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20 novembre 2013 3 20 /11 /novembre /2013 13:57
Le Bourreau au Moyen âge.

Le Bourreau au Moyen âge.

 

Sous l'antiquité le métier de bourreau n'existe pas: le fait de mettre à mort n'est pas réservé exclusivement à un individu dont ce serait la fonction principale. Le système juridique hébraïque pose que l'exécution est le fait de la collectivité, les membres du groupe ne sont pas seulement spectateurs, mais acteurs de la bonne application du châtiment, tandis que le droit grec laisse le chef de famille lésé s'en charger lui-même et le châtiment n'est pas public, il se déroule dans l'enceinte de la maison.(cf de l'exécution capitale à travers les civilisations et les ãges, Gilbert J.)

Rome connaissait la mise à mort sans bourreau apparent, avec les jeux du cirque et les fauves.


La naissance du bourreau médiéval est alors prise dans un double mouvement. D'un côté il est le représentant de l'Etat, quand celui-ci délèguera les décisions de justice, et de l'autre, il demeure une émanation du peuple au nom duquel il applique le châtiment, héritier unique de l'ancien peuple assemblé. Le peuple participe activement aussi, en apportant des bûches quand le bûcher est installé à cet effet sans échafaud, au ras du sol et dans la promenade infamante durant laquelle le condamné est conduit à travers les rues.

En France l'institutionnalisation tarde et longtemps le bourreau est choisi occasionnellement parmi les membres du groupe. Dans le nord de la France on confiait l'exécution au maïeur (le maire), en Allemagne au dernier arrivé dans la ville ou au dernier marié.Mais le bourreau que le sort désignait n'exerçait son office qu'une seule fois. (cf le Métier de bourreau de J.Delarue).

Parfois un condamné était grâcié à condition qu'il accepte d'être bourreau. Ce chantage fut légiféré en 1620 à Bordeaux.Il restait à demeure dans la géôle, on lui coupait les oreilles et il avait obligation de porter des gants.


Mais au Moyen Age, dès le XIVe siècle, le métier de bourreau se professionnalise. La professionnalisation procède à la fois d'un mouvement

historique et d'une nécessité. Le mouvement historique est celui qui conduit à une monopolisation de la violence légitime par l'Etat. Ce monopole interdit à la population mais aussi aux juges, de procéder à
l'exécution. Celle-ci devient une prérogative de la puissance publique. La nécessité est celle qui oblige à désigner un professionnel à l'époque où
les difficultés techniques de l'application du talion imposent le recours à un spécialiste. (cf le Pouvoir, les Juges et les Bourreaux, de J.Imbert et G: Levasseur).

 

Rapidement la charge de bourreau devient héréditaire. Elle se transmet de père en fils, ou d'oncles à neuveux. Il existe ainsi de véritable dynasties de bourreaux. Ainsi en Normandie, un membre de la famille Jouenne était bourreau à Caudebec en 1202 et son descendant, six siècle plus tard, Charles Jouenne était bourreau dans le Pas-De-Calais. Cette transmission de la charge de bourreau tient à son statut particulier: le boureau était
marginalisé et ses enfants exclus de l'enseignement ou de l'apprentissage et donc ne pouvaient pas excercer d'autres métiers.

 

Pour comprendre la relégation du bourreau au ban de la société, il faut se référer à l'adage de la doctrine canonique enseignée et transmise « Ecclesia abhorret a sanguine ». On a souvent traduit cet adage par « l'Eglise déteste faire couler le sang ».
Mais l'image pieuse se brouille en raison de l'extension dans l'Europe chrétienne, de la légitime défense et des exonérations d'intention coupable. L'Eglise, en relation étroite avec les pouvoirs
laïques, met en place des tribunaux d'exception où la mort et le sang sont « justement »
versés. L'Eglise encourage les chrétiens a verser le sang des infidèles (maures ou juifs) ou d'autres chrétiens, sur l'ordre des détenteurs du pouvoir temporel, du pouvoir du glaive des rois et des principautés très chrétiennes. Et ce jusqu'à nos jours quand il s'agissait de bénir les chars franquistes ou d'organiser la fuite des criminels de guerre nazis.

Ainsi donc il ne faut pas se satisfaire de cette traduction pieuse et
restrictive de l'adage « Ecclesia abhorret a sanguine » mais le traduire lato sensu par « L'Eglise hait le sang qui coule ».


Pour l'Eglise l'écoulement du sang comme du sperme a un statut d'effusion polluante. Les menstrues et autres hémorragies sont polluantes. Le statut de la femme dans l'Eglise en est totalement affecté. Leur impurté potentielle naturelle l'éloigne du Sacré. Encore de nos jours les femmes considérées comme impures ne peuvent accéder aux fonctions ecclésiales.
Il ne faut donc pas réduire soigneusement la traduction de l'adage
« Ecclesia abhorret a sanguine » à l'effusion de sang homicide.

Le soldat qui tue sur ordre n'est pas homicide. Le chrétien militaire jouit d'un statut exonérant car sa hiérarchie l'a constitué légitime défenseur de la Cité.

Mais le bourreau, mais aussi le boucher, (d'ailleurs dans certaines villes, en l'absence de bourreau, le boucher devait officier) sont contaminés par le sang et le toucher de la mort. Bouchers et bourreaux sont parias, exclus de la société médiévale. Ils ne peuvent accéder à la cléricature, toucher
les denrées alimentaire sur les marchers avec leurs mains, et le bourreau ne peut pas être enterré dans un sol consacré.


De plus le bourreau tue et son office ne l'exonère pas complètement du sang des autres. Il est le bouc émissaire de l'office royal et de fait privé de sacrement, il est exclu du salut et de la communauté civile.
(cf« le sang du corps du droit canon »de M.Bordeaux)

 

Dès le XVe siècle, le bourreau marqué de l'opprobe sociale doit porter un signe distinctif de sa fonction. Comme les juifs portaient la rouelle (l'ancêtre de l'étoile imposée par les nazis), ou un anneau fixé au corps, le bourreau devait demeurer identifiable, par une main tenant une épée, brodée sur sa manche, ou alors échelle et potence de tissu cousue sur son chapeau. A Dijon, en 1551, une lettre du procureur rappelle au bourreau qu'il doit en tout lieu porter son bâton, peinturé et d'un pied et demi de long sous peine d'une amende de trois livres cinq sols.

