A la campagne, on accouche dans la ferme ou au château. Chez les gens modestes, la mère de la parturiente, les voisines et une à deux matrones (les sages-femmes de
l'époque) assistent à la venue de l'enfant. On rit, on boit et les hommes n'ont pas le droit d'entrer dans la maison. Qu'il pleuve ou qu'il vente, le mari n'entre pas chez
lui.
Au château, des tapis et des tentures sont spécialement disposés dans la chambre. La mère, plusieurs matrones, des femmes domestiques, des cousines et des tantes viennent assister et soutenir la femme qui accouche. Un médecin est dans les parages, en cas de complications. Malheureusement, quand on a affaire à lui, c'est généralement pour constater un décès.
En ville, les femmes très pauvres accouchent à l'hôpital, en salle commune. A Paris, l'Hôtel-Dieu dispose d'une salle de vingt-quatre lits que l'on peut occuper à partir du 8e mois de la grossesse. Les femmes accouchent sous le regard des autres, dans des conditions d'intimité inexistante.
A la campagne, on délie tous les nœuds de la maison, et même, dans l'étable, les vaches sont détachées, pour éviter que le cordon ombilical ne s'enroule autour du cou du bébé.
La matrone renifle l'haleine de la parturiente. Si elle est bonne, l'accouchement sera facile ; mauvaise, il sera difficile. A l'époque, on considère qu'une femme battue accouche toujours difficilement. Un bain rempli de mauve, de camomille, de fenouil, de lin et d'orge détend la future mère. On lui fait boire de la poudre de matrice de lièvre mélangée à du vin, car cet animal accouche très rapidement. Puis, une fumigation entre les jambes lui relaxe les chairs.
Si l'accouchement s'annonce difficile, la parturiente fait le tour de la maison à pied, monte et descend les escaliers. Elle met du poivre ou de l'encens dans ses narines, afin de provoquer des éternuements puis des contractions.
Elle accouche adossée à une assistante de la matrone, qui la soutient sous les bras, ou accroupie dans son lit. La matrone s'enduit les mains d'huile de violette et de laurier. Elle entre ensuite sa main dans la femme pour aider à dilater son col. Si l'enfant se présente mal, elle le repousse et essaie de lui faire prendre la bonne position. En cas de naissance de jumeaux, on place un fil sur le poignet du premier pour les différencier.
La religion et la magie sont très présentes dans ces moments où la vie peut disparaître. Le fœtus, dès qu'il bouge, a une âme et est relié à Dieu. Sa vie est plus importante que celle de sa mère, considérée comme impure. Elle a forniqué, elle est donc souillée et ne retrouvera sa "pureté" qu'après les relevailles, un mois après la naissance. De toute façon, dans l'imaginaire populaire de l'époque, une femme qui a péché accouche d'un monstre, diable ou animal.
Pour un accouchement "facile", les curés louent des ceintures de sainte Marguerite, faites à base de racines de courge. Les futures mères peuvent aussi porter sur elle le "sachet accoucheur" de sainte Marguerite, du corail accroché à la cuisse droite et, pour les plus fortunées, un diamant dans la main. Henri V d'Angleterre loue même le "saint prépuce" pour les accouchements de sa femme Catherine de France.
On conseille aux femmes enceintes de retenir leur respiration puis de souffler, en association avec les contractions. L'enfant sort enfin, la matrone coupe le cordon à quatre doigts du nombril (pour les quatre saisons et les quatre âges de la vie). Puis, elle nettoie les glaires du bébé avec un mélange de rose pilée, de miel et de sel, pour resserrer la peau de l'enfant.
Elle doit faire sortir la secondine (le placenta) du corps de la mère avec les mains et si besoin, elle lui fait boire du jus de poireau avec du miel pour la faire vomir.
Si le périnée est déchiré, elle ramollit les chaires avec du beurre fondu puis fait trois ou quatre points de suture avec du fil de soie.
Pour éviter que des démons ne viennent, la sage-femme enterre ou brûle la secondine, et on lui fait cadeau du cordon ombilical qui, séché et réduit en poudre, peut être vendu comme philtre d'amour.
Après l'accouchement, si la maman est saine et sauve, elle a droit à un verre de vin, une volaille et son bouillon. Mais, au Moyen Age, on comptait tout de même 50 % de mortalité lors des accouchements !