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7 septembre 2007 5 07 /09 /septembre /2007 13:05
Sabourot de poussins



sabourot-de-poussins.gif


Viandier de Taillevent - Bibliothèque de l'Arsenal




Transcription Sabourot de poussins
  (texte en vieux français).

Et pour faire sabourot de poussins, prenez poussins ou poulaille et despeces par menus morceaulx et les souffri ses en une paelle en sain de lart et mettes ung peu doignons au souffrire, et prenez des foyes de poulailles et mettez tramper en bouillon de beuf et ung peu de pain pour lyer et con les et mettes du gingembre blanc batu et ung peu de vert ius et gouter de sel ainsi quil appartient.

" Pour faire un sabourot de poussins, prenez des poussins ou une volaille et découpez la en morceaux que vous faites frire dans un morceau de lard. Mettez à frire avec un peu d'oignons. Rajouter du bouillon de boeuf ainsi que les foies de volaille avec un peu de pain pour lier le tout. Rajouter du gingembre blanc et un peu de verjus. Saler à convenance."


Recette tirée du Viandier de Taillevent, édition de 1495, conservé à la Bibliothèque Nationale de France, Bibliothèque de l'Arsenal, 2001, n° 31.




enlum-poule-poussins.jpg

   Poule et ses poussins - BNF
Barthélemy l'Anglais, Livre des Propriétés des Choses, XVe s.





Ingrédients


4 petits coquelets ou une volaille
200 gr de foies de volailles
2 gros oignons
3/4 litre de bouillon de boeuf
1 gros morceau de lard ou du saindoux
3 gr de gingembre frais
30 cl de verjus
100 gr de pain
Sel


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préparation du verjus.



Préparation

Nettoyer et découper les coquelets en deux morceaux (ou la volaille en 8)
Faites dorer puis frire les morceaux dans une grande poêle avec le morceau de lard coupé en dés (ou du saindoux).
Rajouter à mi-cuisson, les oignons émincés
Lorsque la viande est cuite, rajouter le bouillon de boeuf (vous pouvez dégraisser au préalable), ainsi que les foies de volaille (coupés en deux et bien nettoyés).
Mettre le pain coupé en morceaux afin de lier le tout.
Rajouter quelques pincées de gingembre et le verre de verjus et laisser mijoter.
Lorsque la sauce aura réduit d'un tiers, vérifiez l'assaisonnement.
Servir très chaud.



François-Xavier Féghali Transcription et traduction
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Jehanne - dans Recettes Médiévales
6 septembre 2007 4 06 /09 /septembre /2007 14:49
Que mangeait-on au Moyen âge ?




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Sait-on vraiment ce que mangeaient nos ancêtres médiévaux ?

Quelles sont les sources, quelles sont les traces, quels sont les vestiges, quels sont les témoins de l'alimentation au Moyen-Âge ?

Les documents disponibles sont, comme toujours, de trois ordres : textuel, iconographique et archéologique. Si le Moyen-Âge n'a pas inventé le livre de recettes (que l'on songe au traité d'Apicius écrit à la fin du IVième siècle de notre ère) il en livre tout de même une bonne centaine aux historiens de la gastronomie. Ce ne sont pas toujours des livres de cuisine, au sens actuel du terme. Certains sont même écrits sur des rouleaux.


Les précisions techniques sur les temps de cuisson ou sur la mesure des quantités d'ingrédients y sont souvent absentes ou réduites à des ellipses littéraires ; l'énumération de ces ingrédients, parfois incomplète, suggère que la rédaction de l'ouvrage tient plus de la descrïption d'un talent que de la volonté de transmettre un savoir-faire à d'autres cuisiniers. Parmi ces livres de recettes, il en est un particulièrement célèbre : le Viandier , attribué à Guillaume Tirel, dit Taillevent, maître queux des rois Charles V et Charles VI.

L'exemple de Guillaume Tirel, cuisinier à la cour des rois de France vers la fin du XIVème siècle, prototype de Vatel, sera suivi par une autre star de la cuisine médiévale : maître Chiquart, cuisinier près du dispendieux duc Amédée VIII de Savoie. Ces documents ne parlent presque pas d'alimentation populaire mais fixent un savoir culinaire d'origine essentiellement princière. Ce qui ne veut pas dire que l'on ne puisse y trouver des recettes d'une grande simplicité, mettant en œuvre des ingrédients parfaitement communs et, qu'à l'évidence, tout le monde était en droit d'apprécier. Les réceptaires culinaires qui suivront seront bientôt d'origine bourgeoise, comme le Ménagier de Paris, tout autant manuel domestique à l'usage des jeunes épouses inexpérimentées que livre de cuisine, copiant d'ailleurs ses nobles ancêtres. Les livres de comptes des grandes maisons seigneuriales ou des abbayes ainsi que d'autres textes notariés, comme ils listent de manière fort détaillée les richesses matérielles ainsi que les achats et les ventes, nous parlent à leur manière d'alimentation en énumérant les denrées et leurs coûts.


Les manuscrits enluminés, les fresques, l'art lapidaire plus rarement, livrent aussi aux historiens une importante iconographie de l'alimentation. Peu d'images échappent au stéréotypes des scènes de banquets princiers ou bien à l'archétype chrétien de la Cène. Quelques manuscrits décrivent, souvent dans des scènes secondaires à l'illustration principale, l'alimentation quotidienne des paysans ou des ouvriers. Des manuscrits plus techniques décrivent eux la production végétale ou animale, la chasse, la pêche, l'élevage et ses occupations annexes ; montrant les étapes préalables à la consommation de produits transformés pour l'alimentation. La codification symbolique poussée de l' iconographie la plus abondante nous renseigne de plus sur les environnements culturels de la consommation des aliments, toujours plus que sur les plats servis. La représentation d'ustensiles de cuisine, d'accessoires de table, de vaisselle, de mobilier, la disposition des convives, la présence de personnel de service, tout ceci est précieux pour la compréhension générale de la gastronomie médiévale, qu'il ne faut pas réduire à la simple consommation de recettes. Les fouilles archéologiques livrent le dernier maillon de la chaîne nécessaire à notre intelligence de la gastronomie médiévale : les débris et les reliefs de cette activité. Depuis la coquille d'œuf à la salière en étain écrasée, depuis l'os de porc à l'arrête de poisson, depuis la vaisselle céramique cassée aux débris verriers ou de bois : tout ceci devient la preuve tangible de ce que les recettes des manuscrits décrivaient bien une réalité alimentaire. Ce sont également ces traces matérielles qui nous permettent de remettre en question bien des poncifs sur la gastronomie du Moyen-Âge.


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On mange ce qu'on est. Version culinaire du fameux : comme on fait son lit on se couche !


On ne le dira jamais assez : manger, c'est de la culture, au Moyen-Âge, comme avant ou maintenant. L'alimentation est le reflet d'un statut social qui détermine la diversité des ressources alimentaires, leur abondance, la manière de les cuisiner et de les consommer, ainsi que le lieu et le temps de cette consommation. L'ouvrier agricole ariégeois ne mange pas comme le marchand montpelliérain et le seigneur toulousain comme le paludier au bord de la Méditerranée. Il ne faudrait pas pour autant en tirer des preuves pour parler d'inégalité devant l'alimentation, mais plutôt de disparité.

Le quotidien de la nourriture est produit par le terroir même et dans une saisonnalité dont on n'imagine guère plus aujourd'hui les réalités. L'achat et l'échange nécessaires à l'approvisionnement en denrées moins habituelles supposent une économie, donc un système marchand élaboré. Toutes les régions n'en sont pas dotées. Au Moyen-Âge romantique que l'on se représente volontiers fait de disettes paysannes, de ripailles monacales et de vaniteux gaspillages princiers, les historiens de la gastronomie auraient aujourd'hui tendance à substituer un moyen-âge culinairement monotone et cyclique (mais tout de même abondant, du moins suffisant) pour les plus modestes et plus varié mais rarement festif pour les aisés. Il est exact que de grandes famines, comme celles de la crise céréalière des années 1315-1316, furent plus sensibles pour les paysans que pour les bourgeois des villes, mais l'économie de la subsistance, quelquefois économie de la survie, n'est pas notre sujet.



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On mange mieux dans les villes


Il est intéressant également d'échapper à la classification des trois ordres féodaux qui auraient pu délimiter trois types d'alimentation pour signaler, à côté de l'évidence des différences entre les ressources culinaires de l'aristocratie et celles des classes pauvres, une opposition nouvelle entre le rural et le citadin. Ce nouveau bi pôle de la culture alimentaire apparaît au Moyen-Âge. Il signifie qu'un quatrième groupe de la société, les urbains, dispose désormais des moyens d' échapper à une préparation exclusivement alimentaire de ressources peu variées .


Ils accèdent ainsi à une alimentation de plaisir, basée sur l'abondance des denrées alimentaires que l'on peut se procurer de manière presque garantie sur les marchés citadins. Cette opposition de principe s'organise également autour de la possibilité pour les habitants des villes de s'approvisionner en viande fraîche alors que les habitants des campagnes sont limités aux viandes salées. Bientôt l'apparition de la restauration, des métiers de bouche, tous inventés dans les villes, feront perdre de la majesté aux banquets princiers, mis en œuvre par des génies autodidactes, au profit d'une cuisine élaborée par des professionnels regroupé en confréries et d'accès plus populaire. Seuls les paysans resteront un long temps encore assujettis à des contraintes fixées par les modes de culture et de stockage de denrées, produites dans le souci d'une autosuffisance alimentaire.

Dans une autre mesure, les communautés religieuses, elles-aussi, resteront fidèles à des habitudes alimentaires construites sur des préceptes d'hygiène morale où le végétarisme côtoiera longtemps la sobriété.


Dernière remarque enfin avant d'entrer par le menu, c'est le bon moment pour l'écrire, dans la gastronomie médiévale. On a également tendance à opposer quantité et qualité, profusion et délicatesse, salé et sucré, acide et fade, cuit et cru, lorsque aujourd'hui on parle de cuisine. On gagnera pour s'imaginer les plats médiévaux , leurs consistances, leurs saveurs et leurs fumets à tenter d'oublier les codes alimentaires inventés aux dix-neuvième siècle et sur lesquels nous fonctionnons toujours ...


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Et d'abord, comment lit-on une recette médiévale ?


Loin d'être un témoignage précis et concis d'une pratique de cuisine, un manuscrit culinaire est, tout à la fois, la compilation plus ou moins erronée de textes antérieurs, la prise en compte d'un espace vrai mais complexe - et celui où vit le maître queux d'une grande maison est essentiellement politique - ainsi que l'expression d'un désir de perfection.

Reste que ces manuscrits donnent le titre que porte la recette, les produits qu'elle met en œuvre et enfin la descrïption du résultat attendu. Les expériences comme celle de Villerouge-Termenès (Aude) sont rares ; les historiennes comme Carole Lambert, qui a bien voulu en assurer le suivi intellectuel et pratique, sont encore l'exception. La complexité d'une démarche restituant des techniques culinaires oubliées fait que nous sommes encore dans une phase exploratoire où tous les résultats sont précieux.



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Du goût pour les épices ...


Aux dépens du poivre commun qui deviendra rapidement l'épice pauvre réservée aux vilains, le goût pour les saveurs épicées substituera à cette baie séchée de nouveaux produits : le clou de girofle, le gingembre, la graine de paradis, le poivre long , la cardamome, le galanga , le macis et la noix de muscade. Ces denrées rares et précieuses provoquent des engouements soudains et des fortunes rapides.


Les comptes d'approvisionnement des grandes maisons confirment ces modes passagères, tout autant dans l'espace européen que dans le temps d'un Moyen-Âge versatile qui refera du poivre rond une épice en vogue au XVième siècle après l'avoir banni de ses tables. La sauce cameline , c'est à dire à la cannelle, deviendra rapidement un leitmotiv dans l'assaisonnement médiéval. D'autres épices, plus difficiles à mettre en œuvre, comme le poivre long ou le safran, sont parées de vertus médicales, car au Moyen-Âge aussi on se soucie de diététique. Ces épices ne sont pas mises en scène pour masquer des goûts de base, pour tromper les convives sur la fraîcheur de mets douteux, comme pouvaient encore l'écrire de brillants historiens du siècle dernier.

On les met en œuvre dans un esprit, certes démonstratif de la puissance économique des commanditaires, capables de les faire venir à grand prix d'Orient ou d'Afrique, mais aussi créatif. Les épices sont associées à des ressources plus habituelles, l'ail, le fenouil, le persil, la rue, les menthes ou l'échalotte et ne dissimulent pas par leur profusion explosive la médiocrité de recettes de base. En fait elles en structurent nettement les trois saveurs essentielles des plats médiévaux, même s'il n'est guère facile, en l'absence une fois encore d'annotations précises sur la sapidité des mets préparés, d'en avoir une idée nette. La cuisine, ou mieux les cuisines médiévales, jouent une gamme fondamentale de trois saveurs : la forte, épicée, la douce, sucrée et l'acide. La forte, nous venons d'en explorer les ingrédients constitutifs, les épices. La douce est obtenue par l'usage commun de différents sucres, sucres des fruits, miel ainsi que le sucre de canne sous ses formes raffinée (blanche) et brute (rousse) - c'est d'ailleurs une denrée hors de prix, presque aussi chère que les épices. L'acide enfin met en vedette le verjus, sauce " vinaigrette " à base de jus de raisin vert salé et bouilli, ou les jus d'agrumes - citrons et oranges amères. Ce sont plutôt les méditerranéens qui préfèrent la saveur sucrée. Dattes, figues, pruneaux, miel ou raisins secs ne figurent que rarement dans les recettes issues des zones géographiques hors les limites d'un grand Sud européen.



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Exotismes culinaires


Ces saveurs s'accompagnent d'une originalité de provenance géographique pour certaines recettes dont les titres renvoient à des contrées parfois éloignées, comme la tourte de Hongrie. Par les relais économiques et scientifiques du monde arabe, grâce au zèle commercial qui anime les grandes cités marchandes de Bruges, Gênes, Barcelone ou Venise, ce ne sont pas seulement les denrées qui voyagent mais également les modes culinaires. Maître Chiquart dicte en français les textes de son réceptaire à la cour de Savoie toute italienne. Ce brassage continuel produit des résultats unificateurs sur les habitudes culinaires européennes. Il n'en gomme pas les spécificités mais en prépare les futures harmonies.



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Une autre triade importante : celles des matières grasses

Selon qu'il faille frire ou rissoler, amollir ou assaisonner, on utilise au Moyen-Âge les graisses animales, lard ou saindoux, le beurre ou les huiles végétales, de noix ou d'olive. Nécessité de chaque jour dans une cuisine bien faite, les matières grasses dépendent étroitement des contraintes géographiques et économiques. Pourtant l'emploi du beurre n'est pas limité aux régions de forte production bovine.


Il est, semble t'il, l'apanage alimentaire d'une grande Europe du nord. Il devient en France une graisse de carême qui accompagne le poisson. Mais il continue de dessiner les frontières d'une résistance culinaire aux graisses animales : celle d'une France du Sud déjà associée à l'huile d'olive.


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Soit, mais que mangeait-on ?


L'historien de la gastronomie ne peut qu'être surpris par l'abondance de l'alimentation carnée, abondance telle qu'elle en devient parfois proprement douteuse. On sait que l'alimentation de base est faite de céréales, panifiées ou cuites en bouillies et pollentas, comme les différents mils et l'avoine. On connaît également l'importance alimentaire de la production en légumes frais et légumineuses des jardins proches des habitations (je vous renvoie au numéro de Pays Cathare Magazine consacré aux jardins médiévaux). Et pourtant la lecture du Viandier de Taillevent sonne comme un inventaire de tous ce qui porte des plumes et se mange . Voyez plutôt : alouettes, cailles, oies, poulets, chapons, gélines, pigeons, poussins, pluviers, butors, cigogne, grue, cormorans, paons, canard, cygnes et hérons. Farcie sous la peau de sa propre chair, de mouton et de porc hachés, avec des œufs, du fromage et des épices, la volaille est troussée, dorée au jaune d'œuf et rôtie à la broche. Bouillie et froide, on l'accompagne d'une sauce à la sauge.

On consomme beaucoup de petits oiseaux, comme le laisse supposer la grande fréquence d'une recette baptisée le " gravé de menus oiseaux ". Revenus dans du lard fondu, les petits oiseaux sont mouillés d'un bouillon de viande épaissi de pain rassis émietté, auquel on ajoute après l'avoir filtré du verjus, de la cannelle et du gingembre. Il paraît même que l'on mangeait de la chouette, des pies et des corneilles, mais le gourmand que je suis demande à voir.


Enfin les paons et les cygnes sont servis revêtus aux tables nobles, sous forme d'entremets. Il s'agit de plats rares, chefs d'œuvre de gastronomie et d'art culinaire, destinés à produire un effet d'admiration, comme la recette du coq heaumé, autre fleuron des entremets médiévaux.

On mange aussi beaucoup d'espèces de poisson, et du poisson frais. C'est d'ailleurs le moyen pour les classes privilégiées d'adoucir les rigueurs des carêmes et des jeûnes. Les livres de cuisine font de plus la distinction entre les poissons d'eau douce et les poisson d'eau de mer. Les deux sortes en sont consommées autant l'une que l'autre.


