Le roman de Renart.
Le Roman de Renart est un recueil de récits médiévaux français des XIIe et XIIIe siècles ayant pour héros des animaux agissant comme des humains.
Contexte.
Dès le XIIe siècle, la bourgeoisie a sa propre littérature, véritable satire sociale avant la lettre. Elle est par
essence malicieuse, pittoresque, parfois grivoise ou, à l'inverse, morale mais le plus souvent réaliste. Il nous en reste essentiellement des fabliaux (Estula - Le lévrier et le serpent - La
Farce de Maître Pathelin - Moniage Guillaume - La Mort Artu : Anonyme du XIIIe siècle…) et surtout le Roman de Renart.
C'est une œuvre composée de courts récits indépendants, quelquefois en prose, le plus souvent en vers octosyllabiques. Écrit en français, langue romane d'où le nom roman, il en existe 27 branches
rédigées, au cours des temps, par des auteurs différents. Il met en scène des animaux dont les deux principaux : le loup « Ysengrin » et surtout le goupil « Renart », le si célèbre héros. Le
Roi-lion, lui, sert d'arbitre. Le récit contient 80 000 vers, à rimes plates pour favoriser la citation de ces récits (ils étaient racontés, sous diverses formes, par les jongleurs à la
population, très peu de gens sachant lire et écrire au Moyen Âge).
Interprétations.
Ces textes satiriques ont des fonctions diverses :
- de critique sociale des classes dominantes, incapables de nourrir les petites gens ; de parodie des chansons de geste et romans courtois, mêlée d'anticléricalisme ;
- psychologiques (voire cathartiques) : transgression de tabous religieux (Dieu est absent et les formes sociales de la religion - pèlerinage, croisade et simplement clergé - sont méprisés et
ridiculisés) alors que l'antagonisme central entre Renart et Ysengrin fait appel à la scène primitive (le viol de la louve).
Ces textes ont inspiré certains auteurs contemporains comme Carl Gustav Jung, dans la création de son concept d'Enfant intérieur et Paul Radin, dans son étude du Trickster. Ces auteurs furent
interpelés par la figure de Till l'espiègle ou celle du renard dans Le Roman de Renart, entre autres, comme modèles de ce qu'ils nommaient le "fripon divin" : un être espiègle, malicieux et
facétieux.
Seulement, Renart dénonce (la faim, la violence, la bêtise...) mais ne propose rien.
Les œuvres les plus tardives (Renart le Bestourné (à l'envers) de Rutebeuf, ou l'anonyme Renart le Contrefait, (1319-1342) accentuent encore la satire.
Selon certaines interprétations, Renart représenterait le petit peuple, toujours prêt à mille « jongleries » pour survivre ; Ysengrin : la bourgeoisie, lourde et patentée ; Grimbert, le blaireau
: le clergé et Brun, l'ours : la noblesse. Mais dans le texte, tous les personnages sont explicitement présentés comme appartenant à la noblesse. Renart est un chevalier qui vit dans son château
de Maupertuis et est le premier à se moquer des vilains et à vivre à leurs dépens en les ridiculisant voire en n'hésitant pas à les tuer.
Pour d'autres interprètes (qui semblent aller encore plus loin), le roman serait une représentation de la cellule familiale primaire. Goupil serait la femme, un peu rusée, un peu sorcière et le
loup, l'éternel mari, fort et brutal, toujours prêt à profiter de ses avantages naturels mais finalement toujours berné. Une famille dont le patriarche, serait le lion ; le corbeau, la belle-mère
; l'ours : le beau-père, etc. D'ailleurs, ces rôles « traditionnels », se retrouvent, quasiment à l'identique, dans plusieurs autres cultures européennes (Finlande, Suède, Roumanie, Russie), ou
même orientales (Chine, Inuits, Mongolie...).
Les frères Grimm y voient une « épopée animalière (Thiersage) venue de Germanie via Tacite. Ce qui lui confèrerait des racines indo-européennes ».