Mais le signe le plus distinctif concernait la couleur de ses vêtements.Il
devait porter une casaque ou un chapeau de couleur rouge. (cf Histoire de Bourreaux, de L.Lanvin).

Dans l'art du Moyen Age un certain nombre de traîtres, de fellons et de rebelles sont souvent roux (Caïn, Ganelon, Mordret etc...). Ainsi les fils révoltés contre leur père, les usurpateurs, les femmes adultères, ainsi tous ceux qui, dans les hagiographies et les traditions sociales, se livrent à une activité déshonnête ou illicite: bourreaux, prostituées, usuriers, jongleurs, bouffons. Etre roux constitue un de leurs caractères iconographiques ou déictique les plus remarquables.

La rousseur dans l'image rejoint les marques et les insignes vestimentaires de couleur rouge ou jaune que ces catégories sociales ont réellement du porter, à partir du XIIIe siècle. Si depuis l'antiquité être roux c'est être cruel, sangland, laid, inférieur, au Moyen Age cela devient surtout être faux, rusé, déloyal, perfide.

En Allemagne, au Moyen Age, Judas, apôtre félon, a le surnom de Iskariot (l'homme de Cairoth) de « ist gar rot » c'est-à-dire « est tout rouge ».

(cf une Histoire Symbolique du Moyen Age, de Michel Pastoureau)

 

  • Salaire et prérogatives du bourreau
    A titre d'exemple, voici le détail des salaires et avantages du bourreau à Amiens:
  • fustiger une personne sur la courtine 15 sols
  • pendre et étrangler 60 sols
  • couper un poing 40 sols
  • trancher la langue 40 sols
  • trancher le tête 1 écu et 20 sols
  • rompre sur la roue 1 écu et 40 sols
  • bouillir une personne en eau vive 1 écu et 20 sols

 

Plus 60 écus par an, 5 aunes de drap pour sa robe. Un logement. Un
septier de blé à Noël et un autre à Pâques.



Dans toutes les villes le bourreau avait aussi le droit de havée: à
l'arrivée des marchands sur la place du marcher (entourée de chaines à cet effet, à Orléans), le bourreau avait le droit de prélever une quantité de denrées que sa main contenait. Plus tard on utilisait une balance pour éviter les abus. Et ensuite le droit de Havage fut remplcé par un dédommagement de 1200 livres.

En 1372 un arrêt énonce les droits du bourrel de Paris « toute personne qui amèneront foin nouveau aux halles lui doivent chacune personne un denier, item les verjus de raisin. »


Au XIIIe le bourreau était « roi des ribauds » (officiers mineurs de la maison du roi) et pouvait prélever de l'argent aux prostituées.

Dans l'Est de la France il est aussi équarisseur et bénéficie du privilège de riflerie (conserver la peau des animaux morts).


Il s'appropriait les vêtements et contenus des poches des condamnés.

Il louait des bonnes places aux curieux qui se pressaient.

Il revendait le sang, les os et autres organes pour les préparations médicales.

Exempté de droits sur le vin,de gabelle,et des redevences de mouture au
moulin banal.

 

Le bourreau détient le droit et le devoir de torturer et de tuer.
Une peine, pour être un supplice doit répondre à trois critères principaux:


 


  • Elle doit produire une certaine quantité de souffrance (de la
    décapitation, degré-zéro du supplice, jusqu'à l'écartellement)
  • La production de souffrance est réglée, avec un code juridique de la douleur, la peine est calculée selon des règles détaillées( nombre de coups, emplacement des instruments, longueur de l'agonie, type de mutilation).
  • Le supplice fait parti d'un rituel. Il doit être marquant pour la
    victime de manière à la rendre infame, et il doit être éclatant pour la justice, pour montrer son triomphe.

Le cheminement vers le lieu d'exécution et l'exécution elle-même sont l'objet d'une cérémonie dont tous les moments ont un sens. La rue qui conduit au supplice est, dans chaque ville, toujours la même et elle doit êtres peuplée par un abondant public: le cortège passe donc de jour, à une heure d'activité, si possible un jour de marché. Le foule peut être sollicitée lors des arrêts du cortège, en général aux carrefours, pour insulter le condamné ou lui jeter des pierres ou de la boue. Le condamné est mis dans la charrette d'infamie.
« Battez fort ce paillart et ne l'épargnez point, car il a bien desservi! » crie encore le public sous le règne de Louis XI.

Au moment de l'exécution, un responsable de la justice crie l'acte d'accusation, le dictum, au peuple qui l'écoute. Puis le bourreau fait son office.


Les gestent et les cris qui scandent ces cérémonies ont un sens symbolique. La peine doit prendre valeur d'exemple et le pouvoir affirme ainsi sa force. Il manifeste aux yeux de tous qu'il peut être pouvoir de mort. La présence de la foule est nécessaire à l'accomplissement de la peine.Tout concourt à construire l'infamie du condamné dont l'honneur doit être bafoué pour qu'il y ait mise à mort. La présence du public garantit l'efficacité de la honte et le souvenir de la peine.

Exclure est un acte grave, contre nature, et pour le mener à bien, il faut encore l'accord de tous.

 

 

 

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Jehanne - dans La Justice
23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 23:14

Le pilori.

 

 

 

 

pilori.jpg

 

 

 

 

 

Le pilori est le dispositif destiné à exposer un condamné, réalisant ainsi une peine d’exposition publique. L’exposition publique est une peine afflictive et infamante, plus grave que le blâme et l’amende honorable, mais moins que le fouet, la mutilation, les galères, le bannissement et la question  .

 

Il était un droit seigneurial, parfois un simple poteau que le seigneur faisait planter sur la place du village pour signifier qu'il avait le droit de justice sur ce fief.

 

Il pouvait prendre diverses formes : simple poteau de bois ou colonne de pierre. Il comporte parfois aussi une structure en lanterne pouvant contenir un homme plus ou moins debout. Une forme plus simple du pilori était le carcan ou cangue en Extrême-Orient, planche percée de trois trous où on coinçait la tête et les deux mains du supplicié de manière à pouvoir le promener. On employait habituellement des chevaux, mais dans le cadre d'une torture judiciaire, on utilisait des palans, qui permettaient de doser la tension exercée sur les membres et de faire durer le supplice.

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Jehanne - dans La Justice
27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 14:31
Le géôlier médiéval.







