgensis, signifie habitant du bourg. Toutefois, le terme bourgeois ne s’applique pas au premier manant venu s’établir au bourg. Pour prétendre à cette qualité, il faut être libre et habiter le bourg depuis un an et un jour. Serfs, pèlerins et artisans itinérants n’ont pas droit au titre de bourgeois et aux privilèges qu’il confère; mais si l’on possède des maisons dans plusieurs villes, on peut se dire bourgeois dans chacune.


« Tenir le haut du pavé »
Cette expression désignant une condition sociale élevée provient d’une caractéristique de la rue médiévale. Les systèmes d’égouts étant à peu près inexistants, les immondices et les eaux de pluie se déversent dans les rues. Les porcs laissés en liberté s’occupent des « vidanges » de leur mieux, mais un excédent de déchets s’amasse dans la partie centrale de la rue, creusée en sillon pour laisser couler les eaux usées. Il était de coutume de laisser la partie haute de la chaussée aux personnes les plus riches, afin qu’elles évitent de souiller leurs vêtements. Elles tenaient donc « le haut du pavé ».


Gratte-ciel médiévaux?
Si vous parcourez la Toscane, entre Florence et Sienne, vous serez surpris de rencontrer, au détour d’une colline, les hautes tours du village de San Gemignano. De loin, vous aurez cru avoir affaire à des buildings modernes et pourtant, il s’agit bel et bien de constructions médiévales. Les tours de pierre ou de brique apparaissent en Italie et en France méridionale au XIIe siècle. Les plus hautes peuvent atteindre une centaine de mètres. Elles ne servent pas tant au logement qu’à démontrer à quel point le maître de céans est prospère et puissant. Forts de leur nouvelle position dominante, les riches marchands cherchent à gagner le ciel, à dépasser les clochers et à « damer la tour » de leurs rivaux. Le « Manhattan médiéval » est déjà fondé sur le commerce et le pouvoir.


Vanité des vanités
Le travail du verre s’affine et se répand au XIVe siècle, puis le tain métallique est inventé au XVe siècle. Ces deux éléments combinés donnent naissance à une nouvelle invention qui ravira la bourgeoisie : le miroir, ou, pour dire mieux, le miroir tel que nous le connaissons aujourd’hui, reflet fidèle et sans distorsion de celui – et surtout celle – qui s’y contemple. Cette glace à l’irrésistible image devient l’apanage, l’emblème de la bourgeoise. Il signifie le luxe, la volupté, le plaisir de parfaire sa beauté. Pour l’Église, le miroir est vanité et luxure, aussi tente-t-elle de le condamner. En vain. Les discours des prédicateurs et le châtiment qui attend « la Belle au miroir » n’impressionnent guère, du moins pas assez pour chasser les miroirs des maisons.


Foire, fair, feria, c’est la fête, quoi!
Comme au Moyen Âge les foires se tenaient les jours de fête, on a pris l’habitude d’utiliser le même mot pour désigner un jour de congé et un jour de fête. Le mot latin feriæ qui désigne les jours consacrés au repos et dont dérive notre expression " jours fériés " est aussi à l’origine des mots « foire » en français, « fair » en anglais, « ferie » et « fiera » en italien, « feria » en espagnol, et « feier » en allemand.


Un ducat, ça vaut de l’or
Au Moyen Âge, l’argent est… en argent. C’est en effet de ce « vil métal » que sont constituées les pièces de monnaies les plus courantes. La monnaie d’or ne réapparaît en Occident qu’au XIIIe siècle, sous la forme de florins ou ducats d’or frappés par les marchands de Florence et de Sienne, ou encore d’écus et de louis d’or émis par les rois de France. Ces pièces prestigieuses et convoitées servent surtout aux échanges internationaux.


Les « pots de vin » et l’argent « liquide »
Au Moyen Âge, lorsqu’on versait un « pot de vin », on ne le faisait pas autrement qu’en « liquide ». L’expression qu’on utilise aujourd’hui pour décrire une somme illégalement perçue par une personne influente était courante dans le vocabulaire médiéval. Mais elle s’entendait alors dans son sens littéral, puisqu’on corrompait son dignitaire avec des cruches ou des jarres de bon vin.


Trafic de reliques
Aux IIIe et IVe siècles, d’étranges rumeurs circulent. On raconte que des miracles se produisent sur la tombe de vertueux personnages ayant consacré leur vie à défendre l’Église. Des aveugles retrouvent la vue, des membres tordus se redressent, des morts sont ressuscités… Seulement voilà, aller prier sur les dernières demeures des saints n’est pas toujours aisé. Aussi établit-on bientôt qu’il n’est pas indispensable de se rendre sur la tombe d’un saint pour bénéficier de sa protection et de ses bienfaits. Le seul contact physique, ou mieux encore, le contact visuel avec une partie de son corps est suffisant. Ainsi naît le culte des reliques. Les saints sont déterrés, et des fragments de leur squelette sont dispersés aux quatre coins de la chrétienté.


Le chevalier et son joual
La langue romane parlée au Moyen Âge a une parenté certaine avec le joual qui s’est, dans le Québec des années soixante, démarqué comme une langue distincte. Les fiers chevaliers, parlant les langues romanes considérées vulgaires par rapport au latin, ont décidé de leur donner leurs titres de noblesse en les plaçant au cœur d’une littérature à leur propre usage. C’est ainsi que furent écrits les premiers romans… en roman, cette langue snobée par les ecclésiastiques.