Alors, les auteurs du Roman seraient-ils, des peintres animaliers ? Non, peu leur chaut ; le monde des animaux, miroir du monde humain, sert avant tout à critiquer celui-ci. Les auteurs se
moquent de tout, des chevaliers aux pèlerins, de la justice aux courtisans, montrant partout l'hypocrisie. Successeur d'Ésope, il préfigure les fables de Jean de La Fontaine.
Et si en fin de compte, Renart, dans ce cycle interminable, avait créé un autre univers : le sien ?
Bref, ces récits sont si riches que chacun peut y trouver ce qu'il y cherche. De toute façon, c'est presque toujours Renart qui gagne.
Origines
Origine des noms.
Renard (ou Renart) est un nom de personne d'origine germanique : Raginhard (ragin = conseil + hard = dur). Ne l'oublions pas, le substantif renard est au départ un
prénom ; c'est la popularité du goupil prénommé Renart qui en a peu à peu fait un substantif.
Dérivés : Raynard, porté notamment en Vendée, Puy-de-Dôme et en région lyonnaise.
Variantes : Raynart, Rainart (06), Rainard (79, 86). Regnard, porté notamment dans l'Yonne et la Somme ; c'est un nom de personne d'origine germanique identique à Renard.
Variantes : Regnart (51, 80) ; Réginard, Reynard, porté dans la région lyonnaise et le Vaucluse.
Dans le poème de Nivard de 1148, plusieurs animaux retrouvent un nom fixé, de longue date, par la tradition. Ce sont : Reinardus le goupil, Balduinus l’âne, Bruno l’ours. Le nom des autres
animaux ne reparaissent plus... inventés pour la circonstance, ils disparaîtront avec leur auteur.
En Allemagne, de nos jours, Reinhart est un patronyme assez courant. D'ailleurs, nous retrouvons dans le « Glichezâre » : Reinhart pour Renart, Dieprecht pour Tibert, Diezelin pour Ticelin. Par
de singuliers échanges, ces termes d'origine mérovingienne (donc germanique) paraissent avoir ensuite été latinisés puis récupérés par le français, avant, d'être de nouveau germanisés puis enfin
définitivement refrancisés.
Ainsi goupil vient du latin Vulpes mais les Francs lui préfèrent le terme mérovingien Reinhardt qui sera une première fois francisé en Reynard (ou Reynart), repris en allemand tel quel, latinisé
en Reinardus puis en Renardus avant d'être définitivement refrancisé en Renard ou Renart. Il faut l'avouer, c'est assez complexe et on pourrait facilement y perdre son latin.
Quant à Ysengrin, Ysen-grin, il signifie en flamand « féroce comme le fer » ou « casque de fer ».
Origine des textes.
Roman de Renart ; enluminure de manuscritCes textes sont issus d'une longue tradition de récits animaliers en latin, notamment :
L'Ysengrimus, ainsi que des fables ésopiques regroupées au Moyen Âge dans des recueils nommés « Isopets ».
Elle peut se retrouver dans :
des contes populaires, sans doute très anciens pour quelques-uns
des auteurs latins (Ésope)
des poèmes en bas-latin, surtout :
La Disciplina clericalis, recueil « d'exempla » (petits contes moraux) d'origine orientale composée en latin vers 1110 par Pierre Alphonse, médecin sépharade converti au christianisme. On y
trouve des récits promis à un succès durable dans la littérature européenne comme la première élaboration connue du « Conte du loup et du renard dans le puits » (branche IV du Roman) ou des
récits fournissant l'intrigue d'autres fabliaux célèbres.
l'Ysengrimus : 6 500 vers en distiques latins, où l'on trouve pour la première fois, le personnage de Reinardus) du clerc flamand Nivard de Gand qu'il écrivit en 1148-1149 sous le titre premier
de « Renardus vulpes ».
dans les récits de Marie de France, parus en 1152.