Le geôlier responsable de la bonne marche d'une prison veille d'abord à ce que les prisonniers qui lui sont confiés ne s'évadent pas. À cette fin, il place les plus dangereux dans des cachots sécuritaires, puis il enchaîne les autres. Les peines d'incarcération sont d'ordinaire très courtes : quelques jours ou quelques mois ; l'emprisonnement à vie équivaut à une condamnation à mort, tellement est pénible la vie dans les prisons. Les autorités demandent au geôlier de traiter « doucement et humainement » les prisonniers : ne pas les maltraiter physiquement en leur infligeant des coups ou des blessures, ni moralement en les humiliant de quelque façon que ce soit.

 

Le geôlier a encore le devoir de traiter chaque prisonnier selon sa condition. À cette fin, il tient le « registre d'écrou », dans lequel figurent la date d'entrée, le nom, l'âge, le statut social et les motifs de l'incarcération. La première différence de condition est liée au sexe. Comme la manière de faire la plus répandue consiste à laisser les détenus ensemble, le jour et la nuit, on ne place pas les hommes et les femmes dans une même salle. La garde des femmes est confiée, d'ordinaire, à des femmes, qui ne doivent jamais enchaîner les prisonnières ni les jeter dans un cachot. De plus, le geôlier doit tenir compte du statut social du détenu. À tel endroit, par exemple, les bourgeois et leurs enfants occupaient la partie de la prison qui donnait sur la rue. À défaut de télévision, la rue procure un divertissement...

 

Et nous arrivons à des coutumes fort différentes des nôtres. Le prisonnier n’est pas entretenu aux frais du justicier ; il défraie les dépenses que son incarcération occasionne. C'est pourquoi les prisons rentables — à cause du nombre des détenus — sont mises aux enchères, et l'administration en est confiée au plus offrant qui se procure un revenu de la différence entre l'argent dépensé pour administrer la prison et les droits prélevés aux détenus ; dans les prisons non rentables, le geôlier est un fonctionnaire salarié. Le prisonnier pour dette constitue une bizarre exception : le créancier qui l'a fait incarcérer est contraint de le nourrir... S'il omet de le faire pendant trois jours, son débiteur est libéré.

 

Le minimum qu'un geôlier doit assurer à un prisonnier, c'est du pain et de l'eau. Sur la table des criminels, normalement, rien d'autre n'est servi, mais cette rigueur connaît des adoucissements. Par exemple, les criminels nobles ont droit à une double ration. À certains endroits, le geôlier, avec le consentement des autorités, permet aux criminels de se payer une meilleure nourriture ou de s'en faire apporter par des parents ou des amis.

 

De plus, c'est la coutume que les personnes charitables, les institutions ou les corporations aient pitié des prisonniers et leur fassent parvenir de la nourriture : du pain, de la viande et même du vin. Le jour de Pâques, les orfèvres de Paris offraient à dîner aux prisonniers. Un article du statut des poulaillers (marchands de volailles) prévoit qu'une partie des marchandises confisquées dans les rôtisseries ira aux prisonniers. Il va de soi que les boulangers leur font porter du pain. De plus, on organise dans la ville des quêtes à leur profit.

 

La personne qui a « loué » une prison et qui en devient le geôlier ou l'administrateur tire son revenu, comme j'ai dit, de l'excédent des droits que versent les prisonniers sur les sommes dépensées pour exploiter la prison. Il y a d'abord les droits d'entrée et de sortie, qu’on appelait encore droit de guichet ou de clavage (de clavis, clef). Ces droits variaient suivant le rang occupé par les prisonniers dans l'échelle sociale. Surprenant, mais c'est pour les juifs qu’il était le moins élevé. Il y avait ensuite les frais de garde, les frais de logement et de nourriture. Si un prisonnier se fait apporter un lit par des parents ou des amis, il paie seulement la place que le lit occupe dans la pièce. De même qu'il y a dans nos hôtels des chambres plus recherchées et plus chères, de même il y avait dans les prisons des pièces plus intéressantes ; il coûtait plus cher d'y louer une place pour un lit. Ceux qui ne disposaient pas d'un lit venant de l'extérieur louaient non pas un lit, mais une place dans un lit de la prison. Pour faire plus d'argent, le geôlier était tenté de corder les prisonniers comme des saucissons ; les règlements mettaient un frein à sa convoitise : deux prisonniers par lit, tout au plus trois, et rarement. Certains prisonniers couchaient sur des nattes ou de la paille ; le loyer était réduit en conséquence.

 

Ces différents droits ne sont exigibles que si les services sont effectivement rendus. Par exemple, le prisonnier autorisé à se faire nourrir par sa famille ou ses amis ne débourse rien pour ses repas. En outre, à bien des endroits, les prisonniers dont l'innocence est par la suite établie sont remboursés des frais qu'ils ont encourus. Sauf pour la nourriture, qu'ils auraient dû payer même en liberté, et qui leur aurait sans doute coûté plus cher.

 

La politique carcérale du Moyen Âge pourrait nous être utile sur quelques points. Tout d'abord, que l'incarcération soit l'exception au lieu d'être la règle ; puis, que l'incarcération ne remplace jamais le paiement d'une amende ou le remboursement d'un vol ou d'une fraude.






Source texte "Sacré Moyen âge" Martin Blais; Photo: "Les voyageurs du temps".
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Jehanne - dans La Justice
26 mai 2009 2 26 /05 /mai /2009 14:25
Les prisons au Moyen âge.






Un ardent défenseur des droits des prisonniers avait un jour qualifié de moyenâgeux notre système carcéral. Avait-il raison ? Il sera en mesure d'en juger un peu plus objectivement après les considérations qui vont suivre sur les prisons des derniers siècles du Moyen Âge.

 

Il existe alors deux sortes de prisons : la prison « fermée » et la prison « ouverte ». La prison « fermée » correspond à ce que nous appelons prison, sans qualificatif, ou incarcération ; la prison « ouverte » n'est pas, à nos yeux, une prison, car ses murs coïncident avec les murs d'une ville, les frontières d'un duché ou d'un royaume. Certains auteurs qualifient de « courtois » l'emprisonnement en prison « ouverte ». De nos jours, quand la justice demande à une personne de ne pas quitter le pays, personne ne dit qu'elle est en prison.

