La vision que l’on a du château de Sailhant reste presque irréelle. Accroché au sommet d’un piton volcanique
triangulaire, il domine de plus de trente mètres le petit village de Sailhant. Il surplombe une cascade de vingt mètres de haut qui se jette dans un lac rond situé dans un cratère volcanique.
Accessible que d’un côté, le château de Sailhant a toutes les apparences d’une forteresse imprenable et pourtant.
Le Sailhant se compose d’un corps de logis rectangulaire flanqué de sept tours et d’une enceinte. L’enceinte est
appuyée sur des contreforts et des arceaux. Au Sud on remarque une tour carrée. Dans le prolongement de la muraille, on voit une tour carrée au Nord-Est. Il possède un belvédère avec créneaux.
A l’angle Nord -Ouest du corps de logis se trouve une tour ronde avec chemin de Ronde en encorbellement sur mâchicoulis. Au centre de la façade principale, deux grosses tours rondes encadrent
une porte dépourvue de son pont-levis. Au Nord-Ouest une tour ronde flanque le château sur son angle extérieur. Elle possède aussi un chemin de Ronde en encorbellement sur mâchicoulis. Enfin
une échauguette à l’Ouest flanque l’angle intérieur de l’édifice.
On accède au château par une immense porte. Elle ouvre sur une cour intérieure plantée de tilleuls.
La famille du Sailhans, la première mentionnée dans les documents, a remplacé les abris en bois par une tour carrée
en pierres, indépendante et à plusieurs niveaux. Elle était séparée de la partie principale de l’éperon par un fossé à sec. A la fin du X siècle, de retour de Terre Sainte, le croisé Etienne
Sailhans consigna avec d’autres seigneurs, un acte pour la fondation d’un monastère à Indiciac, qui fut ensuite nommé Saint-Flour.
En 1285, par le mariage d’une fille de la famille du Sailhans avec Bertrand I de Rochefort d’Aurouze, le Sailhant
passa à cette famille. La même année, le seigneur de Sailhans souscrit un traité entre le vicomte de Murat et le comte de Rodez à St Flour. Au début du XIV siècle, le Sailhant était constitué
de hauts murs entourant une cour intérieure. Le vieux donjon à plusieurs niveaux renfermait une oubliette creusée dans le roc. Elle ne recevait le jour que par une ouverture de cinquante
centimètres carrés faite à la clé de voûte. La chapelle du château était à l’invocation de St-Fréval dont le corps y est déposé.
A l’avènement de la guerre de Cent Ans, on construisit deux tours du côté Nord. La construction de ces tours
peut-être datée grâce au type de meurtrières. Ces meurtrières étaient pour les arcs, plus tard on a ajouté les meurtrières pour les canons. Bien qu’il semble tout à fait imprenable, le Sailhant
fut pris plusieurs fois au cours de la guerre de Cent Ans.
En 1359, les Anglais ayant envahi l=Auvergne, ils s=emparèrent du château de Sailhant et le conservèrent plusieurs
années. Ils en furent chassés avant 1380, mais ils le prirent de nouveau après la mort du connétable Du Guesclin, alors que les pillards pouvaient exercer impunément leurs rapines et
destructions. Les Anglais y résidèrent encore pendant cinq ans. On l=évacua seulement après le paiement du patis.
En 1398, Béraud Dauphin I de Saint-Ilpize, devint sire de Sailhant. Béraud fut nommé seigneur de St-Ilpize,
Combronde, Auroze, et de Sailhant. Il alla avec ses deux fils, Béraud II et Robert, à la bataille d=Azincourt en 1415 où tous moururent. Passé d=un Dauphin à un autre, le Sailhant fut pris en
1436 par un brigand espagnol nommé Rodrigue de Villandrando. On le racheta en 1438.
La fenêtre Est du premier étage de la façade fut installée par les Dauphin, elle y est toujours. La porte principale
du château, construite en pierres de lave grise foncée, date aussi de cette époque. Au milieu du XIV siècle, un des Dauphin reconstruisit le donjon en remplaçant la structure antérieure. On
peut la dater grâce aux « archères-canonnières », qui étaient les ouvertures de tir les plus courantes au XV siècle. Le donjon, reconstruit, avait quelques niveaux de plus que la structure
actuelle. On trouve encore des cheminées aux deux étages et il y a encore les restes d’une latrine au quatrième étage.