Attention : le Roman de Renart n'est pas un roman à proprement parler, mais un ensemble disparate de récits en octosyllabes de diverses longueurs, appelés dès le Moyen Âge « branches » ; on en
dénombre 25 à 27 de 300 à 3 000 vers, soit quelques 25 000 vers. La branche I, la plus ancienne (v. 1170) est attribuée à Pierre de Saint-Cloud. Dès le XIIIe siècle, les branches sont regroupées
en recueils, apportant une certaine unité.
Si le texte original en français s'est perdu, on en retrouve une première traduction en allemand en 1170, en Alsace, un trouvère nommé Heinrich der Glichezâre » (Henri l’Hypocrite) produisit un «
Reinhart Fuchs » qu'il jurait autobiographique. Vers 1250, paraît « Reinaert de Vos », en flamand, composé en deux parties par deux auteurs différents, dont le premier, le trouvère Willem, qui
travaillait en Flandre Orientale, était un poète au talent reconnu.
Les textes .
On peut lire plusieurs aventures époustouflantes avec des personnages répétitifs. Dans ce livre, les textes sont
écrits en roman (vieux français). Quelques expressions sont parfois dures à comprendre surtout pour les plus jeunes. Ces textes nous éclairent sur le Moyen Âge, la famine et tous les problèmes
que l'on peut y trouver.
Les auteurs identifiés
L'un des premiers auteurs connus en est Pierre de Saint-Cloud, érudit, qui fit paraître dans la première moitié du XIIe siècle Les enfances Renart (L'enfance de Renard - Branche II). Tel quel, ce
texte de près de 1100 vers est assez difficile à lire, en voici cependant un court extrait :
"Seigneurs, oï avez maint conte
Que maint conteres vos aconte,
Conment Paris ravi Helayne,
Les maux qu'il en ot et la paine, 4
De Tristram qui La Chievre fist,
Qui assez belement en dist
Et fables et chançons de geste,
Romanz de lui et de sa geste," 8.
Richard de Lison, est le second auteur clairement identifié.
Mais il y a 28 autres auteurs non-identifiés.
Les branches .
Elles ont varié au gré des rééditions.
Branche I ; Si conme Renart manja le poisson aus charretiers, (Comment Renard mangea le poisson des charretiers), Jugement de Renart. Siège de Malpertuis. Renart Teinturier.
Branche II ; Les enfaces Renart, (L'enfance de Renard) de Pierre de Saint-Cloud.
Branche III ; Si conme Renart fist Ysangrin moine, (Comment Renard fit Ysangrin moine).
Branches IV-VI ; le Puits. Chanteclerc. la Mésange. Tibert. les deux prêtres, les Béliers, la Femme du vilain.
Branches VII-IX ; Renart et le corbeau. le Viol d'Hersent. L'éconduit (l'escondit). le Duel de Renart et d'Isangrin. le Pèlerinage de Renart.
Branches X-XI ; Liétard. Renart et la mort de Brun. les Vêpres de Tibert.
Branches XII-XVII ; les Poissons dérobés. Moniage d'Isengrin et la pêche au seau. le Labourage en commun et la collaboration de Renart à l'œuvre du Roi Connin. la Confession de Renart. Isengrin
et le prêtre Martin. Isengrin et la Jument. le Bacon enlevé.
Branches XVIII-XIX ; la Mort de Renart. Le Partage du lion. Renart médecin.
Branche XX ; Renart empereur.
Branche XXIV ; La naissance de Renart (seconde version): "Lorsque Dieu eut chasser Adam et Eve du Paradis terrestre, il leur remit une baguette magique. Il leur suffisait d'en frapper la mer pour
qu'apparaisse aussitôt un animal, Adam fit sortir de la sorte toutes les bêtes utiles à l'homme, tandis qu'Eve peuplait la Terre d'animaux cruels et sauvages. C'est ainsi que naquit
Renart..."
Les personnages .