 

On pratiquait l'emprisonnement préventif, en prison « fermée » ou en prison « ouverte ». Préventif, dérivé de prévenir, au sens où l'on prévient une maladie, c'est-à-dire qu’on l'empêche d'éclore. Par l'emprisonnement préventif, on voulait s'assurer que l'accusé ne fuie pas ; qu'il soit disponible à l'ouverture de son procès ; qu'il attende le prononcé du jugement ou l'exécution de la sentence. S'il s'agit d'un criminel condamné à mort, il serait imprudent de le laisser en prison « courtoise » en attendant que le bourreau le pende ou lui tranche la tête. L’emprisonnement préventif en prison « fermée » était réservé aux grands criminels, peu nombreux. La grande majorité des accusés étaient en prison « ouverte ».

 

On témoigne d'une préférence marquée pour la prison « ouverte » ; quant à la prison « fermée », elle suscite une répugnance générale, et l'on cherche des moyens d'y soustraire même les grands criminels. Le responsable de la prison est tenu de veiller à ce que les auteurs d'infractions légères ne demeurent pas incarcérés. Souvent, il s'agit de pauvres diables qui n'ont pas trouvé de caution.

 

Étant donné ces principes et cette mentalité, la plupart des prisonniers du Moyen Âge sont en prison « ouverte », tenus seulement de se présenter devant le juge au jour fixé. À nos yeux, ce sont des prisonniers en liberté. Dans les prisons « fermées », on trouve quelques grands criminels, de pauvres diables sans caution et des vagabonds. Souvent, la détention préventive se prolonge, et le roi se sent obligé d'intervenir pour que les responsables de la justice se hâtent de rendre leur jugement.

 

Nous trouvons normal l'emprisonnement préventif de l'accusé, en prison « fermée » ou en prison « ouverte ». Mais, tenez-vous bien, le Moyen Âge emprisonnait parfois l'accusateur avec l'accusé... Étrange coutume, direz-vous. Pas bête, au fond, quand on en connaît les motifs. On voulait par là diminuer le nombre des accusations sans fondement ou fondées sur des motifs inadmissibles. Si, en accusant autrui, on risque de prendre soi-même le chemin de la prison, on réfléchit avant d'accuser. Dans ce cas également, l'emprisonnement s'effectue en prison « fermée » ou en prison « ouverte », mais c'est le même genre d'emprisonnement pour l'accusateur et pour l'accusé : il n'y en pas un en prison « fermée » et l'autre en prison « ouverte ». Si le crime est grave, c'est la prison « fermée » pour les deux.

En emprisonnant ainsi l'accusateur avec l'accusé, on s'assurait de la disponibilité du premier : un accusateur de mauvaise foi aurait pu prendre la fuite et entraîner de longues et coûteuses recherches. De plus, il y avait des sanctions, surtout pécuniaires, contre l'accusateur convaincu du caractère erroné de son accusation : dédommagement de l'accusé ; amende pour l'ennui causé à la société ; paiement des dépens du procès. Enfin, la peine encourue par l'accusé risquait d’être prononcée contre l'accusateur. Par exemple, si l'accusé était acquitté d'un crime qui méritait — supposons-le — l'amputation d'une oreille, l'accusé risquait d'en perdre une... Cependant, la plus grande indulgence régnait de ce côté-là.

 

Quand un accusateur et un accusé prennent ensemble le chemin de la prison, ils peuvent ensuite bénéficier d'un élargissement sous caution, passer de la prison « fermée » à la prison « ouverte ». Mais la règle du maintien de l'égalité exige que les deux soient traités de la même manière. La bonne réputation morale de l'une des parties peut tenir lieu de caution. Parfois, on confie à des personnes fiables les deux prisonniers. Enfin, dans certains cas, ce sont les amis qui veillent sur le prévenu incapable de fournir une caution.

 

Bref, la prison « ouverte » constitue, sans le moindre doute, le mode d'emprisonnement préféré au Moyen Âge. C'est la règle, alors que l'incarcération est l'exception. Dans le cas des petites infractions, le prévenu est immédiatement mis en prison ouverte ; dans le cas des infractions graves, il est d'abord incarcéré, puis remis, sous caution, en liberté limitée : limitée à une ville, à une ville et sa banlieue, à une province, à un royaume, au jour et non à la nuit, à quelques jours de la semaine. Parfois, on autorise le prévenu à se rendre où il veut — jusqu'au bout du monde —, à condition de rester disponible pour une convocation de la cour, ce qui constitue une sérieuse contrainte à une époque où le cheval est le moyen de transport le plus rapide.

 

L’emprisonnement préventif prend normalement fin après une sentence qui acquitte l'innocent ou condamne le coupable ; il prend fin également quand le prisonnier s'évade. Mais, s'il a été imposé comme une peine pour l'infraction, l'emprisonnement se poursuit. Il change alors de nature : de préventif qu'il était, il devient pénal. Ce genre d'emprisonnement n’a pas occupé au Moyen Âge la place prépondérante qu'il occupe maintenant, mais il a été pratiqué, et il était toujours une incarcération, c'est-à-dire un séjour dans une prison fermée. Aucun juge n'imposait comme sentence à l'auteur d'une infraction de ne pas quitter la ville pendant un mois.

 

L’incarcération pouvait être imposée comme peine principale, comme peine complémentaire ou comme peine de remplacement. Comme peine principale, l'incarcération punit les auteurs d'infractions légères. Un mal engueulé de Senlis, qui avait proféré un blasphème, fut condamné à un mois de prison au pain et à l'eau. Et le roi Charles VI émet, en mai 1397, une ordonnance à l'encontre des blasphémateurs pour qu'ils « soient corrigés et punis par détention de leurs personnes en prison fermée ». L’incarcération est rarement infligée aux auteurs d'infractions graves, mais on en trouve des cas. Par exemple, le meurtrier d'un avocat avait été condamné, en 1341, à la prison perpétuelle.

D'ordinaire, l'incarcération s'ajoute à une autre peine : peine corporelle comme la fustigation — du latin fustis, bâton ; peine pécuniaire, dans la majorité des cas ; peine professionnelle : interdiction d'exercer une profession ; bannissement, parade pieds nus, amende honorable à la victime. Parfois, la peine infligée est triple : incarcération, amende et châtiment corporel. Le Canada n'a pas connu tout l'éventail des peines corporelles infligées au Moyen Âge, mais il a connu le fouet que, pour certains crimes, on ajoutait à l'incarcération.

 

Enfin, l'incarcération est imposée comme peine de remplacement dans les cas où les contrevenants sont trop pauvres pour payer l'amende. L’obligation d'en arriver là déplaisait souverainement aux justiciers du Moyen Âge : au manque à gagner — l'amende non payée — s'ajoutaient les dépenses occasionnées par l'entretien d'un prisonnier incapable de défrayer le coût de son séjour en prison. Vous sursautez avec raison ; nous y reviendrons.