La terre de Sailhant passa ensuite à Jacques d’Amboise en 1503. Antoinette d’Amboise la vendit à Anne Hénard, veuve
d’Antoine Dubourg, chancelier de France et tutrice de ses enfants. Le montant de la vente fut de 200 écus d’or et de 30 000 livres tournois, payés en vaisselle d’argent au prix de 14 livres et
6 deniers le marc. Son fils Charles-Antoine Dubourg lui succéda dans la baronnie de Sailhant, il épousa Nicole d’Endredieu. Les Dubourg, qui étaient protestants, ont maintenu une garnison dans
le château, ce qui provoqua la colère des autorités catholiques.
François de Montmorin, seigneur de St-Hérem, gouverneur de l’Auvergne pour le roi, chercha à s’emparer de Sailhant
que tenait Charles-Antoine et l’assiégea. Charles-Antoine était malade et alité. Sa femme Nicole soutint le siège avec énergie. Elle réussit même à blesser le gouverneur à la main. Irrité, le
gouverneur redoubla d’efforts puis fini par pénétrer dans la place. On se vit réduit à cacher Charles-Antoine dans un des fours. Malheureusement le four se trouvait être encore chaud. Le pauvre
homme mourut asphyxié. Cela fit dire que M de St-Hérem l’avait brûlé vif. Sa veuve fut conduite à la prison de St-Flour d’où elle obtint la liberté en 1567. Les Catholiques reprirent possession
du Sailhant en 1576.
En 1594, le château de Sailhant fut pris par M d’Enghien et le duc de Genevois. La mère de Jean de Lastic et
Christophe de Chavagnac le reprirent au moyen d’une pièce d’artillerie, glissée dans une canonnière de la tour Nord. Le capitaine Castel-Viel, qui défendait la place, fut tué pendant l’attaque.
Ces seigneurs le gardèrent quelque temps et l’abandonnèrent en emportant deux canons que le comte d’Apchier y avait fait placer.
Le fils de Charles-Antoine, Louis Dubourg, soldat intrépide qui combattit le chef des Catholiques de la région de
St-Flour, Jean de Lastic, épousa curieusement, le 21 juillet 1616, Jeanne, la soeur de Jean de Lastic et repris de ce fait le château de Sailhant.
Contrairement aux propriétaires antérieurs du Sailhant, la famille Dubourg utilisa le Sailhant en tant que résidence
principale. Ils ajoutèrent au donjon une tourelle avec son escalier à vis, ce qui le rendit encore plus habitable. Durant le dernier tiers du XVI siècle, les Dubourg ajoutèrent une aile entière
sur le coté Est de l’enceinte. Cette dernière fut détruite en 1830. Seule une portion du côté Nord et la cave demeurent. Il y a deux cheminées monumentales dans le château datent de l’époque
des Dubourg.
Au début du XVII siècle, la fille de Louis Dubourg et de Jeanne de Lastic, Catherine épousa Jacques d’Estaing et
ramena le Sailhant à un descendant de l’ancienne famille de Sailhans.
Bien qu’il possédât d’autres seigneuries, Sailhant fut le fief de Jacques d’Estaing et sa résidence principale. Le
fils de Jacques, Jean d’Estaing, épousa Claude-Marie de Terrail, fille de Jean de Comboursier. Lieutenant-général du roi en basse Auvergne, il lui apporta les seigneuries de Ravel et de
Moissac. Le château de Ravel devint la résidence principale de Jean d’Estaing. Ils louèrent le Sailhant à des fermiers et des marchands de St-Flour.
Au temps des fermiers de la famille d’Estaing, à la fin du XVII siècle, on a utilisé l’ancienne chambre du seigneur
sur le coté Est du premier étage pour stocker du grain pour les animaux qui étaient abrités juste au-dessous, au rez-de-chaussée. Dans la tradition des fermes Auvergnates, il y avait une
passerelle pour les charrettes, conduisant au premier étage. Les vestiges d’une voûte en demi-cercle d’une large porte sont visibles sur le mur extérieur du premier étage, avec des pavés situés
à la base de chaque jambage. Le côté Ouest de la résidence du seigneur resta comme espace résidentiel.
Au début du XVII siècle, on a démoli les deux niveaux supérieurs du donjon en on l’a transformé en pavillon. A la
même époque, les murailles ont été arasées.