RenartRenart : le goupil espiègle, personnage principal de ces récits. Complexe et polymorphe, (allant du bon diable redresseur de torts tel Zorro (renard en espagnol), au démon lubrique et
débauché) il incarne la ruse intelligente liée à l'art de la belle parole.
Ysengrin : le loup bête et cruel, éternel ennemi de Renart, toujours dupé. Son épouse Dame Hersent la louve, fut jadis « violée » par Renart ; d'où une éternelle rancœur.
Primaut, le damp loup
Noble, le lion : roi
Dame Fière, la lionne
Beaucent, le sanglier
Belin, le bélier :
Baudoin (ou Bokart), l'âne : secrétaire du roi.
Brun (ou Bruno ou Bruin), l'ours (d'après la couleur de sa robe, ou d'après un nom germanique traditionnel)
Chantecler, le coq : il fut emporté par Renart, mais s'en tira sain et sauf.
Chanteclin, le coq : il est le père de Chantecler.
Couard, le lièvre
Eme, le singe : époux de Dame Rukenawe, la guenon
Grimbert, le blaireau : défenseur et cousin de Renart.
Grymbart, la renarde : sœur de Renart.
Hermeline, la renarde : épouse de Renard qui eut quelques démêlées avec Hersent.
Hersent, la louve : épouse d'Ysengrin qui invita Renart à coucher avec elle, un jour ou il vint la voir en l'absence de son époux.
Tibert, le chat : il se fit malgré lui piéger par Renart.
Ticelin, le corbeau : il déroba un fromage à la fenêtre d'une maison de campagne et se le fit voler par Renart.
Blanche, l'hermine
Brichemer, le cerf : sénéchal
Bernard, l'âne
Corbant, le freux
Sharpebek : épouse de Corbant.
Coupée, la geline
Courtois, petit chien
Drouin, le moineau
Hubert, l'escoufle (milan, rapace propre aux régions chaudes et tempérées)
Firapel, le léopard
Jacquet, l'écureuil
Dame Mésange, la mésange dont le fils a Renart pour parrain
Musart, le chameau : légat du Pape
Ordegale, femme castor
Pantecroet, la loutre
Percehaie, Malbranche, et Renardel : Fils de Renard et d'Hermeline
Roonel, le mâtin (gros chien)
Dame Rukenawe, la guenon : épouse d'Eme, le singe.
Tardif, le limaçon
Vader de Lantfert : fils de Dame Pogge de Chafporte et de Macob.
Rohart le corbeau :
Rousse la poule
Recentrer le Roman dans l'histoire .
Selon l'érudit Lucien Foulet, sa composition s’échelonne de 1174 à 1250. Vingt-huit auteurs indépendants y ont collaboré, dont
seulement deux ont tenu à nous transmettre leur nom. Ces écrivains ont réalisé une œuvre maîtresse, et à succès.
Rutebeuf écrivit un Renart le bestourné, et Jacquemart Giélée de Lille, un Renart le Nouvel. Le Couronnement de Renart (anonyme) date de la seconde moitié du XIIIe siècle. Maurice Delbouille dans
Lettres françaises de Belgique (dirigé par Charlier et Hanse) identifie son auteur par sa langue, "marquée fortement de particularités dialectales picardes et wallonnes", à un clerc vivant à la
Cour du Comte de Namur. Le Couronnement de Renart par l'âpreté de son ton, la violence de ses mises en cause, paraît comme détaché du Roman de Renart proprement dit bien qu'il lui doive
beaucoup.
Au XIVe siècle, on réécrit deux fois Renart le Contrefait ; la première est l’œuvre d’un commerçant en épices ; la seconde, véritable somme ne compte pas moins de 40 000 vers (produits entre 1319
et 1342).
En 2004, 4 fabliaux renardins ont encore été produits.
Donc 9 siècles après sa naissance, Renart le malin vit toujours, tout au moins dans les livres (et dans les cœurs).
sources : Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.