 

Après avoir parlé de l'emprisonnement préventif et de l'emprisonnement pénal, un mot de l'emprisonnement « coercitif ». Les deux premières formes d'emprisonnement se pratiquent toujours ; la troisième n'est plus qu'un souvenir. L’adjectif coercitif vient du latin coercere, contraindre. Si, par exemple, un contrevenant solvable refusait de payer l'amende imposée par le tribunal, on l'emprisonnait pour l'y contraindre. L’incarcération ne remplaçait pas le paiement de l'amende : elle avait pour but de le provoquer. Comme le prévenu défrayait déjà le coût de son séjour en prison, le refus de payer une amende coûtait cher. De plus, la vie dans les prisons faisait plier les volontés les mieux trempées. Allons y faire un tour.

 

Les prisons du Moyen Âge ne ressemblent pas du tout aux nôtres. Pendant la féodalité, le pouvoir judiciaire est éparpillé. Beaucoup de gens exercent la justice : seigneurs, évêques, abbés, rois. Chacun de ces justiciers a sa prison, et ce n'est pas le « fédéral » qui l'a construite. Peu soucieux des « droits » de la clientèle qui va s'y retrouver, c'est avec parcimonie qu'on investit dans ces HLM. De plus, la surveillance laisse beaucoup à désirer, car personne ne recherche cet emploi, occupé, d'ordinaire, par des hommes qui n'ont reçu aucune formation.

 

Pour prévenir les évasions faciles, on enchaîne les prisonniers par les jambes, les bras, parfois le cou. De plus, on prévoit de sévères peines pour le bris d'emprisonnement, perpétré avec ou sans effraction. Si l'emprisonnement est une simple assignation à résidence — prison ouverte —, l'effraction est impossible. Le prévenu en prison ouverte qui manque à sa parole est tout simplement incarcéré. Quant au prévenu incarcéré, il peut difficilement s'évader sans effraction, ne serait-ce que le bris de sa chaîne. Son évasion est alors considérée comme une présomption de culpabilité et un aveu. Si on parvient à lui mettre la main au collet, il est condamné à la peine du crime dont il était accusé.

 

Mais, pour le condamner, il faut le rattraper. Et il existe un privilège qui a nom « droit d'asile ». Ce petit mot, asile, est formé de deux racines grecques : un « a » privatif et « sulê », arrêt, saisie. Le droit d'asile, c'est la possibilité d'échapper à la justice en se réfugiant dans des endroits où il est interdit à la police d'accéder pour appréhender même un criminel. Un condamné à mort qui franchit la clôture du monastère le plus proche peut y finir ses jours en toute sécurité ou le quitter quand on l'aura oublié, s'il n'a pas développé de goût pour la vie monastique...

 

 

 





Source : « Sacré Moyen âge » de Martin Blais.

 

 

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Jehanne - dans La Justice
23 septembre 2008 2 23 /09 /septembre /2008 03:25
La poire d'angoisse.









(D'après l'« Inventaire général de l'histoire des larrons », paru en 1629 - traduction du vieux français)

Cet instrument était une sorte de petite boule, qui, par de certains ressorts intérieurs, venait à s'ouvrir et à s'élargir, en sorte qu'il n'y avait moyen de la refermer ni de la remettre en son premier état qu'à l'aide d'une clef, faite expressément pour ce sujet.

Le premier qui éprouva cette maudite et abominable invention, ce fut un gros bourgeois riche et opulent des environs de la place Royale, nommé Eridas. Un jour où il était seul en sa maison avec son homme de chambre et son laquais, Palioli vint frapper à sa porte, accompagné de trois autres vauriens comme lui. Le laquais, croyant que ce fussent quelques gentilshommes, alla avertir son maître, qui était encore dans le lit, et les fit entrer dans la salle ; comme ils restèrent là quelque temps, ils se conseillèrent par ensemble ce qu'ils devaient pratiquer en ceci.


Les uns voulaient tuer le bourgeois, les autres non. Sur cette contestation Eridas arrive et leur demande ce qui leur plaisait ; Palioli le prend par la main, et le tire à quartier avec ces mots enflés de blasphème et jurement étranges : « Monsieur, il faut nécessairement que je vous tue, ou que vous nous donniez ce que nous vous demandons : nous sommes pauvres soldats, qui sont contraints de vivre de cette façon, puisque maintenant nous n'avons autre exercice.


Le bourgeois surpris pensa crier au voleur ; mais à l'instant les trois autres accoururent, et l'empoignant lui firent ouvrir la bouche et lui mirent leur poire d'angoisse dedans, qui en même temps s'ouvrit et se délâcha, faisant devenir le pauvre homme comme une statue béante et ouvrant la bouche sans pouvoir crier ni parler que par les yeux.


Ce fut alors que Palioli prit les clefs de sa pochette et ouvrit un cabinet où il prit deux sacs de pistoles ; ce qu'ayant fait à la vue même du bourgeois, Dieu sait quelle angoisse Eridas eut, et quelle tristesse de voir ainsi emporter son bien sans pouvoir sonner mot, outre que l'instrument lui causait une grandissime douleur ; car plus il tâchait à le retirer et l'ôter de sa bouche, plus il l'élargissait et l'ouvrait, en sorte qu'il n'avait à faire autre chose que prier de signes lesdits voleurs de lui ôter ce qu'il avait en la bouche ; mais, lui ayant rendu les clefs de son cabinet, ils s'en allèrent avec son argent.


Eridas, les voyant dehors, commença à aller quérir ses voisins, et leur montra par gestes qu'on l'avait volé ; il fit venir des serruriers qui tâchèrent à limer ladite poire d'angoisse, mais plus ils limaient et plus elle lui faisait de tourments ; car même en dehors il y avait des pointes qui lui entraient dans la chair. Il demeura dans cet état jusqu'au lendemain.


Or comme la cruauté ne loge pas toujours dans un esprit, un des quatre voleurs persuada ses compagnons qu'il ne fallait pas être cause de la mort d'Eridas. Ce dernier reçut la bienheureuse clef et une lettre ainsi conçue :


Monsieur, je ne vous ai point voulu maltraiter, ni être cause de votre mort. Voici la clef de l'instrument qui est dans votre bouche, elle vous délivrera de ce mauvais fruit. Je sais bien que cela vous aura donné un peu de peine, je ne laisse pas pourtant d'être votre serviteur.