A la fin du XVII et au début du XVIII siècle, Joachim-Joseph d’Estaing était évêque de St-Flour. La proximité du
Sailhant et de St-Flour conduisit l’évêque à utiliser le château de son frère en tant que maison de campagne. La présence au-dessus de la porte d’un écusson daté 1710 atteste de la restauration
faite par l’évêque.
La succession Estaing était criblée de dettes par le créditeur principal, le fameux écrivain, Voltaire. Les dettes
ont mené à une vente aux enchères en 1753. Elle fut adjugée par François-Jean Roger, écuyer, seigneur de Colombelle, conseiller financier et secrétaire du roi, notaire au Châtelet à
Paris.
La principale transformation au XVIII siècle fut l’ouverture des fenêtres sur la façade de la cour.
Etienne de Serre de St-Roman acheta le Sailhant en 1753. Le domaine resta dans la famille de Serre de St-Roman
jusqu’en 1789. Après la révolution, le bailleur Jean-Baptiste Rongier, acheta le château et une partie des terres. Le Sailhant était en mauvais état, il n’offrait que peu de confort et n’avait
pas souffert de destructions directes durant la révolution. Quand Rongier mourut en 1816, sa famille le vendit à Pierre Laurier, un fermier résidant près de Sailhant. En 1881, les Laurier
vendirent la propriété à Hippolyte-Mary Raynaud.
Né de parent fermier en 1844 au pied du château, Hippolyte-Mary Raynaud fut un aventurier ayant de grandes ambitions.
En 1873, il fonda une banque à Paris nommée : Banque d’Etat. Il acheta une maison sur l’avenue du Bois de Boulogne et épousa une actrice du Palais Royal.
En 1888, Raynaud fut l’heureux élu à la direction locale et commença une restauration spectaculaire. Mais en 1890, sa
faillite fut découverte et Raynaud fut violemment attaqué par la presse. En 1891, les travaux du Sailhant furent suspendus et le château fut vendu aux enchères à sa propre femme. En 1896,
Raynaud semblait avoir surmonté ses difficultés. Il ouvra une nouvelle banque à Paris nommée Crédit International, mais au début de l’année 1904 cette banque fit faillite. Raynaud s’enfuit en
Angleterre et y mourut vers 1920.
Les travaux de Raynaud comprennent l’addition des deux tours du côté de la façade Nord. L’une à l’Est de l’entrée,
réplique de tour médiévale et l’autre à l’extrémité Ouest de l’entrée. En même temps Raynaud surhaussa les deux grosses tours médiévales de la façade Nord au-dessus du toit afin que les quatre
tours aient toutes la même hauteur.
Le redan du XVI siècle entre le corps de logis et l’aile en retour d’équerre qui a disparu fut rehaussé pour avoir
l’allure d’une tour carrée couronnée d’un belvédère à créneaux. Raynaud ajouta aussi à la demeure seigneuriale quatre baies pour donner une certaine unité au bâtiment derrière le mur Nord. A
l’intérieur, Raynaud ajouta des salles de bain, une cuisine, et subdivisa de nouveau la grande salle du premier étage en trois chambres à coucher avec des plafonds bas. Une chapelle fut
construite à l’extrémité Ouest du rez-de-chaussée.
Les intérieurs furent peints. On recouvra les murs de papiers peint et l’on meubla le château dans le style le plus
populaire de la fin du XIX siècle.
Lors de la vente aux enchères du château de Sailhant en 1904, le Docteur Paul Delbet remporta la vente. Le Docteur
Delbet était un parisien dont la famille était originaire de Joursac près de Neussargues. Il eut quatre enfants et mourut en 1924. Sa veuve, Antoinette, épousa le comte Claret de Fleurieu qui
décéda en 1945. Antoinette mourut en 1961.
L’unique fils de Paul Delbet hérita du château et décéda en 1996.
Durant le XX siècle, les Delbet portèrent les dernières touches au château. Ils gardèrent la plupart des décorations
intérieures et des meubles du XIX siècle.
En 1997, Joseph Pell Lombardi acheta le château de Sailhant. Il a passé 2 années à faire des recherches sur
l’histoire de la construction du château, suivi par cinq années de travaux de restauration qui ont été terminées en 2004.