On considère les mammifères marins, comme la baleine franche de Méditerranée baptisée grappois ou crappois, comme des poissons que l'on mange préparés comme des venaisons, cuites en lamelles et servies avec des pois. Leurs modes de cuisson sont finement décrits. Il est par exemple conseillé de garder les têtes et les queues des poissons destinés aux courts bouillons, pour en renforcer le goût.

Le Ménagier de Paris conseille de toujours cuire les poissons d'eau de mer à l'eau froide mais de commencer la cuisson des poissons d'eau douce dans l'eau frémissante.


Le gibier est également très apprécié. On chasse puis on déguste du cerf, du sanglier, du lièvre, du lapin, du chevreuil mais également de l'ours ! Le Ménagier de Paris donne une recette pour contrefaire de la viande de porc en venaison d'ours. Le lapin, appelé connin au Moyen-Âge est très apprécié. Le boussac de connins, version médiévale d'une daube très réduite à la cuisson , est véritablement un régal.

Une cuisine multicolore. Beaucoup de titre de recettes médiévales mentionnent une couleur et rares sont les recettes qui ne donnent pas de conseils pour obtenir une couleur souhaitée. Parmi les potages on distingue les porrées vertes, blanches et noires. On conseille de juste faire blanchir le vert des feuilles de bette ou d'oseille pour leur conserver une belle couleur verte . La couleur est souvent obtenue en additionnant des épices colorées, comme le safran qui donne une belle couleur jaune, ou le bois de santal pour obtenir des variations de rose et de rouge. On peut faire plus simple avec du persil, ou des jaunes d'œuf, du pain grillé presque brûlé pour le noir et du lait d'amande pour le blanc.


Un repas se déroule toujours de la même façon parfaitement ordonnancée. Avant toutes choses, on se lave les mains avec une décoction de plantes parfumées versée par les becs ouvrés d'aquamaniles souvent somptueux, représentations d'animaux fantastiques. Les convives sont placés à table, dans le respect absolu d'une hiérarchie sociale bien comprise. Gare à qui se méprendrait et s'octroierait une place qui ne serait pas celle de sa condition ou de son rang. La table médiévale est le reflet de la société. On s'y attable pour y être vu et conforter ainsi son statut. Le plan de la table tout comme l'ordre des services dépend de cet ordre social. Tout y est étiquette, codes de savoir-vivre et démonstration de pouvoirs. Les festins se composaient de plusieurs services, construits chacun de plusieurs plats, souvent servis ensemble, en portions communes et non pas en parts individuelles.

Se succèdent ensuite dans un ordre immuable les potages, les rots, les patés et les entremets suivis d'une sorte de dessert. Les festins se prolongeaient par deux autres services, les issues et les boute-hors, où l'on servait, autant pour inciter les convives à déguerpir que pour les aider à digérer, des friandises préparées pare des apothicaires et des liquoristes, les épices de chambre arrosés de vins aromatisés et sucrés comme l'hypocras.



Il faut réserver la présentation des préceptes diététiques, préceptes qui guidaient l'alimentation des riches et des puissants dans le dédale d'une alimentation magique tout autant que médicinale, à un prochain article sur la médecine médiévale. Les préceptes des maîtres latins hérités de l'Antiquité , ainsi que ceux arrivés du monde arabe qui les contredisaient ouvertement, se condenseront dans les règles opératoires de l'alchimie.


On observera alors beaucoup d'interférences entre les mondes de la cuisine et de la médecine ; ces mêmes interférences qui faisaient des confiseries baptisées " épices de chambre " des produits exclusivement réalisés par des apothicaires. Dans les alambics de la même époque on y distillera et condensera les rêves de richesse absolue, de vie éternelle et de négoce des eaux de vie. L'homme médiéval instruit se devait d'équilibrer sa condition physique par des aliments adaptés à sa condition et ses occupations. Beaucoup d'ingrédients innocents sous les mains des cuisiniers pouvaient, dans celle des apothicaires, se parer de talents nouveaux.

La frontière entre l'aliment qui nourrit et celui qui guérit n'est jamais parfaitement étanche. Au Moyen-Âge également beaucoup de craintes diffuses, de rumeurs populaires et d'empirisme définissaient ce qu'il était propre et impropre de consommer, tout le long de modes fluctuantes. Combiner l'hédonisme et la prudence incitait les grands et les puissants à faire apparaître sur leurs tables des " cornes de licorne " - en fait des défenses de narval- sensées saigner pour prévenir de la présence de poison ou bien à se faire soigner avec de la poudre de pierres précieuses et d'or.


On l'a vu par ce rapide tour d'horizon, la gastronomie médiévale n'a rien à envier à ses modernes héritières. La présence d'épices ne nous étonne plus, pas plus que les combinaisons salées - sucrées ou douces - acides.

Le plus exotique est sans doute pour nous l'abondance carnée et la fréquence d'animaux présentés entiers. Egalement que toutes les espèces animales ou végétales pouvaient être consommées, alors que nous limitons aujourd'hui à une gamme relativement restreinte. Réjouissons-nous, gourmands modernes, il y a encore des goûts nouveaux à explorer au pays d'autrefois.



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Jehanne - dans L'Alimentation
6 septembre 2007 4 06 /09 /septembre /2007 11:13
L'Art de la guerre au Moyen âge


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Tactique militaire

Le plus souvent, une armée était une combinaison de cavaliers et d'hommes à pied, ce qui aboutissait à un dispositif assez complexe qui était l'œuvre de grands tacticiens comme Charles le Téméraire par exemple. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque, il n'existait pas de cartes d'état-major. Les commandants en chef n'avait une connaissance du terrain qu'en employant des espions ou des guides locaux. L'usage des cartes n'apparaît qu'au cours du XVe siècle pour les opérations terrestres, alors qu'on en employait depuis le XIIIe siècle pour les expéditions nautiques.



La bataille rangée


Refusée la plupart du temps, la bataille rangée était cependant le point le plus culminant de toute campagne. Il existe trois types de combattants au cours des batailles :

La cavalerie montée : Constituée de 3 ou 4 rangs de cavaliers formant une « bataille ».L'ensemble était constitué de petits groupes tactiques appelés « conrois » groupés autour d'une bannière représentant une famille ou un seigneur. On formait alors des blocs de cavaliers et de lances le plus serré possible. Les cavaliers se mettaient lentement en route pour conserver l'alignement, puis accélérant au moment d'arriver sur l'ennemi. Le but était de disperser l'ennemi, pour former des groupes isolés facile à vaincre.

La cavalerie démontée : La tactique était d'attendre l'attaque de l'adversaire. Cela pouvait durer longtemps... Elle était très utilisée par les Anglais, les Français, quant à eux l'appréciaient peu et l'employèrent bien trop tardivement.

L'infanterie : Le corps d'infanterie avait trois dispositifs de combats : en ligne de front sur quelques rangs formant une sorte de rempart ; en cercle très en usage chez les Suisses, employé par les Français à Bouvines ; en bloc comme la bataille en forme de quadrilatère, auquel s'ajoute un triangle d'hommes faisant face à l'adversaire. Une telle formation de 10 000 hommes occupait une surface de 60 m sur 60.



Sièges et places fortes

La plupart du temps, face à l'arrivée d'une massive armée, la seule solution adoptée est d'aller se retrancher dans une place forte où l'on s'organisera pour soutenir le siège. La guerre de l'époque n'est donc qu'une succession de perte et de reprise de places fortes émaillés par de fulgurantes charges de chevaliers. Si l'attaque échouait, les chevaliers survivants se retranchaient à nouveau derrière les murailles de la place forte. C'est ce que l'on appelle la guerre guerroyante. Les armées se livraient alors à une incroyable partie d'échecs qui consistait à s'emparer des places fortes, car celui qui les dominait, contrôlait tout le fief.


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Le château fort

Le château est le lieu de résidence du seigneur, plus il est imposant et doté de moyens de défense, plus le seigneur affirme sa puissance et sa gloire. Mais c'est aussi un lieu militaire protégeant les biens et habitants du fief. Les premiers châteaux furent des tours en bois établies sur des collines que l'on protégeait par plusieurs palissades et fossés. Vulnérables aux feu et autres armes de jet, la pierre fut utilisée sous l'impulsion de normands. Les premiers donjons en pierre étaient carrés, par la suite on les faisait arrondis pour réduire les angles morts. Puis sous l'impulsion de Philippe Auguste en France, les châteaux devinrent de véritables forteresses. Il devenait alors difficile de s'en emparer. La méthode la plus courante était le siège, on encerclait le château pour le couper des ressources. En manque d'approvisionnement, les assiégés finissaient par se rendre. Cependant le château pouvait contenir une grande quantité de ressources et le siège pouvait durer des années. Il fallait alors passer à la prise du château.


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Les corps d'armées


La cavalerie


Généralement, il y avait trois divisions de cavalerie, la première vague devait enfoncer l'ennemi, le gêner et le disperser, pour que les deux suivantes vagues puissent le mettre en déroute. Les chevaliers, qui étaient l'élite de l'armée obéissait rarement aux ordres, ils combattaient uniquement pour leur gloire personnelle, la victoire n'était qu'au second plan. Parfois, les stratèges mettaient leurs cavaliers à pied à combattre avec les fantassins en renfort, on se plaçait derrière des dispositifs (pieux, tranchées) pour contrer des charges. La bataille de Crécy (1346) montre bien l'indiscipline des chevaliers, les Français qui étaient bien plus nombreux se sont butés face aux archers Anglais qui se retranchaient derrière des pieux, ils étaient appuyés par des chevaliers à pied, et vainquirent les Français. Mais à la fin du Moyen Âge, le rôle de la cavalerie lourde était beaucoup plus réduit, les stratèges avaient compris qu'il ne suffisait pas de charger des troupes d'infanterie bien disciplinées. Les charges dévastatrices étaient encore possible, mais lorsque l'ennemi était en fuite et désorganisé.



Les archers

Pendant le Moyen Âge, il y avait toute sorte d'armes de jet (arc court, arc long, arbalète), l'avantage des archers était de pouvoir tuer l'ennemi sans engager de combat individuel. Très pratiqué dans les temps anciens, l'arme de jet s'oublia au début du Moyen Âge où les chevaliers dominaient les territoires. Le code d'honneur rejetait l'arc, qui est considéré comme l'arme d'un lâche. Mais les archers demeuraient utiles pour les sièges et batailles, ils furent déterminant au cours des batailles d'Hastings (1066) et Crécy (1346). Les archers étaient en formation compacte, leurs flèches pouvaient percer une armure à moins de cent mètres. Les Anglais utilisèrent beaucoup les archers car ils étaient désavantagés lorsqu'ils se battaient hors de leur île. Ils développèrent la tactique du tir de barrage, plutôt que de viser une cible individuelle, ils visaient la zone qu'occupait l'ennemi. Ils pouvaient en outre tirer six flèches à la minute. Les arbalétriers devinrent incontournables dans les autres armées d'Europe, qui bénéficient d'une meilleure précision. Vers le XIVe siècle, les premières armes à feu de poing apparurent aux champs de bataille.


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L'infanterie


Pendant l'Âge sombre, les fantassins étaient prédominant dans les armées, la tactique était simple, on s'approchait de l'ennemi et on lui donnait de grands coups d'épées. Les Francs lançaient leurs haches avant de se précipiter sur l'ennemi pour briser leurs rangs. L'arrivée des chevaliers éclipsa l'infanterie, qui manquait de discipline et d'entraînement, il s'agissait souvent d'une milice de paysans. Les Saxons et les Vikings utilisaient leurs bouclier en avant pour se protéger des archers et des cavaliers. Les pays vallonnés (Écosse, Suisse) apprirent à utiliser l'infanterie contre l'ennemi, les lanciers et piquiers armés de lances et de pointes pouvaient ainsi mettre en déroute une cavalerie. Les Écossais plaçaient un cercle de lanciers pendant leurs guerre d'indépendance (comme dans le film « Braveheart »). Les Suisses se spécialisèrent avec l'utilisation des piques en réadaptant les formations de phalanges grecques. Pour contrer ces lourdes formations serrées, les Espagnols eurent l'idée d'utiliser l'artillerie, puis chargeait avec une infanterie équipés d'armes légères.



Les armures

Les informations ci-dessous sont tirées du site www.donjons-de-france.com.


L'armure du soldat

Très vite, on comprit que se défendre du combat était aussi important que porter un coup à l'ennemi. Le terme "armure" n'apparaît qu'au XVe siècle pour désigner les protections en aciers, auparavant on parlait d' harnois ou d' adoubement. Les premières armures étaient faites en cuir, les Grecs et les Romains utilisèrent le bronze. A la chute de l'empire, l'armure disparût, les barbares ne portaient qu'un bouclier et un casque. A l'époque carolingienne, l'armure réapparaît, on plaçait des pièces de métal (écailles, rectangulaires, anneaux) sur une large étoffe, c'est la broigne, utilisée par les Carolingiens et les Normands. Au XIIe siècle, on adopta le haubert (cotte de maille), véritable tissu de métal. Un capuchon de maille et des gants de peaux complétaient parfois l'équipement. Puis, au XIIIe siècle, on complétait la cotte de maille avec des gantelets et des chausses de mailles, on ajoutait ensuite des pièces de fer, car le haubert était vulnérable aux armes de choc (masse, marteau). Puis bras, torse, coudes, jambes furent tour à tour protéger. Au XIVe siècle, il y eut une transition entre la cotte de mailles et l'armure de plates complètes, avant d'être abandonnée par l'apparition des armes à feu.

XIIe siècle - Haubert de mailles long, casque conique à nasal XIIIe siècle - Cotte de mailles complétée de chausses et de gantelets, surcot, heaume cylindrique

XIVe siècle - Gambison et haubert, surcot, cubitières, genouillères et grèves XVe siècle - Armure de plates complète, gorgerette de mailles et bassinet


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Le heaume

Le heaume désigne l'armure de tête, le terme fait son apparition au XIIe siècle, l'utilisation du casque remonte cependant à l'Antiquité. Les améliorations successives du casque consistèrent à couvrir de plus en plus le visage rendant difficile l'identification de son propriétaire. C'est peut-être l'origine de l'Héraldique, la science des blasons. Un épisode très célèbre figure dans la tapisserie de Bayeux, Guillaume le Conquérant enlève son casque pour être reconnu par ses hommes qui le croyait mort. Au Xe siècle, on utilisait le casque conique à protection nasale qui fut importé par les Normands. A partir du XIIIème siècle, pour mieux protéger le visage, on créa un heaume cylindrique enveloppant la tête entière avec des fentes uniquement pour les yeux. Ces heaumes étaient lourds et rendaient la respiration difficile. L'amélioration des techniques de travail du fer permit de revenir à une forme conique sur le dessus du heaume qui protégeait davantage que la forme plate, tout en conservant une protection du visage. Le bassinet, qui apparut vers le début du XIVe siècle améliora considérablement le confort. Il était moins lourd et possédait une visière pouvant être relevée. A la fin du XIVème siècle, le heaume à "tête de crapaud" fait son apparition (utilisé lors des tournois et joutes).


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L'écu

Le bouclier est la plus courante et ancienne des armes de défense, spontanément, les hommes utilisaient des pièces de bois pour parer les coups. Puis on y installa des attaches destinés à maintenir le bouclier d'une seule main, parfois on y ajoutait une sangle pour reposer le bouclier sur le dos afin de manier des armes lourdes. Les premiers boucliers étaient ronds, mais ce sont les Romains qui adoptèrent les boucliers à bords droits, beaucoup plus efficaces contre les projectiles. Mais au Moyen Âge, les Francs et les Vikings utilisaient plutôt des boucliers ronds recouverts de cuir pour une meilleure rigidité. On appelle écu, le bouclier du Moyen Âge. Dès le XIe siècle, les Normands adoptèrent le bouclier long, arrondi sur le dessus, et se prolongeant pour protéger les jambes. L'amélioration des armures et l'utilisation du cheval contraignit les soldats à employer un bouclier plus petit. A partir du XIIIème siècle, l'écu porte régulièrement les armoiries de son propriétaire ce qui permet de l'identifier. Au XIVe siècle, le bouclier de tournoi, plus petit apparût, il possédait une encoche sur le dessus afin de maintenir la lance. Le pavois fit également son apparition, il s'agissait d'un grand bouclier ovale porté par les fantassins et les arbalétriers, qui le plantaient dans le sol pour se protéger lors du rechargement de leurs armes.


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Les armes


Les armes de corps à corps


L'épée : C'est l'arme la plus utilisée par l'homme d'arme du Moyen Âge. L'époque carolingienne voit s'installer l'épée longue (les Romains utilisaient des épées courtes). Elle devint alors une arme noble et le chevalier lui donnait parfois un nom (Durandal, l'épée de Roland). A la fin du XIIe siècle, la poignée devient plus longue pour être portée à deux mains. On distingue deux types d'épées, lames légères et lourdes qui servent à frapper d'estoc ou de taille (de la pointe ou du tranchant), les chevaliers possédaient souvent les deux types de lame.

La lance : C'est une arme très ancienne, on utilise un long bâton équipé d'une pointe en fer. Au XIe siècle, la lance ne dépassait pas trois mètres, elle servait à charger l'ennemi. On y ajouta une garde d'acier pour protéger la main du chevalier. Au XIVe siècle, on utilisait un crochet fixé sur l'armure afin que le chevalier puisse maintenir la lance sous l'aisselle. La lance fut ainsi plus longue et plus lourde.