Voilà l'invention abominable de poire d'angoisse qui depuis fut plusieurs fois mise en oeuvre par les coupeurs de bourses qui s'en servaient pour attraper par ce moyen les marchands, et pour leur faire confesser où ils mettaient leur argent.
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Jehanne - dans La Justice
29 août 2008 5 29 /08 /août /2008 00:40
Le concile cadavérique.








En 897, s’est ouvert à Rome le procès le plus macabre de toute l’histoire. Le Pape Etienne VI fait comparaître la dépouille funèbre de son prédécesseur, Formose, pour être jugé.

Devant une assemblée d’évêques, un tribunal bien singulier préside devant un cadavre.



L’origine de ce procès.

Ce sont les prises de position politiques du pape Formose qui sont à l’origine du procès. Alors qu’il aurait du conférer la couronne impériale de l’empire démembré de Charlemagne à la puissante famille italienne des ducs de Spolète, le pape l’attribue à un Carolingien, roi de Germanie.
Ce revirement est purement politique puisqu’il recherchait simplement le protectorat de ce roi.

A la mort de Formose, c’est Etienne VI qui est élu pape. Il se trouve qu’il est un fervent partisan des ducs de Spolète. Il considère donc son successeur comme un traître.



Une parodie macabre.

Poussé par une haine incroyable, Etienne VI donne l’ordre de rechercher le sarcophage du pape Formose. Le cadavre, extrait de son tombeau est dépouillé de son linceul.

On habille le cadavre des habits pontificaux avant de le conduire dans un bâtiment où doit se dérouler le procès.

Le corps est fixé sur le trône pontifical.

Un clerc se tient à côté du cadavre pour répondre aux questions à sa place ! 

Tout au long du procès, le passé de la momie est examiné en détails. Des membres de l’Eglise viennent témoigner pour dépeindre le défunt comme un sombre intrigant.

Le contenu exact de ces dépositions n’est pas connu car tous les actes du procès ont été brûlés par la suite.



La sentence contre un cadavre.

Au terme de cette mascarade, l’assemblée proclame l’indignité de Formose et juge illégitime son accession à la papauté.
Cette sentence annule tous les actes et décisions prises par Formose de son vivant.

Mais cette sentence ne suffit pas à apaiser la haine d’Etienne VI. Il ordonne que les restes desséchés soient dépouillés de leurs habits et insignes pontificaux.
Cependant, les agents ne peuvent arracher de la chair à demi décomposée le cilice, étoffe grossière portée par pénitence qui reste sur la dépouille.

Etienne pousse la folie jusqu’à mutiler le cadavre en amputant les trois doigts qui servaient au pontife à bénir les fidèles.
Le cadavre est ensuite jeté dans une fosse commune.

Puis, le pape se ravise et fait exhumer le corps une seconde fois afin qu’il soit jeté dans le Tibre.



La réhabilitation de Formose.

Quelques mois après la profanation du cadavre, Etienne VI est étranglé par le peuple de Rome en colère.
Peu après, ses successeurs organisent des funérailles solennelles car entre temps le corps avait été récupéré par des pêcheurs.

Le corps est rapporté dans la Basilique Saint Pierre d’où il ne bougera plus.

Un an après ce procès, le concile décide qu’il sera désormais interdit d’intenter des procès contre les morts et de brutaliser les évêques au cours des assemblées.

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Jehanne - dans La Justice
26 juin 2008 4 26 /06 /juin /2008 09:27

Lien entre Justice et Royauté.



L'exercice de la justice dans les royaumes de France et d'Angleterre, entre la fin du XIIème siècle jusqu'au milieu du XVème.
Quel est le lien entre justice et royauté?
Comment la justice est-elle rendue en temps de guerre (pendant la Guerre de Cent ans notamment)?
Pour "Justice et Royauté", faut-t-il traiter de la justice royale exclusivement ou bien parler de la justice en generale (justice seigneuriale,...)?


 Au début de la monarchie capétienne, le pouvoir de la justice royale est très faible et s'affirmera au fur et à mesure que la puissance royale s'accroit. D'ailleurs, le droit de faire appel à la justice du Roi, sommet de la pyramide seigneuriale, est un des moyens usuels de la monarchie pour affaiblir le pouvoir seigneurial.


L'immixion de la justice royale commence dès Louis VII, voire même, timidement, sous Louis VI. Philippe-Auguste la développe beaucoup et s'en sert contre les seigneurs provinciaux. Elle est donc déjà bien installée lors du règne de Saint Louis.

 


Le roi législateur
 

Le rôle essentiel du roi de France est d'être le grand justicier. Mais la justice terrestre est l'application de la loi, et il délicat de savoir dans quelle mesure le roi de France au Moyen âge a ce que nous appellerions aujourd'hui le pouvoir législatif.

On ne saisit aucune disposition législative d'un caractère général pour le royaume et émanant du roi aux XIe et XIIe siècles. Les deux premières ordonnances que l'on connaisse datent du règne de Louis VII. En 1144, le roi bannit les Juifs relaps du royaume. En 1155, à Soissons, il établit la paix de Dieu pour 10 ans. Mais cette dernière ordonnance est plutôt la manifestation d'un élan de piété plutôt qu'une disposition émanant de la volonté royale.

Sous Philippe Auguste, le nombre et l'importance des ordonnances augmentent. On peut citer l'ordonnance de 1190 sur l'administration du royaume pendant la croisade du roi (connue sous le nom trompeur de Testament de Philippe Auguste), mais aussi l'ordonnance sur la succession des fiefs en 1209 ou 1210 (décidant que lorsqu'un vassal meurt en laissant plusieurs fils, tous relèveront désormais directement du roi et non plus de leur seul frère aîné, comme c'était le cas auparavant), l'ordonnance rendue vers 1214, portant à la moitié la part d'usufruit légal de la veuve sur les "propres" de son mari. Mais il faut remarquer que ces deux dernières ordonnances sont limitées au seul domaine royal.

De plus, le roi n'a pas le monopole de la législation, ni au cours de cette période, ni même de la suivante. Nous connaissons une série d'ordonnances rendues par des grands feudataires, mais dans l'ensemble, cette législation est rare, et les ordonnances demeurent globalement peu nombreuses.