Baiser de paix et d’amitié
Vous êtes-vous déjà demandé d’où venait la coutume russe du baiser sur la bouche entre deux hommes politiques importants? Du Moyen Âge, bien sûr, période où deux hommes n’avaient pas peur de s’embrasser en public. Le baiser sur la bouche, loin de se limiter à la sensualité, constitue dans l’univers social médiéval, un geste aux fonctions multiples. Il se pratique surtout entre hommes de la haute société, les laïcs comme les ecclésiastiques.


Le purgatoire
Au XIIe siècle, l’Église invente le purgatoire. C’est un lieu intermédiaire qui sert aux pécheurs, comme son nom l’indique, à purger leurs fautes. Les peines sont les mêmes qu’en enfer, version adoucie. Tout le monde devra y passer, sauf les saints qui gagneront le paradis directement. Le purgatoire laisse une chance à tout le monde d’accéder au ciel malgré de mauvaises actions, mais la « purge » peut être longue, dix ans, cent ans, voire mille ans. Cela laisse le temps à vos descendants de prier pour vous ou, mieux encore, de faire des dons à l’Église pour accélérer la manœuvre. On raconte que les âmes des défunts viennent hanter les vivants pour leur rappeler de contribuer à leur salut. Ces pratiques constituent peu à peu un « commerce » très lucratif pour le clergé.


Centre et périphérie
Au Moyen Âge, on se représente le monde en paires d’opposés : le haut, le centre, le spirituel, le bien faisant face au bas, à la périphérie maléfique, au matériel, au charnel, au mal. Cette vision du monde conditionne l’occupation du territoire. Le village, centre de la vie sociale, constitue un lieu positif. Autour, la forêt est le domaine du sauvage, de l’obscur, de l’inconnu redouté. Dans les villes, les églises constituent des centres. Les activités salissantes et malodorantes, comme les tanneries, sont reléguées à la périphérie, où vivent marginaux et miséreux.


Maîtres du temps
Jusqu’aux années 1100, une journée compte huit heures. L’Église a ainsi divisé l’horaire journalier selon les huit prières récitées par les moines. Au XIIe siècle, d’autres acteurs cherchent à « découper » le temps à leur convenance. Les marchands et les savants tentent de graduer les heures de la journée en parties égales. Leurs efforts aboutissent à la création d’un appareil qui bouleversera, et pour longtemps, la perception du temps, l’organisation du travail, voire la conception du monde en Occident : l’horloge mécanique dont le cadran gradué est conçu pour égrener deux cycles de douze heures. À partir de ce moment, une féroce concurrence s’engage. Qui deviendra maître du temps? Les hommes d’Église et leurs huit heures monastiques ou les tenants de la journée de 24 heures?


Tour du propriétaire
Le mobilier de la maison paysanne est plutôt sommaire. On s’assied sur des bancs ou des tabourets à trois pieds obliques, on range ses possessions dans un coffre de bois et on dort sur un matelas de chaume inséré, chez les plus aisés, entre des planches. De temps en temps, on fait le lit en changeant les bottes de paille. Les ustensiles sont rangés à même le sol, dans des niches murales ou accrochés à des clous. Le plancher est le plus souvent en terre battue, occasionnellement recouvert de paille.


Jouter
La joute la plus emblématique des communautés villageoises médiévales est la soule. Deux équipes pouvant compter plusieurs dizaines de participants s’efforcent de s’emparer d’une balle faite de cuir ou de bois et de la conduire au but constitué par une porte, un arbre, un mare ou une marque imprimée au sol. Tous les coups sont permis et le terrain n’est généralement pas délimité. On projette la balle avec les pieds ou les mains ou encore à l’aide d’une crosse. La soule oppose deux communautés voisines, une fois l’an, au moment de Noël ou du carnaval, sur un terrain situé à la limite des paroisses. C’est le moment de régler par le jeu les rivalités et rancunes qui n’ont pas manqué de sourdre durant l’année.


Ravers et chevaliers, même combat
Comme les parties raves du XXIe siècle, les tournois des chevaliers du XIIe siècle sont des événements subversifs dont on décide du lieu et du jour au dernier moment. Aujourd’hui, quelques heures suffisent pour battre le rappel des troupes par téléphone ou sur courrier électronique. Au XIIe siècle, il faut tout de même compter quelques semaines. Comme pour les parties technos, on choisit les lieux de l’événement pour échapper aux cadres traditionnels de l’espace et du temps. L’endroit du tournoi se trouve dans un espace non conforme, entre deux localités, un peu à l’écart des villages ou des villes : de préférence sur un vaste champ sans clôture.




Renseignements :
Serge Poulin/Agnès Dufour, [418] 643-2158
Relations publiques et communications

Émis le : 20 mai 2003

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Jehanne - dans La Société

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  • : Vivre au Moyen âge
  • : Le blog vivre au Moyen âge a pour but de renseigner le lecteur sur les us et coutumes du Moyen âge. Les articles et iconographies publiées dans ce blog sont le fruit de mes recherches sur internet et dans les livres . Je ne suis pas auteur des textes publiés qui sont des citations extraites de mes trouvailles. Bon voyage dans le temps !!!!
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