Le fléau : C'est un manche de bois muni d'une chaîne métallique sur laquelle est accroché une masse de fer, les Français ne l'utilisaient que très peu. Elle était particulièrement destructrice pour les hauberts, elle fut ensuite rallongée, pour atteindre les cavaliers. La masse était généralement sphérique et armé de pointes. Une variante du fléau : le goupillon possédait plusieurs chaînes garnies de boules à pointes acérés.

La hache : Les peuplades germaniques furent les premiers à utiliser la hache (outil) au combat. Les Francs utilisaient la francisque (hache courte à une lame), qu'ils pouvaient lancer à 3-4 mètres pour ouvrir le combat. Ils utilisèrent plus tard la hache Danoise, longue (1m50) tenue à deux mains. Au XIVe siècle, des haches nouvelles apparurent (hallebarde), pouvant frapper de taille et d'estoc (tranchant et pointe).

La masse : Composée d'un manche et d'une tête garnie de pointes, on l'utilise dès le XIIe siècle. La masse pouvait briser un crâne ou même casser un membre à travers le haubert. Plus tard, la masse était formée d'une série de lames, le manche fut fabriqué en fer pour éviter qu'il se casse.


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Les armes de jet


L'arc : Arme qui date du néolithique, il s'agit d'un bâton de bois courbé avec une corde liée aux extrémités. L'arc composite fut une avancée majeure, améliorée au niveau de la corne et des nerfs. Les flèches devaient avoir une trajectoire stable pour être efficace, généralement peu coûteuses, elles étaient produites en quantité. La taille des flèches dépendaient de la difficulté à bander l'arc. L'archer était vêtu légèrement pour pouvoir se mouvoir plus facilement, pour sa survie, il devait disposer d'une arme supplémentaire (couteau, épée).

L'arbalète : Cette arme dérive de l'arc, elle est utilisée dès le Xe siècle. L'arc est posé sur une pièce en bois qui le maintient ( arbrier) et d'un mécanisme ( noix) qui permet de maintenir la corde tendue, de lâcher la flèche, et de bander l'arc. L'arbalète est plus puissante et précise que l'arc mais sa cadence est plus faible. Les flèches courtes étaient appelés les carreaux (15 à 30 cm). Le pape Innocent II interdit en 1139 l'usage de cet instrument (qui dit-on fut inventé par le diable), mais elle fut employée contre les infidèles lors de la IIIe croisade. Les différentes arbalètes se caractérisent par leur mécanisme :

L'arbalète à croc : tout en maintenant l'arbalète des deux mains, le soldat engageait son pied dans un étrier et tendait la corde en poussant l'arme.

L'arbalète à pied de biche : constituée d'un levier à deux branches, lorsqu'on le basculait, il ramenait deux crochets vers l'arrière qui bandaient l'arc. Elle était beaucoup utilisée par les arbalétriers à cheval.

L'arbalète à moufle : une corde attachée à un treuil était placé à l'aide d'un crochet sur la ceinture du soldat qui en tirant dessus rabaissé le treuil et bander l'arc, c'est la plus puissante des arbalètes.

L'arbalète à cranequin : constitué d'un tambour rotatif qui sous l'effet d'une manivelle se déplaçait sur une roue dentée à crémaillère. Un stratège chinois inventa au IIIe siècle une arbalète à répétition qui pouvait tirer dix traits en quinze secondes.




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Source France Histoire.
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Jehanne - dans L'Artillerie
6 septembre 2007 4 06 /09 /septembre /2007 10:48
 


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L'hygiène n'est pas un bienfait des temps modernes. C'est un art qui connut ses heurs et malheurs. Un art que le siècle de Louis XIV méprisa mais que le Moyen Age, en dépit de sa mauvaise réputation, cultivait avec amour. L'eau était alors un élément sacré, un remède, et surtout, un immense plaisir.

 

 

 

On pourrait imaginer, à en juger par le manque de propreté corporelle qui caractérisait les moeurs, il n'y a pas si longtemps encore, que les hommes et les femmes du Moyen Age ne prenaient guère soin de leur corps ; et on pourrait croire que l'hygiène - l'art de bien se porter est une notion récente.
C'est injuste ! Le Moyen Age avait inventé l'hygiène, et bien d'autres civilisations avant lui... Mais là n'est pas notre sujet.
En tout cas, dès le 12e siècle, les sources qui nous révèlent que l'eau faisait partie du plaisir de vivre sont innombrables. Et notamment certains documents tels que les traités de médecine, les herbiers, les romans profanes, les fabliaux, les inventaires après décès, les comptes royaux et princiers. Les enluminures des manuscrits nous permettent également de saisir le geste de l'homme en son environnement et en son temps. L'enluminure, ou miniature, reste le document irremplaçable, dans la mesure oÙ la gestuelle correspond bien souvent au climat psychique ou moral de l'époque qu'elle dépeint ; elle nous livre ainsi une clef parmi d'autres des mentalités de ces hommes et de ces femmes du passé.
Comme nous allons le voir, on se lavait fréquemment, non seulement pour être propre, mais aussi par plaisir.
Le petit d'homme est lavé plusieurs fois par jour, ce qui ne sera plus le cas à partir du 16e siècle. Des milliers de manuscrits illustrent ce bain et de nombreux textes en parlent. Ainsi, Barthélemy l'Anglais, Vincent de Beauvais, Aldébrandin de Sienne, au 13e siècle, par leurs traités de médecine et d'éducation, instaurent une véritable obsession de la propreté infantile. Le bain est donné "quand l'enfant ara assez dormi, ci le doit-on laver trois fois par jour". Les cuviers sont bâtis aux dimensions d'un nouveau-né allongé ; généralement ils sont ovales ou circulaires, faits de douelles de bois. Dans les milieux princiers, ils peuvent être métalliques. Ainsi, dans les Chroniques de Froissart, en 1382, il est écrit que, en pillant le mobilier du comte de Flandres, on trouva une "cuvelette où on l'avait d'enfance baigné, qui était d'or et d'argent". Certains cuviers possèdent un dais, sorte de pavillon de toile nouée au sommet d'une perche de bois qui surmonte la cuve, afin de protéger l'enfant des courants d'air ; ce raffinement est réservé aux milieux aristocratiques. Dans la plupart des miniatures, on voit toujours la mère ou la servante tâter l'eau avant d'y tremper l'enfant car elle doit être "douce et de moyenne chaleur". On ne donne pas le bain à l'enfant sans prendre quelques précautions : le cuvier est placé devant la cheminée où flambe un bon feu ; la sortie de bain est assez grande pour bien envelopper le bambin. Elle est toujours à fond blanc même si, parfois, des rayures et des franges l'agrémentent.

 

 

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La fréquence des bains s'explique par les valeurs curatives qu'on leur attribue. "On le baigne et oint pour nourrir la chair nettement", dit Barthélemy l'Anglais, auteur du Livre des propriétés des choses qui fut diffusé jusqu'au 17e siècle avant de sombrer dans l'oubli.
A l'instar des coutumes de l'Antiquité, le premier bain de la naissance est un rite de reconnaissance par la communauté familiale. A l'époque chrétienne, on peut dire que le baptême de l'enfant nouveau-né a repris à son compte la gestuelle de l'hygiène néonatale à cette différence près qu'il s'agit de débarrasser l'enfant non plus de ses mucosités, mais du péché originel.
De toute façon, que l'usage en soit symbolique ou matériel, l'eau est considérée sous l'aspect bienfaisant et purificateur.
A l'âge adulte, les bains semblent tout à fait intégrés à la vie quotidienne, surtout à partir du 14e siècle.
Dans les centres urbains, au bas Moyen Age, chaque quartier possédait ses bains propres, avec pignon sur rue. Il était plus facile, pour la plupart des gens, d'aller aux étuves que de se préparer un bain chaud chez soi. Au point du jour les crieurs passaient dans les rues pour avertir la population que les bains étaient prêts : " Seigneurs, venez vous baigner et étuver sans plus attendre... Les bains sont chauds, c'est sans mentir " (fin du 13e siècle). Le souvenir de l'importance des étuves dans les moindres villes d'Europe subsiste encore, aujourd'hui, dans le nom de certaines rues.
A Paris, en 1292, la ville compte 27 étuves inscrites sur le Livre de la taille ; elles existaient avant cette date puisque Saint Louis essayait déjà de réglementer le métier en 1268. On ne sait pas exactement à quel moment se sont créés les premiers bains. Seraientils un avatar des thermes romains ? On sait qu'à l'époque carolingienne, les palais renfermaient des bains, ainsi que les monastères. Il semble cependant plus vraisemblable que la mode des bains ait été remise en honneur en Occident par l'intermédiaire des croisés, qui avaient découvert avec émerveillement l'Empire romain d'Orient et ses habitudes d'hygiène héritées de l'Antiquité romaine. Ayant pris goût à la relaxation du bain, ils rapportèrent en Occident cette pratique de bien-être.
Aux 14e et 15e siècles, les étuves publiques connaissent leur apogée : Bruxelles en compte 40, et il y en a autant à Bruges. Bade, en 1400, en possède une trentaine. En France, en dehors de Paris, on sait, grâce à des études faites par J. Garnier et J. Arnoud, que Dijon, Digne, Rouen, Strasbourg sont équipées de bains. Une petite ville comme Chartres en a cinq. Ces établissements sont extrêmement florissants et rapportent beaucoup d'argent. Dans plusieurs villes de France, certains d'entre eux appartiennent au clergé !
A l'origine d'ordre essentiellement hygiènique, il semble qu'au fil des ans cette pratique ait pris un caractère plaisant prétexte à toutes sortes d'agréments galants.

 

 

 


Bains chauds, bains tièdes et bains de vapeur



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Au 13e siècle, on se contentait de s'immerger dans de grandes cuves remplies d'eau chaude. A la fin de ce siècle seulement, semble-t-il, apparaissent les premiers bains saturés de vapeur d'eau. En 1258, Etienne Boileau, prévôt de Paris sous Saint Louis et auteur du Livre des métiers, qui codifie les usages corporatifs, fait déjà la différence entre les bains et les étuves dites sèches et humides. Il y avait deux manières pour créer de la vapeur dans un lieu clos : chauffer celui-ci soit par l'extérieur, en envoyant un courant d'air chaud (étuve sèche), soit en y faisant pénétrer la vapeur d'eau (étuve humide). Les prix des bains d'eau chaude et des étuves n'étaient pas les mêmes. A Paris, nous savons, par l'ordonnance des métiers de 1380, que le prix du bain de vapeur est de deux deniers, celui du bain d'eau tiède de quatre deniers ; mais s'estuver et se baigner coûte huit deniers. Si deux personnes vont ensemble au bain, elles paieront douze deniers pour s'estuver et se baigner, donc moins cher. Le bain de vapeur est économique parce qu'il ne nécessite que quelques pierres placées et un seau d'eau. A cela, il faut ajouter un denier pour un drap. A titre comparatif, rappelons que, à la même époque, une grosse miche de pain se vendait un denier.

 

 

 

Les étuviers sont constitués en corps de métiers, et leurs prix sont fixés par le prévôt de Paris. Il leur incombe d'entretenir leurs étuves : dans leurs statuts, il est écrit que "les maîtres qui seront gardes du dit métier, pourront visiter et décharger les tuyaux et les conduits des étuves, et regarder si elles sont nettes, bonnes et suffisantes, pour les périls et les abreuvoirs où les eaux vont". Cet édit est très intéressant, dans la mesure où il nous prouve qu'on avait tout à fait conscience, au Moyen Age, des dangers qu'une eau polluée pouvait faire courir à la population.
Les statuts interdisaient d'accueillir les malades, principalement les lépreux, mais aussi les prostituées. Déjà, dans le règlement de Saint Louis, en 1268, ce sujet est abordé : "Que nul du dit mestier ne soutienge en leurs étuves, bordiaux de jour et de nuit." Cela démontre bien que, déjà à cette date, les bains commençaient à attirer les débauchés.
Il est bien évident qu'au début les gens y allaient pour se laver et se relaxer. On n'ignorait pas le côté prophylactique des bains ; tous les médecins répétaient que cette pratique aidait à se conserver en bonne santé, et cela dès le 1le siècle : Aldébrandin de Sienne, dans son traité de médecine, écrit : "Li baigners en eau douce fait en étuve et en cuve, et en eau froide, fait la santé garder." Si l'eau est froide, il faut être prudent et ne pas y séjourner trop longtemps, juste le temps nécessaire pour renforcer et stimuler la chaleur interne. Mais pour nettoyer correctement le corps, seul le bain chaud peut "expulser l'ordure que la nature cache par les pertuis de la chair". Barthélemy l'Anglais, au 13e siècle, conseille, lui aussi, de se laver souvent la peau, les cheveux et la bouche. Il y a tout un environnement social qui pousse les gens, surtout en ville, à prendre soin de leur corps. De plus, les produits de toilette ne manquaient pas. Le savon existait - à Paris, un décret de fabrication rend obligatoire l'apposition d'un sceau sur le savon. Si on n'avait pas de savon on se servait de plantes, comme la saponaire, une herbacée à fleur rose et odorante dont le suc, dissous dans l'eau, mousse. Il y avait trois sortes de savon : le gallique, le juif et le sarrasin, selon qu'il était fabriqué avec de l'huile ou de la graisse animale mélangée à de la potasse.

 

 


 

Dentifrice, shampooing et déodorant

 

 

 

Se laver la tête ne pose pas plus de problème. Un herbier du 13e siècle conseille le jus de bette pour éliminer les pellicules et les feuilles de noyer ou de chêne pour obtenir une belle chevelure. Dans ce même herbier, on préconise, pour éviter la "puanteur" de s'arracher les poils et de laver les aisselles avec du vin, associé à de l'eau de rose et à du jus d'une plante appelée casseligne. Pour se blanchir les dents, il faut se les frotter avec du corail en poudre ou de l'os de seiche écrasé.
Bref, tant que les établissements de bain étaient modestes, on y allait pour se laver, bien sûr, mais aussi pour discuter, retrouver ses amis. Encore au début du 12e Siècle, la simplicité un peu rude des moeurs faisait que l'on ne voyait pas malice à se mettre nu et qu'on s'accommodait très bien d'une liberté des sens que notre propre morale réprouverait aujourd'hui. On prenait les bains en commun, et nus. Ne dit-on pas que saint François d'Assise (1180-1226) prêcha nu devant ses fidèles, en signe de dépouillement ! Aurait-on pu imaginer cela un siècle plus tard ?

 

 

 

Avec la croissance des villes, due à la reprise économique en Europe, les étuves deviennent de grands établissements et les coutumes changent. La ville attire de plus en plus d'étrangers et de vagabonds, et la prostitution se développe. Les bains sont mis sous la surveillance de chirurgiens-barbiers.
J. Garnier nous propose une bonne description d'un établissement de la rue Cazotte, à Dijon, au 14e siècle. D'abord, un rez-de-chaussée sur cave où on plaçait deux énormes fourneaux en brique (en airain, dans les maisons princières). Ce rez-de-chaussée était divisé en deux grandes pièces avec une antichambre commune. La première pièce est une vaste salle de bain, possédant en son milieu une spacieuse cuve en bois et, sur les côtés, de nombreuses baignoires en bois pour une ou deux personnes. La seconde pièce est la salle d'étuve, rappelant le laconicum romain (pièce la plus chaude), dont le plafond est constitué par une massive maçonnerie se terminant en coupole, percée de trous au travers desquels s'échappe l'air chaud. Autour, des sièges et des gradins pour se relaxer. Aux étages supérieurs, des chambres à coucher, ce qui favorisait la prostitution.

 

 


 

"On oyait crier, hutiner, saulter..."


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Parmi les miniatures représentant ces pratiques, peu nous montrent l'aspect purement hygiénique. Deux miniatures issues du manuscrit La Bulle d'or de Charles IV, roi de Bohême (fin du 14e siècle) l'illustrent cependant : on voit le roi Venceslas en train de se faire laver les cheveux par une servante ou fille de bain, charmante personne tout à fait plaisante dans sa robe transparente. Le signe de profession de ces jeunes femmes étaient le houssoir (plumeau à crins ou à plumes) qui servait à frotter le client ou la cliente, et aussi le baquet d'eau chaude pour laver les têtes.

 

 

 

Les autres miniatures, plus tardives (15e siècle) révèlent principalement le côté libertin. La plupart ornent les nombreux manuscrits de Valerius Maximus. Dans ces petits tableaux, qui nous dévoilent l'ambiance dans ces étuves, tous les objets sont en place pour le plaisir des sens. Dans les grandes cuves se tiennent des couples nus, auxquels on sert de véritables festins ; les servantes s'affairent autour d'eux, chargées de collations. Toutes ces miniatures montrent à peu près les mêmes scènes - tables bien garnies dressées à l'intérieur d'immenses cuviers et couples enlacés, assis autour de la table, toujours à l'intérieur du cuvier, et se caressant sans aucune retenue. On aperçoit parfois les chambres à coucher où les couples vont prendre leur divertissement. La scène la plus étonnante représente le moment où, après avoir bien festoyé, les couples se lèvent de table, se tenant par la main, à la recherche d'une chambre libre pour leurs ébats. Quelquefois, dans l'encadrement d'une porte, on remarque la présence de deux chirurgiensbarbiers occupés à surveiller.
Les règlements qui répètent avec obstination, surtout à partir de la moitié du 14e siècle, que l'accès aux bains doit être interdit aux bordiaux semblent bien inefficaces. Au début du 15e siècle un grand nombre d'étuves commencent à instaurer la séparation des sexes ; ainsi à Dijon, en , une ordonnance prescrit que, sur quatre étuves, deux seront réservées exclusivement aux femmes et deux autres, exclusivement aux hommes, sous peine d'avoir à payer une amende de 40 sols. En 1412, une autre ordonnance décide que les étuves seront réservées aux femmes le mardi et le jeudi, et aux hommes le mercredi et le lundi. Les autres jours, les vendredi, samedi et dimanche, les étuves se transforment en lieux de plaisirs en tout genre. Cette seconde ordonnance démontre bien que la juridiction du pouvoir municipal, à laquelle étaient soumises les étuves, avait du mal à faire appliquer ses décisions et était obligée de tergiverser.