Au cours du XIIIe siècle, le roi tend à imposer sa législation, non seulement aux gens de son domaine, mais aussi dans certains cas et pour des objets déterminés, à l'ensemble de ses sujets.

Notons que l'ordonnance n'obligeait, semble-t-il, que ceux des grands ayant assisté à son élaboration, même s'ils n'avaient pas approuvé. Il est toutefois probable que ceux qui n'avaient pas assisté à l'assemblée étaient moralement tenus de l'observer et de la laisser courir chez eux. Mais tout dépendait donc de la bonne volonté des feudataires, ou de la force du roi, c'est-à-dire des circonstances.

C'est sous le règne de Saint Louis que l'on voit la royauté manifester de plus en plus une autorité législative. Bien sûr, tout ce qui est appelé ordonnance n'a pas forcément un caractère législatif d'intérêt général. Il n'est pas toujours possible non plus de savoir si ces ordonnances étaient applicables à tout le royaume ou seulement au domaine du roi. De plus, beaucoup d'ordonnances ont un caractère religieux ou ecclésiastiques (comme par exemple les ordonnances contre les blasphémateurs ou celles sur la réformation des moeurs légères ou du costume).

Quoi qu'il en soit, à l'époque ou Saint Louis légifère, un courant d'idées se développe tendant à restituer à la puissance royale le droit de légiférer. Le pouvoir de faire des lois, dit saint Thomas d'Aquin, appartient à celui qui représente la multitude.

Il est probable aussi que la réunion à la Couronne des provinces du Midi a eu son influence aussi. Si le droit romain n'avait qu'une valeur de coutume dans le Midi, le XIIe siècle avait vu la renaissance du droit romain en Italie et cette renaissance n'avait pas manquer de redonner une vie nouvelle au droit archaïque du Bréviaire d'Alaric (un abrégé du code Théodosien, rédigé en 506 sur l'ordre d'Alaric II). Cette renaissance du droit romain avait surtout pour conséquence de rappeler l'ancienne puissance du prince, et, par contrecoup, de rehausser le pouvoir du souverain du royaume de France. Pour ces raisons, sous le règne de Philippe III le Hardi, fils de Saint Louis, l'activité législative de la Couronne est particulièrement considérable.

Il ne faut toutefois pas se faire d'illusions. Une bonne partie de la législation de Philippe III est une réédition de mesures prises déjà par son prédécesseur, dont il avait, dès le 2 octobre 1270, au lendemain de son avènement, confirmé en bloc, par son testament, tous les établissements. Cette mesure prise par Philippe III montre que, si la royauté légifère, les actes législatifs qu'elle publie n'engagent normalement qu'une portée limitée, dan sle temps, au règne du souverain qui en est l'auteur et non pas une autorité sans limite chronologique.

La matière des établissements de Philippe III est souvent d'ordre administratif, mais il a cependant légiféré de manière originale, sur plusieurs points de droit public : c'est lui qui a fixé à 14 ans révolus la majorité du fils du roi, en décembre 1271. Il a également exigé, dans tout son royaume des droits d'amortissement sur les terres contenues dans les fiefs ou arrière-fiefs royaux.

Comment s'exerce ce pouvoir législatif du roi ? Il s'exerce par la publication de ces ordonnances (ou établissements), mais le prince n'est pas investi de la puissance de rendre ces établissements généraux, avec licence d'en user et d'en abuser à son gré, comme auraient pu le faire des empereurs romains. Le mode d'exercice et l'étendue de cette puissance sont fixés par la doctrine féodale. Le roi peut promulguer deux sortes d'établissements : comme tout baron, dans son domaine propre, et à titre de roi, pour la France entière (on parle alors d'établissements généraux). Ces derniers, faits à toujours ou à terme, doivent être observés partout, sous peine d'amende.

Un établissement général doit vérifier les conditions suivantes :  qu'il ne griève pas as choses qui sont fetes du tans passé, ne as choses qui aviennent dusqu'a tant que li establissemens est commandes a tenir  qu'il soit délibéré par très grant conseil qu'il soit fait pour le commun profit du royaume  et pour cause raisonnable.

Il faut toutefois noter que cette législation royale mettra fort longtemps à être strictement appliquée. Pour preuve, l'interminable répétition des ordonnances sur le même sujet. Cette répétition prouve que la royauté tenait à voir, sur certains points, sa volonté exécutée, mais elle montre aussi que cette dernière ne l'était pas. Très rapidement aussi, pour les souverains français, les actes de leurs prédécesseurs sont considérés avec le même respect que la coutume, c'est le mos majorum de la monarchie française.

Mais tout ceci ne s'applique qu'au droit public. Le droit privé n'a pas été touché par la royauté. Le souverain n'intervient dans ce domaine qu'en faisant rédiger des coutumes locales. Il les transforme ainsi en établissements royaux, mais sans oser fondre cet ensemble énorme et disparate. Philippe III avait par exemple fait mettre par écrit la coutume de Toulouse, mais le travail de rédaction d'ensemble ne commença qu'à la suite de l'ordonnance de Montils-les-Tours, en avril 1454. L'oeuvre ne fut d'ailleurs achevée que sous François Ier et Henri II.

Le pouvoir législatif est donc revenu aux mains du roi, et il peut l'exercer presque sans contrôle, puisque le Conseil qu'il a autour de lui est désigné par lui, et peut être modifié par lui aussi. Mais dans l'exercice du pouvoir, les rois ont longtemps été gênés par de vieilles habitudes de respect pour le passé, et aussi par le respect supersicieux d ela coutume, qui leur interdisait toute incursion dans le domaine du droit privé.

En fait, l'homme médiéval était incapable de comprendre un mécanisme législatif ayant pour but de créer ou d'abroger les lois "à jet continu" : il se faisait de la loi un idéal qui la représentait comme un dépôt très précieux de la sagesse des ancêtres, qu'ils avaient le devoir de transmettre intact à la postérité. Le souverain pouvoir leur paraissait donc institué, non pour changer la loi, mais pour en assurer le respect.

La justice que rend le roiest donc rendue conformément à la coutume, héritée des ancêtres et sur laquelle le roi ne peut ni ne veut agir. Mais comme mentionné, cette coutume a diverses formes selon les lieux où elle s'est formée. Quelle sera donc la coutume qui servira aux sentences du tribunal royal ? Ce sera naturellement celle de la ville ou réside le roi et sa Cour, Paris. C'est donc la coutume de Paris qu'appliquera, dans la plupart des cas, la Cour du roi, agissant en temps que tribunal, la curia regis in parlamento, ce qui deviendra le Parlement.