 

 

 

Cependant, à la fin du 15e siècle, les procès se multiplient ; le voisinage supporte de plus en plus mal la présence de "baigneries". On peut lire dans les minutes du procès intenté à Jeanne Saignant, maîtresse des étuves, cette phrase : "On oyait crier, hutiner, saulter, tellement qu'on était étonné que les voisins le souffrissent, la justice le dissimulât, et la terre le supportât." Beaucoup d'étuves étaient en même temps des bordels, mais ce n'était pas là un phénomène récent. On peut donc se demander pourquoi, soudain, on cesse de le tolérer. Alors qu'on sait que, en pleine épidémie de peste, au milieu du 14e siècle, un médecin parisien nommé Despars faillit être lapidé par le peuple, pour avoir conseillé de les fermer par prudence... Lorsqu'on sait, aussi, qu'en 1410 la reine de France récompensait les artisans travaillant pour elle en leur offrant un "abonnement" aux étuves. La fermeture des étuves s'explique-t-elle par l'apparition de la syphilis qui touche le monde occidental ? Par le trop grand nombre d'étrangers qui envahissent la ville et que les autorités de la cité n'ont plus les moyens de contrôler, notamment dans les lieux publics, où ils sèment l'agitation ? Ou par un retour à la moralisation des moeurs, la notion de péché envahissant de plus en plus les consciences en cette fin de siècle ?

 

 


Pique-niques sur tables flottantes


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Une miniature du début du 16e siècle illustre une scène où des prostituées se lavent en attendant le client. L'aspect ludique a disparu ; ici l'eau n'est plus source de plaisir, mais moyen d'hygiène banal : les cuviers sont de dimensions si réduites qu'on ne peut s'y laver que les pieds ou les cheveux.
Finis les bains d'immersion, voici venue l'ère des ablutions. Le temps des " bordiaux ", où les prostituées et les clients s'aspergeaient copieusement, est bel et bien révolu.
On l'a déjà dit, l'eau n'est pas réservée au seul plaisir. On est convaincu, dès le 11e siècle, qu'elle a des vertus thérapeutiques. Dans tous les traités de santé du temps, on vante les bienfaits des eaux thermales.

 

 

 

L'établissement thermal de Pouzzoles, en Italie : le bain de vapeur.
Un curiste est allé chercher de l'eau avec une amphore
préalablement chauffée sur les pierres brulantes disposées sous le plancher.

 

 

 

Déjà Galien, au 2e siècle après Jésus Christ, avait décrit les bienfaits des cures thermales, pour la santé. On commence à les redécouvrir grâce à la venue d'empereurs comme Frédéric de Hohenstaufen en Italie, grands amateur d'eaux. Le poète Pierre d'Eboli, attaché à la cour de Frédéric, au début siècle, en chante les louanges, et la plupart des miniatures que nous possédons proviennent des manuscrits représentant les thermes et les curistes.

 

 

 

L'eau bouillante qui pugnest les morts
Je vous di que celle meisme
Malades vifs rent saints et fors
Vous qui n'avez denier ne maille
Et qui voulez estre garis
Garis serez aus bains...

 

 

 

Ce sont principalement les sources de Pouzzoles, de Cumes, et Baïes en Campanie, qui sont vantées, pas seulement par Pierre d'Eboli mais aussi par Barthélemy l'Anglais ; ces miniatures nous montrent les piscines et le comportement des curistes. On y voit aussi les cabines de déshabillage. Selon les textes, hommes et femmes prenaient ensemble leur bain, mais les images ne sont guère révélatrices.
En 1345, aux bains de Prorecta, il est conseillé de rester un jour sans se baigner pour s'habituer à l'air du pays et se reposer des fatigues du voyage. Puis le malade doit passer au moins une heure dans le bassin de pierre empli d'eau tiède, avant de boire, jusqu'à ce que le bout des doigts se crispe. Ce bain ne fatigue nullement, au contraire ; il mûrit les humeurs diverses dans tout le corps et les prépare à être évacuées. Nous avons un témoignage assez étonnant sur les bains de Baden, écrit par Le Pogge, humaniste italien, en 1415. Au centre de cette ville d'eau, "se trouve une place très vaste, entourée de magnifiques hôtelleries dont la plupart possèdent leur piscine particulière. Dans les bains publics s'entassent, pêle-mêle, hommes et femmes, jeunes garçons et jeunes filles, et tout le fretin environnant. Dans les piscines privées hommes et les femmes sont séparés par une cloison, criblée de petites fenêtres qui permettent aux baigneurs et aux baigneuses de prendre ensemble des rafraîchissements, de causer et, surtout, de se voir. Le costume des hommes consiste en un simple caleçon et celui des femmes en un léger voile de lin ouvert sur les côtés, qui ne voile d'ailleurs ni le cou, ni la poitrine, ni les bras". D'après ce témoin, les femmes faisaient souvent "ces repas en pique-nique, servis sur des tables flottantes, dans les bassins, auxquels les hommes sont invités". On peut imaginer qu'il y avait dans ces lieux de véritables malades, mais surtout des gens bien portants qui venaient là pour conserver la santé d'autant plus que ces eaux chlorurées sodiques sont excellentes, de toute manière, et aussi pour se divertir, pour y trouver des moments de détente et de bonheur, enfin pour y faire des rencontres.

 

 

 

En France aussi, à la même époque, les stations thermales sont très fréquentées. Ainsi Flamenca, roman du 13e siècle, fait état des bains de Bourbon-l'Archambault aux vertus bienfaisantes. "Il y avait de nombreux établissements où tous pouvaient prendre des bains confortablement. Un écriteau, placé dans chaque bain, donnait des indications nécessaires. Pas de boiteux ni d'éclopé qui ne s'en retournât guéri. On pouvait s'y baigner dès qu'on avait fait marché avec le patron de l'hôtel, qui était en même temps concessionnaire des sources. Dans chaque bain jaillissaient de l'eau chaude et de l'eau froide. Chacun était clos et couvert comme une maison, et il s'y trouvait des chambres tranquilles où l'on pouvait se reposer et se rafraîchir à son plaisir."
Le seigneur du lieu, le compte d'Archambault, mari jaloux, fréquente ces lieux, puisqu'il y amène son épouse pour la distraire et qu'il reste en faction devant la porte pour la surveiller. Il est vrai qu'il la conduit dans l'établissement le plus cher et le plus luxueux de la ville afin qu'elle recouvre prétendument la santé... Pour elle, il est ordonné de laver soigneusement la cuve et d'y renouveler l'eau. Ses servantes y apportent les bassins, les onguents et tout ce qui est utile au bain. Grâce à ce roman, on apprend que les hôteliers exagèrent toujours leurs prix et qu'il faut souvent marchander. Les plus belles chambres sont " à feu ", et fort bien décorées.



 

A la fin du 15e siècle ce qui était purification devient souillure, et le bain un danger pour l'âme comme pour le corps.

 

 

 

Les stations thermales, on l'a dit, attirent une clientèle variée. Mais il semble que beaucoup de curistes venaient s'y régénérer, dans l'espoir d'une nouvelle jeunesse. Ce mythe de la fontaine de jouvence, souvent attesté par les manuscrits des 14e et 15e siècles, parcourt toutes les civilisations et le lien entre les vertus médicinales et la vertu fécondante de l'eau explique ces cérémonies religieuses au cours desquelles on plonge la Vierge Marie dans un bain rituel, pour la régénérer. Au Moyen Age, on immergeait aussi les saints, le Christ. Cependant, à la fin du 15e siècle, se profile un changement complet dans les mentalités, qui s'étalera sur plusieurs siècles. L'eau estime-t-on - est responsable des épidémies et des maladies, croyance non dénuée de fondement en cette fin de Moyen Age où les tanneurs, les teinturiers, les bouchers jettent leurs déchets dans les rivières et les polluent.
Par réaction, les médecins commencent à penser que le bain lui-même est malfaisant pour le corps, que les miasmes de la nature pénètrent d'autant plus facilement à l'intérieur du corps, que les pores sont dilatés sous l'effet de la chaleur, laissant un libre passage aux maladies. Plus question de chanter les louanges du bain : il faut se méfier de l'eau et n'en user que très modérément. Dans un tel climat, ne subsisteront des pratiques antérieures que celle des pèlerinages aux sources guérisseuses, en tout cas en France. L'Allemagne, en effet, ne se privera pas totalement du recours à ses bains.
Cette disparition de l'hygiène dans notre pays va de pair avec une évolution de l'Eglise romaine, qui tend de plus en plus vers une rigidité morale niant le corps. L'ère de la crasse commence, et elle durera jusqu'au 20e siècle.




Historama n°40 - Juin 1987.

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Jehanne - dans L'hygiène
6 septembre 2007 4 06 /09 /septembre /2007 10:28
LES SOINS DU CORPS AU MOYEN AGE


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CONTRE LE CHUTE DES CHEVEUX
Prenez des roses fraîches ou séchées, du myrte, du plantain et de l'écorce de glands et de châtaignes, bouillez-les dans de l'eau de pluie et, au moyen de cette eau, lavez la tête matin et soir. Je vis en Pouille une dame qui, chaque année, perdait ses cheveux. Trote de Palerme les soigna de cette manière : elle prit de la nielle, quelle calcina, de l'écorce de saule, des feuilles de figuier et de la cendre de châtaigne, de vigne et d'euphorbe ; elle fit macérer le tout dans de l'huile d'olive et, après que la tête fut lavée d'eau de pluie, elle la frotta quatre fois de cette préparation. Depuis lors, les cheveux ne tombèrent plus jamais.


DANS LE MEME BUT
La Sarrasine de Messine avait coutume de faire cet onguent : elle prenait une once de poivre et de soufre, une de pyrèthre, une de jus de poireau et quatre onces de savon, et elle mélangeait le tout. Elle mettait la dame au bain jusqu'à ce qu'elle fût bien pénétrée par la chaleur et lui oignait ensuite toute la tête. D'ordinaire, c'est ainsi qu'elle empêchait les cheveux de tomber. Autre remède : dans la même intention, elle prenait du vélin et du pain d'orge et les calcinait, elle broyait les cendres avec de la graisse d'ours et, de cet onguent, oignait la tête et les cheveux.


DANS LE MEME BUT
J'ai vu Trote laver la tête avec de l'eau de pluie où elle avait fait cuire du myrte, et oindre ensuite les cheveux avec de la graisse d'ours. Et ils cessèrent de tomber.


POUR CONSERVER LES CHEVEUX
Si vous voulez que les cheveux repoussent longs et serrés à suffisance, prenez une bonne quantité d'orge et une taupe, calcinez le tout dans un récipient qui n'ait pas encore servi et réduisez en poudre. Prenez du miel blanc et oignez l'endroit où vous voulez que les poils poussent, puis jetez-y la poudre et attendez deux jours. Dans le courant du troisième jour, lavez avec de l'eau où l'on aura fait bien chauffer de l'orcanète, de la menthe et de la sauge.


DANS LE MEME BUT
En vérité, la Sarrasine de Messine guérit sous mes yeux une jeune fille qui était toute chauve et qui avait perdu les poils des sourcils. Elle prit du persil, et de la sauge, broya vigoureusement et fit bouillir dans du vin blanc avec de la graisse de porc. Quand cela eut bien bouilli, elle recueillit dans un autre récipient la graisse qui surnageait. Elle prit ensuite du cumin et de la résine de lentisque et les broya avec le jaune d'œufs cuits à l'eau. Alors, elle fit bouillir ensemble les deux préparations. Cela donna une sorte d'onguent dont elle usa pour faire une friction : les sourcils et les cheveux de la jeune fille repoussèrent. Vous pouvez procéder de même quand vous voulez que vos poils repoussent.


DANS LE MEME BUT
J'ai vu Constantin prendre du pyrèthre, le réduire en poudre, mélanger celle-ci avec de la graisse d'ours et oindre le lieu où il voulait faire pousser les poils.


DANS LE MEME BUT
Dame Trote fait pousser les poils de cette manière : elle prenait les têtes de petits oiseaux qu'elle pouvait trouver, une bonne poignée de froment et autant de vinaigre, elle calcinait le tout ensemble et le réduisait en poudre, elle lavait la tête et la frottait avec de la graisse et du miel blanc, puis elle y jetait la poudre.


POUR RENDRE LES CHEVEUX LONGS
Si vous voulez rendre les cheveux longs et fournis, prenez une herbe qu'on appelle la "bryone", faites-en cuire dans du vin ou dans du vinaigre et, de cette décoction, lavez la tête : les cheveux deviendront longs. Ceci, je l'ai vu faire par les dames de Salerne.


DANS LE MEME BUT
Galien dit dans un livre qu'il vit un homme qui faisait pousser les cheveux : il prenait des œufs de corneille pondus en mai, les calcinait dans un récipient qui n'avait encore jamais servi, réduisait en poudre et mélangeait avec de l'huile d'olive.


DANS LE MEME BUT
J'ai vu Trote prendre du lupin, le réduire en poudre, faire bouillir cette poudre dans du vinaigre et, à l'aide de ce vinaigre, frictionner les cheveux entre les mains, et la vermine mourut


DANS LE MEME BUT
A Pontremoli, sous mes yeux, une dame prit de la farine d'orge, la pila avec du jus d'absinthe et en fit un pain qu'elle mit au four. Sitôt qu'elle l'en eut tiré, elle en couvrit les cheveux, et la vermine mourut.


CONTRE LES PELLICULES QUI APPARAISSENT SUR LA TETE
Sur la tête peuvent se produire des pellicules, qu'on appelle en Pouilles forfore, et elles font pourrir les cheveux. Voici comment vous les ferez disparaître : prenez des fleurs de genêt et une herbe qu'on appelle "ergot de coq", faites bouillir dans du vinaigre et lavez-en la tête.


DANS LE MEME BUT
Trote fait disparaître ces pellicules de cette manière : elle prend de la semence d'ortie et la met à tremper deux ou trois jours dans du vinaigre, ensuite elle lave la tête, d'abord avec une bonne lessive, puis avec ce vinaigre.


DANS LE MEME BUT
La Sarrasine réduit des pois en poudre, elle laisse tremper dans du jus de bette ou de mauve et ajoute du vinaigre. Elle lave la tête avec ce remède et puis avec du vin où l'on a fait cuire de la centaurée.


POUR TONIFIER LES CHEVEUX
Il arrive que les cheveux blanchissent trop tôt : c'est par suite d'un excès de pituite. Donnez d'abord à l'intéressé une médecine qui lui purge la tête de cette pituite. Prenez ensuite des racines de chou, séchées ou fraîches, faites cuire dans de l'eau de fontaine jusqu'à ce que la moitié de l'eau soit évaporée, et lavez la tête longuement.


POUR RENDRE LES CHEVEUX BLONDS
Si vous voulez rendre les cheveux blonds et fournis, prenez des lézards verts, enlevez la queue et la tête, faites cuire dans de l'huile et servez-vous de celle-ci pour oindre les cheveux. Autre recette : prenez de la jusquiame et de l'orpiment, faites bouillir dans de l'huile de laurier et oignez les cheveux.


POUR LES RENDRE LONGS
Une vieille me conta qu'elle prenait des crottes de chèvre, les faisait cuire dans l'huile, oignait les cheveux, et qu'ils devenaient fournis.


DANS LE MEME BUT
Autre recette pour donner aux cheveux bonne longueur et apparence agréable. Prenez des nœuds de paille d'avoine, une herbe qu'on appelle "morgeline" et des glands, et faites-les cuire dans de l'eau. Lavez la tête avec de la lessive et puis avec l'eau que vous avez préparée. Couvrez les cheveux d'une guimpe toute la nuit suivante.


POUR LES RENDRE BLONDS
Voici comment la Sarrasine s'y prenait pour rendre les cheveux blonds. Elle réduisait en cendre des sarments de vigne, prenait en quantités égales de cette cendre et de le cendre de frêne, y ajoutait une bonne poignée de noix de galle et faisait cuire le tout un demi-jour dans du vinaigre. Elle lavait les cheveux avec de la lessive, puis avec la décoction qu'elle avait préparée et elle couvrait les cheveux d'une guimpe pour toute la nuit. Les cheveux devenaient blonds, et d'une manière durable. Autre recette : elle faisait cuire ensemble du savon et du safran, elle lavait ensuite la tête avec de l'eau où l'alun avait été dissous par ébullition, puis elle faisait couvrir les cheveux pour toute la nuit.


POUR RENDRE LES CHEVEUX ROUX
Vous rendrez les cheveux roux de cette manière. Prenez du brésil et réduisez-le en poudre, faites de même avec de la garance et cuisez ensemble l'un et l'autre dans du vinaigre blanc. Lavez la tête avec une bonne lessive et, une fois les cheveux séchés, lavez-les avec ce vinaigre. Si vous voulez que les cheveux deviennent très roux, ajoutez trois deniers poids de sang-dragon.
En usant d'un autre procédé, vous pouvez les rendre blonds. Prenez de la paille d'avoine hachée menu et de la fleur de genêt. Jetez-y ensuite un denier poids de safran et une bonne poignée de gaude. Passez le mélange, lavez la tête avec le liquide obtenu et les cheveux deviendront blonds.


POUR LES RENDRE NOIRS
J'ai vu Trote teindre les cheveux comme ceci. Elle prit de la rouille de fer, des noix de galle, du brou de noix et de l'alun, et elle les fit bouillir dans du vinaigre. Ensuite elle passa la décoction et lava la tête avec l'eau, puis avec le vinaigre recueilli. Elle couvrit bien les cheveux d'une guimpe durant deux jours et deux nuits. Et après cela, ils étaient d'un brun tirant sur le noir.


POUR LES RENDRE CHATAINS
Pour rendre les cheveux châtains, prenez de la gomme adragante, des noix de galle torréfiées ou du tan de châtaigner. Laissez tremper dans de l'eau de pluie où l'on ait fait cuire des feuilles de noyer et lavez les cheveux avec cette préparation.


DEPILATOIRE
Les dames de Salerne font un onguent qu'elles appellent "silotre" au moyen duquel elles font disparaître les poils et les cheveux, où que ce soit. Elles prennent une demi écuelle de chaux vive, bien sèche, bien propre et tamisée dans une étoffe ou dans un sac. Elles mettent cette chaux dans un récipient plein d'eau bouillante et remuent le mélange. Quand elles veulent savoir s'il est bien à point, elles y mettent une aile d'oiseau, et si les plumes tombent de l'aile, c'est qu'il est bien à point. Alors elles l'étendent avec leur main, tout chaud, sur les poils, puis l'essuient. Vous pouvez procéder de même, mais gardez-vous de laisser l'onguent trop longtemps, car il écorcherait la peau. Vous pouvez enlever les poils autrement : prenez cinq parties de colophane et une de cire et faites-les fondre dans un pot de terre, étalez ensuite sur un morceau de toile de lin et, dès que vous pouvez le supporter, appliquer sur les poils.


POUR TUER LES POUX
S'il y avait des poix ou des lentes dans les cheveux, prenez de l'ellébore vrai, de l'ellébore blanc et un herbe qu'on appelle "staphisaigre", faites bouillir dans de l'eau et lavez la chevelure. Gardez-vous de mettre du vif-argent sur la tête.


CONTRE LA CHUTE DES SOURCILS
Si les sourcils tombent, vous pouvez les faire pousser comme j'ai dit au suet des cheveux. Il arrive parfois que les sourcils soient trop grands. Dans ce cas, voici comment vous pouvez les réduire à de justes dimensions : épilez d'abord dans la mesure souhaitée, prenez ensuite en quantités égales des œufs de fourmis, de la gomme de lierre et de l'orpiment, mélangez le tout et oignez l'endroit épilé. Grâce à cela, les poils ne repousseront plus.


DANS LE MEME BUT
Trote prend des œufs de fourmi, les délaie dans de l'huile où l'on a fait cuire un hérisson, puis elle oint l'endroit qu'elle a épilé.


AUTRE REMEDE DANS LE MEME SUJET
Autre remède : elle prenait des limaçons et des grenouilles et les faisait cuire dans du vinaigre, elle prenait la graisse qui surnageait et oignait l'endroit où elle voulait que les poils ne repoussent plus.


DANS LE MEME BUT
Autre remède : prenez de l'orpiment et de la semence de jusquiame, battez-les ensemble et délayez-les avec du sang chaud de porc, aérez eu feu ou au soleil et oignez l'endroit épilé.


DANS LE MEME BUT
Si les cils tombent, préparez ce remède : pilez de la gomme de ciste avec un pilon chaud et délayez avec de l'huile. Et puis oignez les cils.


DE LA VERMINE
Une vermine, que l'on appelle en français "morpion" est particulière au pénil et aux aisselles. Ce sont de sales bêtes et elles sont très nuisibles à l'homme. Voici comment vous pouvre les détruire : tondez d'abord le poil, puis lavez bien l'endroit et ensuite oignez avec de l'huile d'olive. Autre remède : oignez de savon le lieu où ils sont et ils ne tarderont pas à mourir.


DANS LE MEME BUT
J'ai vu Trote prendre des feuilles ou des fleurs de genêt, les broyer et oindre avec la bouillie l'endroit où il y avait des morpions, et ils moururent.


CONTRE LA ROUGEUR DES PAUPIERES
Le bord des paupières est parfois rouge et humide. Dans ce cas, préparez ce remède : prenez du jus de verveine et de fenouil, mélangez avec un jaune d'œuf, trempez-y un morceau de toile de lin et mettez-le sur le bord des paupières au moment du coucher. Ou bien prenez de la sarcocolle et de l'aloès, broyez et passez dans une étoffe et allongez avec du lait de femme ; c'est efficace aussi contre la taie. Autre remède : prenez du vert-de-gris et de l'os de seiche en poudre, délayez avec du jus de chélidoine et mettez sur la taie.


CONTRE LES TACHES DE ROUSSEUR DU VISAGE
Il survient parfois au visage mainte chose désagréable, comme les taches de rousseur et bien d'autres maladies. Vous ferez disparaître les taches de rousseur de cette manière : d'aucuns prennent deux œufs de poule et les mettent dans du vinaigre jusqu'à ce que les coquilles soient amollies, prenez ensuite une bonne poignée de farine de sénevé, délayez avec les oeufs et avec un peu de vinaigre et passez dans une étoffe, frictionnez le visage avec cette préparation et laissez-y la toute la nuit, le matin lavez à l'eau pure. Procédez ainsi de manière répétée et les taches de rousseur s'en iront, mais n'appliquez pas ce remède à une femme enceinte, car elle perdrait l'enfant.


DANS LE MEME BUT
Voici comme dame Trote fait disparaître les taches de rousseur. Elle prend du miel débarassé de ses impuretés et le fait bouillir. Elle prend ensuite de la farine de sénevé et de la poudre de gingembre et d'encens blanc, elle les met dans le miel et laisse refroidir. Au moment du coucher, elle donne au visage un bain de vapeur et l'oint ensuite avec le miel. Au matin, elle essuie le visage avec une étoffe de lin.


DANS LE MEME BUT
Voici comment la Sarrasine de Messine fait disparaître les taches de rousseur. Elle emplit de chaux vive, sans eau, un récipient qui n'a pas encore servi. Après l'avoir pourvu d'un couvercle bien ajusté, elle le chauffe neuf fois au four. Elle réduit la chaux en poudre, y répand de la poudre d'os de seiche et délaie avec du miel. Avec ce produit, elle oint trois fois la dame dans son bain en attendant, chaque fois, qu'il y ait lieu de continuer. Puis elle lave le visage d'eau claire.


DANS LE MEME BUT
Autre remède contre les taches de rousseur. Elle met de la lie de vin dans une feuille de figuier qu'elle cuit toute une nuit sous la cendre. Le matin, elle réduit en poudre la feuille et son contenu. Elle fait de la farine de sénevé et de la poudre de gingembre et d'encens et délaie le tout dans du vin où elle fait ensuite bouillir une racine qu'on appelle "pain de pourceau". Quand le vin s'est épaissi, elle en joint le visage, puis elle fait prendre à la femme un bain de vapeur. Le matin suivant, elle lave le visage à l'eau froide. Elle procède ainsi deux ou trois nuits. En cas de rubéfaction du visage, elle délaie de la poudre d'os de seiche et du blanc d'œuf dans de l'eau de rose et elle étend cette préparation sur une étoffe de lin qu'ele applique sur la rougeur.


POUR RENDRE LE VISAGE COLORE
J'ai vu Trote s'y prendre ainsi pour rendre les visages colorés : elle prit du tamus, le coupa en rondelles, sécha au soleil, réduisit en poudre et délaya avec de l'eau froide. Elle étendit cette préparation sur une étoffe de lin qu'elle mit sur le visage au moment du coucher. Au matin, elle lava le visage d'eau chaude et ainsi il devint vermeille.


AUTRE RECETTE POUR DONNER UN BEAU TEINT
Elle préparait une autre recette pour donner un beau teint. Elle broyait de la racine de serpentaire et de pied-de-veau, délayait dans de l'eau et passait le mélange. Elle remettait de l'au à plusieurs reprises et passait à chaque fois. Puis elle laissait déposer et évaporer au soleil. Elle prenait ensuite de la céruse et la délayait dans de l'eau bouillante. Elle laissait reposer et décantait, remettait de l'eau et décantait encore. Elle prenait deux parties de cette préparation et une de la première et délayait dans de l'eau de rose. Et quand elle voulait donner au visage un teint clair, elle le lavait soit avec du savon, soit avec de l'eau où elle avait délayé de la mie de pain, puis elle oignait le visage.


POUR FAIRE DE LA CERUSE
La Sarrasine de Messine s'y prenait ainsi pour donner des couleurs au visage. Elle mélangeait des pois et des pois chiches et les mettait à tremper dans de l'eau. Après avoir enlevé la peau, elle les broyait. Elle délayait ensuite dans du blanc d'œuf ou, ce qui donne de moins bons résultats, dans du lait d'ânesse. Elle laissait sécher au soleil, réduisait en poudre, délayait dans de l'eau tiède et employait pour le visage la lotion obtenue.


DANS LE MEME BUT
Autre recette : elle prenait de la moelle de bœuf ou de vache, triturait vigoureusement avec de la poudre d'aloès et oignait le visage.


DANS LE MEME BUT
Autre recette : elle prenait une racine que l'on appelle "noix de terre", la faisait sécher, la réduisait en poudre et poudrait le visage.


DE LA CERUSE
Il y a un fard que vous pouvez bien faire facilement. Mettez du froment bien propre dans de l'eau pendant quinze jours, puis broyez et délayez dans de l'eau. Passez dans une étoffe, laissez déposer et évaporer au soleil. Le fard obtenu sera blanc comme neige. Quand vous voudrez l'employer, délayer-le dans de l'eau de rose et étendez-le sur le visage préalablement lavé d'eau chaude, essuyez ensuite avec une étoffe.


D'UN ONGUENT CONTRE LES TACHES DE ROUSSEUR
Je vous parlerai maintenant d'un onguent qu'on emploie avec succès contre les boutons, les taches de rousseur et le hâle. Prenez de la céruse et délayez-la dans de l'eau de rose. Battez le blanc d'œufs de poule et mélangez la mousse avec la céruse délayée. Prenez ensuite de la graisse récente d'un jeune porc, faites-la fondre dans une poêle, répandez dessus de la poudre d'os de seiche, mélangez vigoureusement [avec la préparation à base de céruse] et votre onguent sera blanc comme neige. N'oubliez pas d'ajouter un peu de camphre. C'est cet onguent que les dames de Pouilles emploient pour leur visage quand elles veulent avoir un beau teint. Il est supérieur à n'importe quel autre fard blanc.


DE LA TEINTURE
Ne mettez pas de teinture sur votre visage, sinon il se ridera. Mais s'il a beaucoup perdu ses couleurs, prenez du fard blanc de froment, délayez avec du blanc d'œuf battu en neige et avec de la graisse, et après avoir donné un bon bain de vapeur à votre visage, oignez-le de cette préparation.


CONTRE LES TACHES DE ROUSSEUR
J'ai vu la comtesse de Gurnie faire bouillir de la racine de livèche dans de l'eau et laver la visage avec cette eau additionnée de blanc d'œuf. C'est d'une bonne efficacité contre les taches de rousseur.


DES BOUTONS
Une quantité de boutons rouges apparaissent parfois sur le visage et ils enlaidissent fort la dame à qui cela arrive. Saignez la dame, à plusieurs reprises, à la veine céphalique du bras et posez des ventouses au cou. Faites dissoudre de l'alun dans du jus d'absinthe et de patience et mettez de cette préparation sur les boutons. Autre recette : délayez de la lie de vin dans du jus de patience où vous aurez fait dissoudre de l'alun et servez-vous de cette préparation pour oindre le visage.


DANS LE MEME BUT
Je guéris en pouilles une dame qui était si vilainement couverte de boutons que les gens disaient qu'elle était lépreuse. Je la saignai au bras et lui mis ensuite une ventouse sur le menton. Puis, dans un récipient qui n'avait pas encore servi, je fis bouillir de l'absinthe, de l'aurore, de la tanaisie et de la sauge, et j'exposai le visage de la dame à cette fumigation. Ensuite je broyai convenablement de la moelle, du sel d'amoniac et du sang de dragon, et je délayai avec du jus de plantain. A trois reprises, je mis de cette composition sur le visage de la dame et elle guérit.


AUTRE RECETTE DANS LE MEME BUT
Autre recette : broyez de la coriandre et des roses et délayez avec du jus de benoîte. Mettez avec le tout un peu de vif-argent et de savon et oignez le visage.


DES DARTRES
Si des dartres apparaissent sur le visage, voici comment vous pouvez les faire disparaître : délayez de l'orpiment avec du jus de patience et de l'absinthe et de l'eau de savon et oignez les dartres. Vous pouvez aussi les oindre avec de l'huile de froment ou d'œufs. Autre recette : prenez de la racine de patience, de l'huile et du sel, délayez avec votre urine et oignez les dartres trois fois par jour.
Voici comment vous ferez de l'huile d'œufs : écrasez des œufs cuits très durs, faites frire dans une poêle en agitant vivement et pressez ensuite vigoureusement dans une étoffe.


DES RIDES
Si une dame a le visage ridé, voici comment vous pouvez y remédier. Prenez des plantes de violette et de mauve, faites bouillir dans du vin et soumettez le visage à la fumigation. Réduisez ensuite de la "semence" en poudre, ajoutez de la graisse de poule et faites un onguent en mélangeant avec de la farine de graines de citrouille, de grains de lupin et de fèves. Oignez le visage. Cela fait disparaître les rides et donne au visage de très bonnes couleurs.


CONTRE L'ALTERATION DU TEINT
Les femmes ont parfois sous les yeux la peau qui se décolore et devient livide. Voici comment vous pouvez y remédier. Faites-leur baigner le visage dans de l'eau chaude et frictionnez bien avec un doigt là où le visage est décoloré. Prenez ensuite du fard blanc de froment, frictionnez bien et essuyez avec une étoffe. Recommencez plusieurs fois et le visage sera bien coloré à l'endroit traité.


DE LA ROUGEUR EXCESSIVE
Si une dame est trop rouge, saignez-la à plusieurs reprises au bras ou scarifiez-lui les jambes, et puis c'est le moment de mettre de l'onguent que je dis ci-dessous, où entrent de la céruse et d'autres produits. Et si elle est pâle, vous pouvez y obvier avec les remèdes que j'ai dis.


DE LA COLORATION DU TEINT
Je vais vous dire un soin de beauté peu compliqué : lavez d'abord le visage avec du savon, essuyez-le avec une étoffe de lin, puis frictionnez bien, malaxez de la céruse entre vos mains, mettez-la sur le visage et frictionnez avec un peu de laine ou de coton.


DU BRESIL
Voici la manière dont vous ferez la décoction de brésil : réduisez du brésil en poudre, faites bouillir dans du vin jusqu'à ce que ce dernier soit bien rouge, trempez-y de la laine ou du coton et frictionnez le visage quand vous voulez. C'est ce qu'en Pouilles les gens appellent du "fard rouge".


DES VERRUES
Il n'est pas rare qu'il vienne des verrues sur le visage et ailleurs. Vous pouvez les supprimer de cette manière : oignez-les, pendant que la lune est croissante, avec de la fleur d'hièble. Autre recette : prenez des grains d'orge torréfiés, en quantité convenable, et mettez-en sur les verrues. Autre recette : si on prend de la moelle de l'os de la hanche d'une mule ou d'une vache et qu'on oigne les verrues, elles ne pousseront plus.


DANS LE MEME BUT
Trote prépare un remède infaillible. Elle prend du savon, de la chaux vive incomplètement hydratée et de l'orpiment, et elle les mélange. Elle fait avec de la cire une capsule qui puisse contenir la verrue et, dans la capsule, sur la verrue, elle met l'onguent. -- et laissez les choses ainsi toute la nuit. La matin, elle met de la charpie d'étoffe de lin sur l'endroit traité. Et s'il se met à enfler, oignez-le avec de la graisse fraîche de mouton.


DANS LE MEME BUT
J'ai vu prendre un fer chaud et cautériser à fond la verrue, et les racines pourrirent.


CONTRE LA RUGOSITE DU VISAGE
Si le visage ou le front étaient rugueux ou halés, délayez du fard blanc de froment et oignez bien le visage.


CONTRE LES TACHES DE ROUSSEUR
Si le nez était couvert de taches de rousseur et ridé, vous pourriez y remédier comme je vous ai dit.


CONTRE LA FETIDITE DES NARINES
Il arrive parfois que le nez pue : prenez du pouliot, des roses et autres espèces bien aromatiques, mettez-les sur des charbons ardents et faites des fumigations, ou prenez un certain nombre de pilules que l'on appelle diacastorea, délayez avec du vin et instillez dans le nez.


CONTRE L'ARDEUR DU SOLEIL
Pour le hâle, oignez le visage avec du blanc d'œuf et, le lendemain matin, lavez à l'eau chaude.


POUR COLORER LE VISAGE
Pour avoir un teint clair et faire disparaître du visage les taches de rousseur et toute impureté, enduisez de savon l'intérieur d'un pot, couvrez bien le pot avec une écuelle de telle façon que rien n'y puisse entrer et mettez-le dans un fumier, laissez y le trois jours, puis enlevez-le et mettez le contenu dans une boite, mélangez ensuite de la gomme de lierre avec le savon recueilli, lavez à plusieurs reprises le visage avec ce produit et cela enlèvera toute impureté.


CONTRE LES TACHES DE ROUSSEUR
Pour faire disparaître les taches de rousseur et avoir un teint clair, réduisez en poudre de la racine de serpentaire séchée au soleil, délayez avec du blanc d'œuf, séchez au soleil, délayez à nouveau avec du blanc d'œuf, oignez le visage et puis lavez avec de l'eau d'orge.


DE L'EAU D'ORGE
Pour faire de l'eau d'orge, voici comment vous devez vous y prendre. Mettez l'orge dans de l'eau pendant trois jours, changez l'eau chaque jour; le cinquième jour, pilez, puis délayez avec de l'eau tiède ; et enfin, passez dans une étoffe.


POUR ENLEVER LES POILS
Si les poils poussent trop vite, délayez de la cendre de vigne avec de la poix liquide et de l'huile d'olive et oignez à plusieurs reprises.


POUR AVOIR LES CHEVEUX DRUS
Pour avoir les cheveux drus, faites cuire des feuilles de saule, puis broyez-les, délayez-les avec de l'huile d'olive et oignez-vous la tête.


POUR LES CHEVEUX
Si vos cheveux tombent, délayez avec de l'huile d'olive de la graine de lin torréfiée et oignez à plusieurs reprises.


POUR LA BEAUTE DE LA CHEVELURE
Pour avoir une belle chevelure, prenez des quantités égales d'huile d'olive, de miel et d'alun et mélangez-les, ajoutez du vif-argent en quantité supérieure à chacune des autres, et oignez à plusieurs reprises.


ONGUENT POUR LA CHEVELURE
Si vous voulez un autre onguent très bon pour la chevelure, broyez de la racine de patience et faites chauffer avec de l'huile d'olive, ajoutez de la cire vierge et faites bouillir le tout jusqu'à ce que l'huile se soit chargée des vertus du végétal, passez-la alors dans une étoffe et, quand c'est un peu refroidi, ajoutez du vif-argent et mettez en boite.


POUR BLANCHIR LES DENTS
Pour blanchir les dents, prenez de la farine d'orge bien propre, de l'alun en menue poudre et du sel décrépité, mélangez en ajoutant un rien de miel fondu, frottez-vous fréquemment les dents de cette préparation et cela vous les rendra blanches.



Propos extraits des ouvrages de Roger Bacon.

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Jehanne - dans L'hygiène
6 septembre 2007 4 06 /09 /septembre /2007 09:47

La taxation du sel : la Gabelle

 

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La gabelle vient d'un mot d'origine arabe KABALA qui signifie taxe. Au départ ce mot s'appliquait à toutes les taxes prises sur les produits de consommation. En Franc, le mot est réduit au sel. Le développement du commerce du sel suscita l'intérêt des hommes de pouvoir et on instaura ainsi un impôt spécifique appelé la gabelle. En Franche-Comté, le commerce du sel fut d'abord exempt de droit. Mais peu à peu, les impositions sont apparues.

Allégorie sur le paysan "né pour la peine" (extrait : Les chemins du sel de Gilbert Dunoyer)

A la fin du XIV siècle, Philippe le Hardi qui régnait à l'époque sur la Franche-Comté décida d'appliquer dans cette province une gabelle sur le sel afin de restaurer les finances ducales mises à mal par les fortes dépenses .

Pendant quatre siècles et demi, de Philippe de Valois à Louis XVII, la gabelle du sel fut appliquée dans le royaume de France. Le roi était considéré comme le propriétaire du sol et ainsi, il pouvait contrôler les matières premières et en même temps les eaux salées. Avec les impôts, le roi de France voulait se donner le monopôle sur la vente du sel. La vente du sel fut donc contrôlée par un corps d'officiers royaux dits "les grenetiers", mais les contribuables étaient tenus également de consommer annuellement le "sel du devoir" c'est à dire une certaine quantité de sel. La perception de cette gabelle n'était pas uniforme. Aux XVII et XVIIIe siècle, on pouvait distinguer :

-les pays francs : ils étaient exempts d'impôts soit parce qu'ils avaient été dispensés lors de leur réunion récente au royaume, soit parce que c'était des régions maritimes.

-les pays rédimés qui avaient acheté par un versement forfaitaire une exemption à perpétuité de la gabelle.

-les pays de salins où l'état producteur de sel pouvait percevoir directement son profit en majorant les prix de vente ce qui rendait la gabelle presque inexistante.

-le pays de quart-bouillon, le sel y était non par dessèchement, mais dans des sauneries particulières où l'on faisait bouillir le sable imprégné de sel de mer ; ces sauneries versaient le quart de leur fabrication dans les greniers du roi.

-les pays de petite gabelle, où la vente du sel était assurée par les greniers à sel, mais où la consommation restait généralement libre.

-les pays de grande Gabelle : on devait y acheter obligatoirement une quantité fixe annuelle de "sel du devoir", ce qui transformait la gabelle en un vrai impôt direct.

Renforcée par Colbert, l'organisation de la gabelle arriva à son apogée 1680. Il instaure un véritable code fixant toutes les modalités de perception de l'impôt, son montant, les peines qui seraient appliquées aux contrevenants. Il obligea les Français à s'approvisionner obligatoirement dans les greniers royaux. Les mesures prises par Colbert portèrent le prix du sel à vingt fois son prix. La Gabelle fera des ravages jusqu'en 1790. Par conséquent, les populations ne voulurent plus payer cet impôt. Alors petit à petit, une contrebande s'est mise en place avec les faux-sauniers qui sévissaient entre les pays où le sel était cher et ceux où il ne l'était pas. Ce système de gabelle normalement applicable à tous officiellement ne l'était pas. En effet, le clergé, la noblesse, les membres de l'université, les officiers royaux y échappaient en bénéficiant du "franc salé" qui leur permettait d'acheter le sel à un prix inférieur au tarif. Le sel se trouvait détourné des salines ou il était volé lors de son transport ou directement à l'intérieur des salines malgré la surveillance.

Pour se prémunir contre cette fraude et reconnaître facilement le " vrai" du " faux sel", les autorités firent fabriquer le produit d'une manière différente selon les régions où il sera commercialisé. Le poids, la forme, la grosseur des salignions varièrent au départ des salines. On y fit apparaître soit les armes du duché et d'autres marques précises. Les faux sauniers furent punis de différentes manières : année de galère, peine de mort.

Pillage et massacre du côté de l'hôtel de Guyenne par les parisiens menés par Simon Caboche en 1413 (extrait : Les chemins du sel de Gilbert Dunoyer)

Au Moyen-Age, en Franche-Comté, le faux saunage fut appelé " mesvandaige". Au XVIII siècle, les canalisations amenant l'eau salée de Salins vers Arc-et-Senans furent souvent percées et la saumure traitée en cachette dans des ateliers clandestins. Bien que la gabelle fut très impopulaire, l'Etat ne voulait y renoncer car elle apportait richesse au pays. Il faudra attendre1790 pour que cette Gabelle soit abolie par l'assemblée constituante.

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Jehanne - dans La Société
4 septembre 2007 2 04 /09 /septembre /2007 18:51
L'Hypocras


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L'hypocras  est une ancienne boisson à base de vin sucré et aromatisé. C'est une boisson connue dans toute l'Europe médiévale. La légende attribue son invention au médecin grec Hippocrate, au Ve siècle av. J.-C.. En réalité, le nom « hypocras » est rencontré pour la première fois au milieu du XIVe siècle.



Présentation


L'hypocras est un vin fortement sucré avec du miel, à raison d'environ 200 grammes de miel pour trois litres de vin, auquel on ajoute de la cannelle et du gingembre. La préparation est laissée à reposer puis est filtrée avant d'être mise en bouteille. Une fois mis en bouteille, l'hypocras se conserve plusieurs années.
Il existe de multiples manières de faire de l'hypocras. Les sources médiévales manquent de précision, mais la cannelle et le gingembre sont indispensables. Les autres plantes aromatiques et les autres épices sont facultatives et en proportions variables. Le fait de devoir faire chauffer le liquide ou non est controversé.



Etymologie


Les premières recettes de vin épicé apparaissent à la fin du XIIIe siècle (recettes de claret et de piment dans le Tractatus de Modo) ou au début du XIVe siècle (recette de piment dans le Régiment de Sanitat d'Arnaud de Villeneuve). Les recettes de piment sont majoritairement originaires de pays catalans ou de langue d'Oc. À partir de 1390, les recettes de piment sont appelées Ipocras ou Ypocras;, probablement en hommage à Hippocrate et en reprenant l'orthographe espagnole : « Ipocras ». À partir du XVIe siècle, le mot est généralement orthographié « Hypocras ».



Histoire

Selon Pline l'Ancien et Apicius, les Romains buvaient déjà des vins épicés.

Dès le XIIe siècle, un vin épicé appelé "pimen ou piment" est cité par Chrétien de Troyes. Au XIIIe siècle, la ville de Montpellier est réputée pour faire le commerce de vins épicés avec l'Angleterre. La boisson est très prisée tout au long du Moyen Âge. C'est un apéritif ou un digestif, souvent prescrit par les médecins pour faire digérer. Le sucre est alors considéré comme un médicament et, au Moyen Âge, le miel est réservé au peuple. L'hypocras était servi dans la plupart des banquets. C'était la boisson préférée de Gilles de Rais, qui en buvait paraît-il plusieurs bouteilles chaque jour. Plus tard, Louis XIV en était également friand. Elle était alors offerte comme présent de valeur, au même titre que les confitures.

On trouve des recettes d'hypocras jusqu'au XIXe siècle. À partir du XVIIe siècle, le vin aux épices est généralement confectionné avec des fruits (pommes, oranges, amandes) et du musc ou de l'ambre.

De nos jours, cette boisson est produite en France, dans l'Ariège, la Haute-Loire et dans la Drôme. Elle est utilisée comme boisson ou comme ingrédient de sauce. Elle est mise à l'honneur dans de nombreuses fêtes médiévales et en particulier à la fête du Roi de l'Oiseau au Puy-en-Velay. Toutefois la boisson tel qu'on peut la trouver dans le commerce est adapté aux références culinaires actuelles et est donc bien moins épicé que la boisson médiévale saturé en épices.







Article Wikipédia.
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Jehanne - dans Les Boissons
4 septembre 2007 2 04 /09 /septembre /2007 11:32
1337 à 1380
La guerre de Cent Ans (début)


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Le 1er février 1328, le roi de France Charles IV le Bel, troisième et dernier fils de Philippe le Bel, meurt sans postérité mâle comme ses frères aînés mais laisse une femme enceinte. Le jour même, les Grands du royaume attribuent la régence au comte Philippe de Valois, dont le père, Charles, était le frère cadet de Philippe le Bel.

Lorsqu'arrive le jour de l'accouchement, c'est une fille qui naît. La coutume excluant les femmes de la succession au trône, Philippe de Valois est désigné roi sous le nom de Philippe VI, au détriment d'autres prétendants dont le roi d'Angleterre Édouard III.

Dix ans plus tard, à la faveur d'une obscure querelle, le roi Édouard III revendique le trône de France. Il va s'ensuivre un conflit à multiples rebondissements entre les rois de France et d'Angleterre, entrecoupé de longues trêves...

Beaucoup plus tard, au XIXe siècle, les historiens français conviendront de désigner cette longue période sous le nom de guerre de Cent Ans.



De désastre en désastre

EtienneMarcelassassinatBNF.jpgLe roi d'Angleterre a d'abord l'avantage sur son cousin et rival, Philippe VI. La flotte française est détruite dans le port flamand de l'Écluse, en aval de Bruges, le 24 juin 1340.

Le 26 août 1346 survient à Crécy, près de la Somme, le premier affrontement terrestre. Il se solde par une première victoire de l'infanterie anglaise sur la chevalerie française. Les Anglais s'emparent de Calais. Fort de ses premiers succès, le roi Édouard III consent à signer une trêve d'un an avec Philippe VI de Valois. Celle-ci est prolongée de quelques années du fait de la peste.

Le terrible virus de la peste s'est installé en Europe à la faveur de l'accostage d'une nef en provenance d'Asie dans les ports de Marseille et de Gênes en 1347. Il va frapper en quelques mois la plupart des régions d'Europe et tuer jusqu'à 40% de la population de certaines d'entre elles. Moins de dix ans plus tard, profitant d'un conflit entre le nouveau roi de France Jean II le Bon et son gendre, le roi de Navarre, Édouard III rompt pour de bon la trêve.

Parti de Bordeaux, le fils du roi anglais, surnommé le Prince noir, lance une grande chevauchée vers la Loire, en vue de piller quelque peu les paysans et les bourgeois. Le roi Jean II le Bon se porte à sa rencontre avec son armée de chevaliers. Bien que plus nombreuse, celle-ci est écrasée à Poitiers et le roi de France est même capturé.



La France dépecée

100.JPGLe désastre de Poitiers survient peu après celui de Crécy et plonge le royaume capétien dans l'une des plus graves crises de son histoire. Les paysans, oppressés de taxes, se retournent contre les seigneurs, qui se sont montrés indignes à la bataille, tandis que les bourgeois de Paris et des villes du nord envisagent de soumettre la monarchie à leurs volontés.

Les états généraux de langue d'oïl (autrement dit les représentants des Français du nord) se réunissent sans attendre et décident de libérer Charles II le Mauvais, roi de Navarre, cousin et beau-frère du roi captif, que ce dernier avait incarcéré pour le punir de ses manigances. Les bourgeois attendent du Navarrais qu'il les protège dans la défaite.

Charles le Mauvais veut mettre à profit la captivité du roi pour prendre sa revanche sur la décision de 1328 qui avait écarté sa lignée de la couronne au profit des Valois.

Il négocie avec les Anglais la cession à son profit de quelques provinces comme la Normandie. Il met fin par ailleurs à la Jacquerie paysanne et entre dans une alliance contre nature avec le prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel.

Mais le 31 juillet 1358, un échevin fidèle à la royauté fait assassiner le prévôt devant la porte Saint-Denis alors qu'il s'apprêtait à livrer les clés de la ville à Charles le Mauvais.



Vers le redressement

L'héritier de la couronne, le dauphin Charles, qui a surpris tout le monde par sa force de caractère, peut rentrer en triomphe dans sa capitale le 2 août 1358 (quelques années plus tard, devenu roi sous le nom de Charles V le Sage, il n'aura rien de plus pressé que de faire édifier la Bastille afin de tenir en respect les turbulents Parisiens). De tous ces malheurs qui auraient pu entraîner révolution et séditions, la monarchie et l'État vont paradoxalement sortir renforcés.

Le régent convoque à nouveau les états généraux et ceux-ci dénoncent les accords signés par Jean II avec Édouard III, qui abandonnent à l'Angleterre toutes les anciennes possessions des Plantagenêt, de la Normandie à l'Aquitaine (ou Guyenne) en passant par le Limousin, le Quercy, l'Anjou,...

Édouard III débarque à Calais et tente en vain d'entrer à Reims pour s'y faire sacrer roi de France. Sur le chemin du retour, craignant que sa chevauchée ne s'achève sur un désastre, il signe enfin des préliminaires de paix à Brétigny, près de Chartres, le 8 mai 1360. Le traité sera ratifié à Calais le 24 octobre 1360.

Il se solde par des amputations importantes du territoire national au profit du roi anglais, à savoir l'Aquitaine et, au nord, Calais, le Ponthieu et le comté de Guînes. Le domaine capétien est ramené à ce qu'il était au début du règne de Philippe Auguste, 150 ans auparavant.

Le roi de France promet de renoncer à la souveraineté sur l'Aquitaine et le roi d'Angleterre à la couronne de France dès que les termes du traité auront été exécutés. Là-dessus, il quitte sa prison (pour quelques mois seulement et saisit l'occasion pour créer une nouvelle monnaie, le franc).



Vers le redressement

Le Dauphin (ainsi appelle-t-on désormais l'héritier du trône), futur Charles V le Sage, régent du royaume de France en l'absence de son imbécile de père, doit lutter contre les Anglais mais aussi contre son beau-frère, le roi de Navarre, et contre ses frères qui ont bénéficié de vastes apanages de la part de leur père et désirent s'émanciper de la couronne tout en abaissant celle-ci.

Le duc de Bourgogne Philippe le Hardi et ses héritiers, Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire, constituent la plus grave menace pour la monarchie des Valois.

Après la mort de Jean II, en 1364, il faut toute l'habileté de Charles V le Sage et la hardiesse de Bertrand Du Guesclin, son futur connétable, pour peu à peu restaurer le royaume dans son intégrité. En 1380, la disparition successive de Du Guesclin et Charles V laissent la France dans un état relativement serein et le conflit entre les monarchies anglaise et française pourrait s'arrêter là.


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André Larané
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Jehanne - dans Contexte historique
4 septembre 2007 2 04 /09 /septembre /2007 10:47
1380 à 1453
La guerre de Cent Ans (suite et fin)


bertrand.jpg

En 1380, le nouveau roi de France, Charles VI, n'a que 12 ans et il doit laisser le gouvernement à un Conseil de régence animé par ses puissants oncles. Les finances du royaume sont alors pressurées.

Une longue embellie

Le jeune roi est surnommé le Bien-Aimé par le peuple et son règne s'annonce sous de bons auspices. Il est vrai que les conditions économiques et sociales sont très favorables...

Du fait du dépeuplement consécutif à la Grande Peste de 1347, les campagnes manquent de main-d'oeuvre et les seigneurs s'efforcent par tous les moyens de retenir leurs paysans. Ils leur concèdent des allègements de charges ainsi que la pleine propriété des terres qu'ils cultivent. Le servage disparaît presque partout en France comme dans le reste de l'Europe. De la même façon, les seigneurs multiplient les franchises communales pour encourager l'activité artisanale et le commerce sur leurs terres.

Mais cette expansion suscite aussi des tensions sociales. Les paysans et les bourgeois en voie d'enrichissement supportent de moins en moins les exactions seigneuriales. Bientôt surviennent les plus graves révoltes sociales qu'ait jamais connues la France, des Jacqueries paysannes aux soulèvement des Maillotins et des Cabochiens parisiens. Les autres régions d'Europe occidentale, de l'Angleterre à la Bohême, donnent lieu à de semblables tensions.

Désastre et miracle

bataille-ecluse.jpgA sa majorité, le roi Charles VI chasse ses oncles et rappelle les anciens conseillers de son père, les «marmousets». Mais, bientôt frappé de folie, il doit abandonner le pouvoir à un Conseil présidé par sa femme, Isabeau de Bavière, et constitué de ses oncles et de son frère Louis d'Orléans.

Celui-ci est assassiné à l'instigation de son oncle, le duc de Bourgogne Jean sans Peur, qui s'allie à la bourgeoisie parisienne. La monarchie rétablit son autorité avec le concours du comte d'Armagnac, beau-père de Louis d'Orléans.

Le roi d'Angleterre profite de cette guerre civile, communément appelée «querelle des Armagnacs et des Bourguignons», pour reprendre pied sur le continent. En 1415, la bataille d'Azincourt, suivie en 1422 du traité de Troyes, permet de réunir les couronnes de France et d'Angleterre sur la tête de l'héritier anglais.

Le Dauphin Charles, fils et héritier du malheureux roi Charles VI le Fou, est dépossédé de ses droits par sa propre mère mais il tente de résister à partir de sa résidence de Bourges.

Le 21 octobre 1422, le malheureux Charles VI s'éteint dans l'indifférence. Selon les termes du traité de Troyes, le jeune roi d'Angleterre Henri VI, encore au berceau, lui succède sur le trône, la régence étant assurée par son oncle, le duc de Bedford. Mais selon la tradition capétienne, c'est à son fils le Dauphin, devenu Charles VII, que revient normalement la couronne.

L'historien Emmanuel Bourassin compare la longue période qui s'ouvre à l'occupation de la France par les Allemands (1940-1944), avec le conflit civil entre collaborateurs (qualifiés de«Français reniés»), autour du duc de Bourgogne, et résistants, autour du Dauphin (*).

Notons que les «Français reniés» se recrutent surtout dans le clergé et la bourgeoisie. La noblesse reste pour l'essentiel fidèle à Charles VII, en vertu du vieux lien féodal. Cantonné entre Bourges et Orléans, l'héritier reçoit en particulier le soutien du gouverneur du Languedoc qui, après quelques hésitations, rallie le Midi à son camp.

Mais cela est loin de suffire et le «petit roi de Bourges» n'est pas loin de renoncer à ses droits quand survient Jeanne d'Arc. Orléans est délivrée et le Dauphin couronné roi à Reims selon le rituel des Capétiens. La chance sourit de nouveau aux Valois.

Après l'exécution de Jeanne d'Arc, le roi Charles VII poursuit la contre-offensive contre les Anglais. Pour commencer, il se réconcilie à Arras avec le duc de Bourgogne, Philippe le Bon. Il n'hésite pas à lui céder les comtés d'Auxerre et de Mâcon et les villes de la Somme. En contrepartie, le Bourguignon renonce à son alliance avec les Anglais. C'est l'épilogue de la fameuse querelle dite des Armagnacs et des Bourguignons.

Après le traité d'Arras, le roi retrouve sa capitale. Son capitaine Richemont reprend Paris en 1436 et l'ancien «petit roi de Bourges» y fait une entrée triomphale le 12 novembre 1437. Le roi anglais, qui prétend toujours régner sur la France, se résigne à signer une trêve à Tours le 28 mai 1444.

Tranquille pour quelques années, Charles VII peut mettre les affaires du royaume en ordre.

Il est bien servi par le «Grand Argentier» Jacques Coeur, qui restaure ses finances, et par les frères Jean et Gaspard Bureau, qui réorganisent son armée et constituent pour la première fois une artillerie puissante et relativement efficace.

En 1450, près de vingt ans après la mort de Jeanne d'Arc, Charles VII remporte la victoire de Formigny sur les Anglais. L'ost royal commandé par le comte de Penthièvre descend la vallée de la Dordogne. Bergerac est conquise le 10 octobre 1450.

Bordeaux se rend enfin aux Français par le traité du 12 juin 1451. Les Anglais sont alors chassés de tout le continent à l'exception de Calais. La Guerre de Cent Ans pourrait s'arrêter là.

Mais à Bordeaux et dans l'Aquitaine, les sujets de Charles VII regrettent très vite les Anglais qui ménageaient leurs droits communaux et leur autonomie. Ils rappellent les Anglais mais leur corps expéditionnaire est bientôt battu à Castillon, sur les bords de la Dordogne, le 17 juillet 1453.

Une Europe nouvelle

100ans03.jpgSurvenant quelques semaines après la chute de Constantinople aux mains des Turcs, la bataille de Castillon passe presque inaperçue des contemporains. Elle n'en marque pas moins l'Histoire militaire par le triomphe de l'artillerie. Les Anglais sont obligés de rembarquer. Empêtrés dans un conflit dynastique, la guerre des Deux-Roses, ils renonçent à jamais à l'Aquitaine et aux possessions continentales de l'ancienne dynastie des Plantagenêt.

La France et l'Occident sortent bouleversés de la guerre de Cent Ans. Une nouvelle classe d'artisans, de marchands et de paysans libres prend son essor tandis que s'éteint la vieille chevalerie de tradition féodale. La Renaissance, en germe en Italie depuis déjà un à deux siècles, atteint la France et le coeur de l'Europe.



André Larané
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Jehanne - dans Contexte historique
1 septembre 2007 6 01 /09 /septembre /2007 13:27
Fort La Latte, ou roche Guyon





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1 - Les constructeurs


La Roche-Goyon, premier nom du château, fut édifié dans sa première partie du XIVe siècle. Les seigneurs qui l'érigèrent étaient déjà bien puissants puisqu'il fallait l'être pour construire un château fort et pour entretenir quelques hommes d'armes.

Les Goyon-Matignon, seigneurs constructeurs avaient multiplié les
hauts faits d'armes et les brillantes alliances. Les Goyon sont très nombreux et les branches multiples, si nombreux qu'un proverbe dit : "Frappez du pied le sol breton, il en sortira un Goyon, un Kersauson ou un Courson". Si l'on s'en réfère aux chroniqueurs bretons, hors ce Goyon qui aurait aidé Alain Barbe Torte à chasser les Normands de Bretagne au cours du Xe siècle, un autre aurait figuré aux états assemblés par Eudon en 1057 et un troisième, répondant au nom de Eudes aurait accompagné le Duc Alain IV Fergent dans la première croisade (1096). Ces bannerets, "Gentilhomme qui avaient assez de vassaux pour lever la bannière" (Moreri) pour leur propre compte ou le service ducal et royal, étaient dans les allées du pouvoir, très proches des ducs de Bretagne.

En 1209, Etienne 1r Goyon épouse Lucie de Matignon. Désormais cette branche perdurera sous le nom de Goyon-Matignon. Ils ont laissé des traces, car voulant gagner leur ciel, ils multiplièrent les donations à l'Abbaye Saint-Aubin des Bois. Les successeurs les imitèrent tant à l'abbaye de Saint-Aubin qu'à l'Abbaye de Saint-Jacut, les relations qu'ils entretenaient avec les abbayes étaient parfois orageuses...

En 1341, le duc de Bretagne Jean III meurt. Celui-ci, bien que marié trois fois, n'a pas d'héritier direct. Éclate alors la guerre de Succession de Bretagne (1341-1365). Deux héritiers briguent le pouvoir :
Leur suzerain, le roi de France Philippe VI de Valois, montre sa préférence pour Charles de Blois. Les Goyon-Matignon, résidant dans le Penthièvre, prennent tout naturellement position pour Charles de Blois. La Bretagne s'embrase, une guerre civile éclate. Le parti de Montfort recherche et obtient l'appui d'Henri III, roi d'Angleterre. Pour simplifier, on pourrait dire que le nord de la Bretagne épouse la cause de Charles de Blois et le sud de la Bretagne celle de Jean de Montfort. Charles de Blois est prisonnier des anglais et Jeanne de Penthièvre convoque les états de Bretagne à Dinan en novembre 1352, Etienne III Goyon y participe.

C'est à ce grand seigneur que nous devons le début de la construction du château. La Bretagne, qui éprouvait le besoin se système défensif, se couvrit alors de châteaux forts. L'histoire n'a pas laissé de raisons quant au choix du lieu, l'aspect stratégique saute aux yeux. Où, mieux que sur cette pointe peut-on surveiller la côte ? Au nord, le large, à l'ouest le Cap Fréhel et l'Anse des Sévignés inhospitalière, à l'est la côte et notamment Saint-Malo et au sud la Baie de Fresnaye dans laquelle on peut mouiller et accoster. Comment pouvait-on mieux servir son duc ? En le suivant à la guerre, en repoussant l'ennemi qui selon la politique suivie pouvait être tantôt les Anglais, tantôt Français. La Bretagne voulant à tout prix rester indépendante, il suffisait que le roi de France ait trop de velléités à son endroit pour que le Duc s'approche du roi d'Anglais. Indépendance oblige!...


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2 - Le château au XIVe siècle


Quels vestiges nous restent de ces temps troublés ? Le premier pont-levis date de cette période. On franchit une porte ogivale et nous entrons dans un espace étroit qui, à l'origine, devait être couvert et constituait le châtelet d'entrée dont il ne subsiste que le centre.

La construction de la pièce maîtresse du château, l'invincible donjon, a sans doute été entreprise par Etienne III (vers 1310-1353) puisque les archères de la base sont antérieures à l'apparition du canon en Bretagne (1364). Par contre les ouvertures de l'étage ont été aménagées pour recevoir des petits canons qu'on appelait couleuvrines. Au sommet du donjon, sur le chemin de ronde, les mâchicoulis permettent d'expédier des pierres d'assez grande taille sur les assaillants, de décrocher des flèches. La Forme cylindrique de la tour est caractéristique de l'art militaire du XIVe siècle et sa base évasée donne à la fois une très grande assise à l'édifice et facilite le rebondissement des pierres jetées sur les ennemis.

Les meurtrières de la base du donjon sont situées sur un bandeau de pierres délimitant le premier niveau. Cette base est orientée : on peut y voir, aux points cardinaux, scellés dans la maçonnerie primitive, les symboles des évangélistes (à l'ouest l'ange de Saint-Mathieu, à l'est l'aigle de Saint-Jean, au sud le lion de Saint-Marc et au nord le bouf de Saint-Luc). l'ange et le bouf sont en parfait état mais il faut faire un effort pour déceler les autres symboles, l'érosion ayant fait son oeuvre. 

Jean de Montfort est reconnu duc de Bretagne en 1365 sous le nom de Jean IV. Bertrand II de Goyon (vers 1340-1380), petit fils d'Etienne III, entretint dès 1368 d'excellents rapports avec son duc. C'est à cette période que fut complété le château par une enceinte dont quatre tours subsistent. La base de chaque tour est évasée et contient une "oubliette" en forme d'entonnoir, ces oubliettes qui déchaînent l'imagination. Peut-être ont-elles servi de geôle à quelques récalcitrants d'alors, mais pour les dégager, il a fallu ôter tous les détritus que la soldatesque y avait accumulé au cours des siècles. Voulant confisquer la Bretagne à son profit (Jean IV étant en Angleterre depuis 1375) le roi de France Charles V rencontra l'opposition des hauts barons bretons, et une ligue se forma pour se porter au service du duc et lui demander de revenir. Jean IV débarqua sur la Rance, non loin de Saint-Malo le 3 août 1379, il ne s'attarda pas dans la région malouine où Du Guesclin guettait les
Anglais. Il est incontestable que le château existait alors, puisque Du Guesclin, connétable de Charles V, expédia une troupe pour en entreprendre le siège en 1379. Laissons parler le connétable à ce sujet : "Et la manière comme ils m'ont baillé cette forteresse, qui a esté assés dure", les assaillants ont certes pris la forteresse mais celle-ci s'est défendue vaillamment. Le château confisqué fut restitué deux ans plus tard à Etienne Goyon par le traité de Guérande (1381) qui mit fin au conflit entre la Bretagne et la France. Les Goyon-Matignon cessèrent de résider dans leur forteresse vers 1420 lorsque Jean 1er Goyon, fils de Bertrand III Goyon, épousa Marguerite de Mauny, héritière de Thorigny. Le commandement du château fut alors confié à un gouverneur souvent choisi parmi la branche cadette. Le château s'enrichit du logis du gouverneur qui existe toujours et où loge le propriétaire et sa famille. Ce logis est accolé à la muraille et a subi des remaniements. On pense aussi que les nombreuses petites maisons accolées aux courtines datent du XVe siècle.

Hormis la guerre, les occupations des Goyon devaient être celles de tout seigneur à l'époque : la chasse, les plaisirs de la table et les divertissements. Mais entre la construction et le départ des Goyon de leur Bretagne natale, il ne s'est écoulé que soixante-dix ans environ, soixante-dix années troublées par la guerre de Succession de Bretagne sur toile de fond de guerre de Cent Ans. On imagine sans peine que les seigneurs ont consacré beaucoup de temps à la diplomatie et à la défense de leur duc.

Quand on visite le donjon, il faut se pénétrer de l'idée que, seule la pièce du premier étage était habitable, une pièce unique pour vivre. La voûte sur croisée d'ogives du second étage, supporte les dalles de Saint-Cast qui constituent le toit chapeauté par un parapet crénelé. Cette pièce qui donne un accès direct sur le chemin de ronde était la salle des Gardes.



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3a - Le temps des gouverneurs



Fort-La-Latte--4--copie-1.jpgSi les seigneurs ne résidaient plus à La Roche-Goyon, ils en demeuraient les propriétaires. Par l'intermédiaire du gouverneur la vie militaire s'y perpétue et les hommes d'armes sont fournis parmi les petits seigneurs avoisinants. La garde est montée au château par des hommes des paroisses dépendant de la seigneurie, ils doivent même effectuer quelques réparations sur les murailles. La chapelle dédiée à Saint Michel, est desservie régulièrement. La vie suit son cours.

Au cours du XVe siècle, pendant que les Goyon, de leur fief normand, passent de l'Histoire de Bretagne à l'Histoire de France, leur demeure continue son oeuvre défensive. Peu de hauts faits militaires peuvent lui être imputés au cours de ce siècle. En 1490, l'amiral Anglais Willoughby tenta un débarquement sur la côte nord de la Bretagne, le château fut assiégé, ce siège bref ne lui causa pas trop de dommages.

Si la bataille de saint- Aubin du Cormier (1488) marque la fin de l'indépendance bretonne, officiellement, le sort de la Bretagne sera scellé à la France en 1532. Entre temps, Anne de Bretagne, aura épousé deux Rois de France, Charles VIII puis Louis XII. Le duché devient province.



3b - Au temps des guerres de religion



Fort-La-Latte--5-.jpgLe XVIe siècle fut un siècle de profondes mutations, troublé par les guerres de religion. Il est absolument indispensable de connaître le contexte pour comprendre ce qui s'est passé. Le Calvinisme s'est répandu dans toute la France, si la Bretagne ne peut être considérée comme terre huguenote, la réforme s'y répandit quand même dans le sillage de quelques grands seigneurs très influents. Cependant, comme dans le reste du territoire, la perspective d'un roi huguenot ne plaisait guère... Chacun sait que le ton monte avec le siècle et que les rois de France sont entourés de catholiques très zélés dont les Guise. En 1582, Philippe-Emmanuel de Lorraine, Duc de Mercoeur, devient Gouverneur de Bretagne. Mercour est le beau-frère d'Henri III, mais aussi l'époux de Marie du Luxembourg, héritière des droits des Penthièvre. Sous sa gouverne, la Bretagne va subir de nombreuses exactions... L'assassinat des Guise à Blois (1588) met l'étincelle aux poudres, les zélés le deviennent encore plus.

A l'avènement d'Henri de Navarre en 1589, les esprits sont échauffés... Mercoeur, en Bretagne, tente d'assouvir ses propres ambitions, la Bretagne est divisée en deux camps :

  • Le camp du roi, dit des Royaux comprenant quelques villes, quelques places fortes et quelques garnisons témoignant de leur fidélité à Henri IV
  • Les Ligueurs rassemblant les troupes de la Saint Union derrière le duc de Mercoeur, union composée de très zélés catholiques. Le duc de Mercoeur sera très suivi surtout au début des hostilités. Notons au passage que les ligueurs se feront aider par les Espagnols.
Le château dans les textes de l'époque a perdu son nom médiéval de La Roche-Goyon pour prendre celui de La Latte, nom du village voisin. Il était toujours la propriété des Goyon-Matignon, notamment celle de Jacques II de Matignon, Maréchal de France, homme qui a servi fidèlement cinq Rois : Henri II, François II, Charles IX, Henri III et Henri IV. Bel exemple de loyalisme ! On ne peut le soupçonner d'appartenir à la Religion Prétendue Réformée. Charles IX l'avait prié de rétablir la paix en Normandie ce qu'il fit. Jacques II était gouverneur de Guyenne quand son château breton subit de grands dommages.

Le gouverneur du château, René Léau de La Roche n'a pas hésité à abriter quelques huguenots. Dans une lettre datant du 4 juin 1590, Mercoeur remercie les habitants de Saint-Malo de l'avoir aidé à saisir par voie maritime un certain nombre de gentilhommes dont le marquis Gouyon de la Moussaye qui venant de jersey s'apprêtaient à se rendre au château de La Latte pour y être protégés. Dans ce même recueil de "Documents inédits sur la ligue en Bretagne", il est fait un inventaire des garnisons du parti du Roi en Bretagne, ce roi si contesté par les ligueurs, Henri de Navarre. Le Sieur de "Gouillon" au Château de La Latte bénéficie de cent soixante-dix écus pour trente hommes de pied soit le capitaine de Gouyon, un lieutenant, un sergent, deux caporaux et vingt cinq soldats. Le château était équipé pour la guerre....

En 1597, il subit un  assaut fatal des équipes de Mercoeur. Le lieutenant Saint Laurent avec un corps de deux milles hommes (Espagnols et Français) assiège et assaille le château. Hormis le donjon, le château est pillé, incendié en partie. La même année Jacques II de Matignon meurt. L'année suivante l'Édit de Nantes apaise progressivement les esprits.

C'est une page d'histoire qui se tourne pour le château. Curieusement, il est mentionné l'existence d'un gouverneur entre 1597 et 1689, ce qui suppose un minimum de vie militaire mais où logeaient les soldats chargés du guet ?



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4 - Le château médiéval est transformé



Louis XIV entreprit de nombreuses guerres ce qui l'obligea à moderniser son armée et à défendre les points stratégiques ou névralgiques. Bon nombre de places fortes furent confiées à Vauban.

Le château est en ruine, certes, mais il occupe une place stratégique de premier choix. Pour financer la guerre, Colbert a cette idée heureuse d'officialiser la guerre de course (poursuite des navires ennemis afin de s'emparer des contenus, ce sont les corsaire qui se chargent de cette besogne). Saint-Malo ne peut recevoir des navires trop à grand tirant d'eau et pour accéder à quai, il leur faut attendre la marée haute. La baie de la Fresnaye peut accueillir les navires, encore faut-il que les ennemis ne puissent les pourchasser.

Le château est aménagé pour les besoins de la cause. Entre 1689 et 1715, il fut transformé en fort de défense côtière. Il prend son visage actuel. Les vieilles murailles très endommagées pendant la ligue vont être consolidées et changer de destination. Plus de chemin de ronde, les petites maisons qui se trouvaient à l'intérieur de la place et qui étaient fort ruinées vont être comblées. Ce remblai est destiné à transformer les hautes murailles en batteries pour canons,  batteries dont le parapet mesure environ 1,50 m. Il a donc fallu amener de nombreuses charretées puisqu'on a relevé de deux étages le niveau à certains endroits, surtout sur la courtine est.

Le logis du gouverneur fut à son tour remanié, amputé au pignon nord de 4,80 m par rapport à la construction d'origine. En vis à vis, sans doute sur l'ancien chemin de ronde, accolé à la muraille, l'on édifia un petit corps de garde, construction sommaire très ruinée au début du XXe siècle.

Le premier pont-levis ne vit pas son châtelet reconstruit, sur le côté fut aménagé un petit bâtiment destiné à recevoir cinq chevaux d'après le plan définitif de Garengeau en 1716. Cette écurie sert aujourd'hui de garage...

La première avancée fut bien modifiée. Les murailles sont devenues batteries de canons. Quant au deuxième pont-levis, il fut transformé également car la partie du XIVe siècle n'est pas dans l'axe du pont...

Le donjon ne fut pas remanié hormis la construction d'un escalier pour y accéder. La poudre était entreposée au rez de chaussée à cette époque ce qui n'apparaît pas très pratique...

Les seules constructions neuves entre 1689 et 1715 sont :

  • la batterie basse, en fer à cheval, dont les canons pointaient vers le large
  • les petites guérites de pierres, une carrée, une ronde, très caractéristiques de l'architecture de l'époque de Vauban
  • le gros mur, écran pare-boulets
  • la chapelle, plus tardive, reconstruite en 1719, toujours dédiée à Saint Michel

Utilisant une structure existante, on peut supposer que l'Etat a réalisé des économies, mais cette transformation a sauvé aussi le château d'une ruine certaine en lui offrant une seconde vie militaire. C'est Garengeau qui en sera chargé, ce même ingénieur architecte militaire qui transforme Saint-Malo. Il est aussi à l'origine de quelques malouinières, ces belles et riches demeures dont s'enorgueillissaient les armateurs et les corsaires malouins.

Le seul regret que l'on puisse émettre est l'absence de plan de l'élévation antérieure, cela nous aurait rendu de précieux renseignements sur le château féodal. Le plan édifié après la restauration correspond au plan actuel.



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5a - Le château au XVIIIe siècle



Fort-La-Latte-Four-a-rougir-les-boulets.jpgLe premier commandant nommé en la place fut le Sieur de la Panouse, on était loin des Goyon-Matignon qui, de la Normandie à la cour, avaient poursuivi sans accroc leur ascension sociale. Le vieux fort dont ils étaient toujours propriétaires en l'an 1716, fut restauré aux frais de l'état. Tout le XVIIIe siècle fut occupé par des travaux incessants et l'état s'en plaint. On imagine sans peine que les canons qui vibraient devaient quelque peu ébranler les piles qui soutiennent le pont-levis. Les Goyon-Matignon furent par la suite consultés quant au choix du gouverneur qui, à cette époque, ne résidait pas sur place, lui préférant une demeure plus confortable. La milice des paroisses et les soldats gardes-côtes étaient réquisitionnés dans les villages avoisinants. Protection des bateaux, intervention en temps de guerre où l'effectif passait à environ cinquante hommes, canons pointés vers le large et la baie de la Fresnaye, le fort poursuivait sa carrière militaire. Les canons de la Corbière de Saint-Cast en vis à vis lui donnaient la réplique, le croisement des boulets interdisait à tout ennemi de s'aventurer plus avant dans la baie. "Nos" bateaux étaient protégés et l'ennemi n'avait plus qu'à rebrousser chemin. La célèbre bataille de Saint-Cast et il n'est fait mention en 1758 se déroula à quelques enclâblures de ses batteries et l'on pense que les soldats devaient être sur le pied de guerre. Le combat eut lieu sur la plage de Saint-Cast et il n'est fait mention du Fort La Latte dans aucun texte...




5b - 1715, une année particulière pour le château


Fort-La-Latte-Logis-du-gouverneur--1-.jpgPour les Français c'est une avant tout l'année de la mort de Louis XIV. Sur son rocher battu par les flots, le fort joue son rôle de vigie et de défense de la Fresnaye.

Un bâtiment contenant les cuisines, accolé à la tour d'angle sud s'effondra avec son terre-plein. En observant bien la tour, on voit les traces de son toit.

La même année, en octobre, François-Léonor de Matignon épouse Louise-Hippolyte Grimaldi, duchesse de Valentinois à condition de prendre les armes des Grimaldi sans y joindre les siennes. En quatre siècles, l'itinéraire pourrait s'intituler "D'un rocher à l'autre". Les princes de Monaco ont donc du sang Breton !

Toujours en cet an de grâce 1715, en novembre précisément, le fort reçut dans des conditions bien particulières un hôte de marque. Hôte qui n'apprécia pas l'hospitalité du lieu... Jacques Stuart, chevalier de Saint-Georges, prétendant à la couronne d'Angleterre vint y échouer un soir de tempête. Comme le vent ne cessait pas, il est contraint d'y séjourner et voici ce qu'il en relate : "Ce château était bien le plus triste endroit où jamais homme eut vécu, ni un morceau de bois pour préparer nos aliments, ni aucun objet de nécessité... Ainsi nous fûmes obligés de manger de l'orge, et un pain grossier avec ce qu'il fut possible d'obtenir des paysans en volaille, lait et oeufs".



5c - Le château pendant la période révolutionnaire


Fort-La-Latte-Logis-du-gouverneur--2-.jpgIl faudra attendre 1793 pour que le fort soit militairement occupé. D'après les rapports qui sont remis au Ministre de la guerre, le château n'est pas en bon état. On va donc parer au plus urgent. Les soldats sont recrutés parmi les citoyens de la garde nationale de Plévenon, Pléhérel, Plurien. Le Vaurouault fournira le bois et Bienassis matelas, bois de lit, couvertures et même chaînes de pont-levis (le Vaurouault était maison nationale et Bienassis bien d'immigré). Le citoyen Guillaume Droguet de Plévenon commandera le poste et lèvera une compagnie de soixante hommes. Les répartitions envisagées se font lentement et l'acheminement du matériel nécessaire aux guerriers en place tarde. On attend beaucoup et on bricole un peu : rebouchage au mastic des fentes des affûts de canon, peinture, petits travaux sur les plates-formes des batteries de canon... Les uniformes aussi se font attendre et certains soldats se lassent. D'élections en recrutements, la vie au château se poursuit, bien paisible malgré le dénuement dont se plaint sans cesse Droguet à ses superieurs hiérarchiques. On guette l'ennemi (Anglais, émigré et suspect) et on s'amuse aux dépens de Chouans retenus prisonniers au fort. Ceux-ci relaterons par la suite les "vexations inimaginables" dont la garnison du fort s'est rendue coupable : on place les rebelles devant un peloton d'exécution, on tire mais les fusils sont chargés à poudre...

Dans cette attente fiévreuse de grands événements, le fort s'est enrichi d'un four à rougir les boulets. En 1794, le Ministre de la Marine ordonne de construire sur les côtes de la Manche des fourneaux à réverbère (four à boulets).

Pendant les Cent Jours, le château fut pris par ruse par quelques jeunes royalistes malouins en mal d'action d'éclat, pour fort peu de temps. Ce fut le dernier épisode guerrier de son histoire.




6 - Le château au XIXe siècle




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En 1821, dans un Mémoire du Génie militaire pour l'arrondissement de Saint-Brieuc, il est répertorié sur la côte nord de la Bretagne toutes les batteries et toutes les anses pouvant servir de débarquement. Le rapport précise que le territoire en question n'a à redouter d'invasion qu'en temps de guerre avec les anglais. L'attaque de ces derniers devrait être précédée d'un débarquement. Dans ce même rapport, on peut lire un peu plus loin qu'une descente sérieuse de l'ennemi n'est ni bien possible, ni probable. Il y eut en garnison au cours de ce siècle un détachement du génie, tout laisse à penser qu'il ne devait pas être surmené...

Un rapport de 1852 se préoccupe beaucoup des zones de servitude du fort, un plan de délimitation est dressé. En 1856, se pose encore le même problème qui ne doit pas être résolu, en outre ce rapport dénonce les lenteurs administratives. Pas un seul instant, il n'est fait allusion à l'état des bâtiments et des fortifications.

En 1886, la compagnie se réduisit à un seul gardien. Le fort depuis un temps certain ne correspondait plus aux normes de la guerre ce qui explique sa désaffection. En 1890, il fut déclassé et l'administration des domaines fut chargée de le vendre "en toute tranquillité et sans aucune servitude". Cette vente suscita dans la région quelque émotion puisque nous possédons une réponse du 17 août 1892 provenant du "Secrétariat des commandements" de S.A.S le Prince de Monaco, adressée à Monsieur le Vicomte de Pontbriand résidant à Matignon (22). Ce dernier avait fait part le 28 juillet au prince de la vente du fief de ses ancêtres et avait exprimé le désir de voir la Roche-Goyon acquise par le Prince. La réponse étant fort courte, je me permets de la citer in extenso :

" En réponse à votre lettre du 28 juillet dernier adressée au Prince de Monaco, j'ai l'honneur de vous faire connaître que Son Altesse Sérénissime regrette vivement de ne pouvoir acheter l'ancien château de la Roche-Goyon et de le voir passer dans des mains indifférentes. Néanmoins le prince me charge de transmettre ses remerciements pour votre courtoise attention dans cette circonstance. Veuillez...".

Monsieur le duc de Feltre en fit l'acquisition le 10 août 1892, le château était alors en piètre état.


7 - Le XXe siècle : restauration et conservation



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Monsieur de la Ville Leroux l'acheta en 1914 au duc de Feltre mais ne le garda que très peu d'années. Entre 1892 et 1931 aucune restauration ne fut menée à terme. Le château fut classé Monument historique en 1925 et son propriétaire le vendit en 1931 à Monsieur et Madame Joüon des Longrais. Frédéric Joüon des Longrais (1892-1975) réalisait un vieux rêve d'enfant.

Entre 1932 et 1938, il le restaure avec l'aide des Monuments Historiques tout en utilisant la main-d'ouvre locale.

La première tranche de restauration concerna le logis du gouverneur. Comme il a été signalé précédemment, le pignon nord fut reculé de 4,80 m lorsque Garengeau entreprit la transformation du château en fort de défense côtière. A l'intérieur, à la même époque, le niveau avait été relevé de 1,10 m par rapport au niveau primitif. Celui-ci a pu être retrouvé grâce à la cheminée. Le sol de la fin du XVIIe siècle avait été posé sur les décombres de l'incendie de 1597. Ces décombres, poutres calcinées et débris divers, furent révélés lorsque l'on voulut redonner au bâtiment son niveau initial... Des ouvertures furent percées au rez de chaussée et au premier étage et les combles s'ornèrent de lucarnes. C'est la restauration la plus importante, elle est pratiquement achevée en 1935.

La deuxième tranche toucha dans tous les autres bâtiments remaniés sous Garengeau. La chapelle était à ciel ouvert, un toit d'ardoise de Commana ne tarda pas à la couvrir. L'édifice fut surmonté d'un clocheton tout semblable à ceux des chapelles avoisinantes (Vieux Bourg en Fréhel et Plurien). De vieux saints vinrent l'agrémenter.

Dans la première avancée, l'écurie est restaurée. Les chevaux-vapeurs des temps modernes peuvent se garer. L'ancien corps de garde, construction sommaire sans étage adossée à la muraille ancienne, est très ruiné. Monsieur Joüon des Longrais lui substitue en 1937 un bâtiment d'un étage en reconstruisant la façade sud et le pignon est. Il précise lui-même dans l'ouvrage très documenté qu'il a écrit sur le château que les plans furent "établis par Monsieur Prieur, architecte en chef des Monuments Historiques, et les travaux exécutés suivant les procédés anciens par des artisans du pays".

Le dégagement de la citerne a mis en évidence tout le système de canalisation ancien et a permis de mettre à jour, vers l'arrière un curieux pont-levis. Tout porte à croire qu'il est lié aux travaux de Garengeau sur la muraille nord-ouest. Son utilité paraît improbable, s'agit-il d'un leurre destiné à tromper l'ennemi ? En 1938, on peut dire que le Fort La Latte est sauvé.

Monsieur Joüon des Longrais fut nommé Directeur de la Maison Franco-japonaise en 1939. Compte tenu des événements, il y resta plus longtemps que prévu et lorsqu'il revint en 1947, le château avait subi quelques dommages. Dans une exhaustive que Madame Joüon des Longrais dressa alors, on peut constater que non seulement l'autel du XVIIIe siècle et les saints ornant la chapelle furent brûlés, mais tous les meubles meublants, tous les accessoires avait "disparu" selon son expression. Le logis du gouverneur avait été vidé de son contenu...L'occupant avait réquisitionné un certain nombre de couvertures et des prisonniers y firent un séjour pendant le rigoureux hiver 1942. Quoi d mieux pour se chauffer que le vieux bois ?

Désappointés, certes, ils le furent, cependant ils ne se découragèrent pas et poursuivirent l'ouvre entreprise. La demeure ancienne est très exposée, elle demande un entretien constant : rejointoiement des murailles, consolidation et constitution d'un environnement en plantant sur des terres agricoles en état d'abandon. Tache ingrate, sur cette presqu'île battue par les vents, arbustes et arbres poussent avec difficulté, il faut montrer beaucoup de patience et de persévérance. Leurs efforts furent couronnés de succès, un nombre croissant de touristes le visitent à partir des années soixante.

Depuis, un certain nombre de longs métrages, de feuilletons télévisés, voir de clips ont été tournés en ses murs :

  • Les vikings (1957)
  • Le jeu d'Elsenberg (1963)
  • Le vengeur (1975)
  • Dorothée, danseuse de corde (1983)
  • Le Gerfaut et le film "Chouans" de Philippe de Broca en 1987
  • Le jeu du roi (1988)

Depuis 1981, le château est dans les mains d'une nouvelle génération. Entretenir au mieux ce joyau féodal remanié à la Vauban, en préserver l'environnement afin de la transmettre en état aux générations futures, tels sont les devoirs que se sont imposés les propriétaires. Il faut du doigté, de la vigilance et surtout beaucoup d'amour.



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récit d'après Isabelle Joüon des Longrais




Pour voir plus de photos sur le fort, cliquez ici :

http://vivre-au-moyen-age.over-blog.com/album-1045341.html



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Jehanne - dans Patrimoine

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