Le roi justicier
 

Le roi et sa cour n'ont que lentement regagné le terrain perdu par la royauté dans le domaine judiciaire. En théorie, tous les sujets directs du roi sont justiciables de la Cour : ducs de Normandie, de Bourgogne, d'Aquitaine, comme les comtes de Flandre, de Champagne, d'Anjou, comme le plus simple vassal. Dans la pratique, la compétence de la curia regis, la reconnaissance de son autorité suprême sur les grands feudataires n'a pu s'imposer que par la force, à la suite de luttes longues et dures.

Procédons par étapes, voyons qui est jugé et quelles causes sont portées au tribunal du roi.

Dans la majorité des cas, ce sont des plaines d'ecclésiastiques, évêques, abbés, contre des seigneurs voisins et contre des avoués, soi-disant tenus de les protéger, et trop souvent devenus des oppresseurs. Le tribunal est aussi saisi de différends entre ecclésiastiques de monastère à monastère, d'évêque à chapitre...).

En ce qui concerne le monde laïc, la Cour connaît des affaires criminelles (assassinat de Hugues de Beauvais par le comte d'Anjou Foulque Nerra par exemple). Elle juge aussi des infractions au droit féodal (Aimon et Archembeaud, sous Louis VI, se disputent la seigneurie de Bourbon, par exemple).

Dans ses différends avec ses feudataires, le souverain s'en remet aussi à sa Cour pour trancher la querelle. Par exemple, en 1152, Henri II duc de Normandie est condamné pour avoir épousé Aliénor d'Aquitaine, femme répudiée du roi Louis VII.

Enfin, à partir de la fin du rène de Louis VI et de celui de Louis VII, des différends d'un caractère nouveau sont portés à la Cour du roi, ceux des communes. Les évêques de Soissons, de Beauvais, de Laon, de Noyon, etc. ne cessent de se plaindre des empiètements de ces associations jurées que sont les communes, constituées de gré ou de force dans les cités épiscopales.

La juridiction d'appel qui, à partir de la fin du règne de saint Louis, transformera le rôle judiciaire de la Cour et aboutira à l'organisation d'un corps spécialisé, n'offre qu'un très petit nombre d'exemples pendant cette période archaïque de la juridiction royale. Par exemple, citons un cas en 1132 où la Cour réforme une sentence de l'évêque d'Arras contre un chevalier.

L'activité judiciaire de la Cour tend à se développer à partir du règne de Louis VII, en dépit des résistances des grands et du clergé. La résitance ces grands va de soi.
Le monde féodal, par essence anarchique, répugne à tout ce qui peut donner de la stabilité à la société. L'arrêt tombant comme un couperet sur la tête de l'accusé l'effraie et l'indigne. Il convient de n'être pas trop dur, même pour une culpabilité avouée, il ne faut pas blesser l'honneur d'un noble, et pour cela, la condamnation doit revêtir l'aspect d'une transaction.
Le clergé lui-même est souvent récalcitrant. Alors qu'il ne cesse d'implorer le roi, et de réclamer son intervention quand ses intérêts sont menacés, il n'admet pas qu ele roi s'inquiète des abus qu'il peut commettre. Dans ce cas, les évêques, particulièrement, tentent d'esquiver la compétence de la Cour. Néanmoins, dans le royaume de France, le conflit ne prendra pas le caractère tragique de la lutte de l'archevêque de Canterbury, Thomas becket, et du roi d'Angleterre, Henri II. Le clergé de France avait-il plus de bon sens ? Peut-être, mais il avait surtout trop besoin du roi contre les empiètements et les violences du monde laïque, plus graves en France que de l'autre côté de la Manche.

Néanmoins, en dépit des mauvaises volontés, des résistances violentes et sournoises, on assiste à un courant d'affaires sans cesse accru, portées à la Cour, et cela sous le règne d'un roi faible, Louis VII. Il ne faut pas y voir de paradoxe. Le roi est faible, certes, mais dans la seconde partie de son règne, il est presqu'un saint, préfigurant ainsi son arrière petit-fils. Le désir ardent des hommes, de tout pays et de tout temps, d'obtenir justice a du contribuer à soutenir ce sourant d'affaires portées à une cour présidée par un roi si pieux. Car n'oublions pas que le roi préside en personne le tribunal jusqu'à la fin de cette période.

Toutefois, ce courant n'enflera qu'au siècle suivant, grossi d'affluents venus de tous les coins du royaume pour aboutir à Paris, dans ce palais du roi qui est déjà presque un palais de justice. L'absence du souverain, de plus en plus fréquente, est le signe que le nombre des affaires se multiplie, et elles prendraient donc trop de son temps, employé à d'autres besognes.

Les textes appellent la Cour du roi, fonctionnant comme tribunal placitum (comme à l'époque franque), audientia, et surtout curia, jamais alors parlamentum.
La Cour du roi est ambulante, comme lui, mais elle ne se tient plus à ce siècle que dans l'étroite partie du royaume où le roi peut circuler sans danger, souvent dans les abbayes royales. A partir du règne de Louis VI, le roi à tendance à se tenir à Paris pendant la majeure partie de l'année. Les causes sont donc jugées à Paris, mais il s'agit d'une habitude, et non d'une règle.
Aucun principe ne fixe l'époque de sa convocation. En fait, elle se tient presque toujours lors des grandes fêtes ecclésiastiques de l'année (Purification, Pâques, Pentecôte, Toussaint).
Sa composition est variable, indéterminée. La Cour de justice, qui se confond encore avec l'assemblée politique, est formée de l'entourage du roi, des gens de son hôtel, de ses conseillers favoris, d'habitués, chevaliers et clercs, enfin de grands feudataires, généralement ne petit nombre. Chose déconcertante, la composition de cette Cour ne semble pas varier d'après la qualité des accusés ou des plaignants. La présidence de la Cour appartient au roi jusqu'à la fin du règne de Louis VII. Ensuite, la précence du souverain se fait de plus en plus rare, mais bien que rendue hors de sa présence, la sentence est et demeurera rendue en son nom.

La Cour préfère l'arbitrage, la conciliation, à l'arrêt. C'est que, conformément au passé, le condamné doit accepter sa sentence, s'engager à l'exécuter. S'il refuse, il a le droit de quitter la place sans être inquiété et, si c'est un grand personnage, un conflir armé est à redouter. La Cour s'applique donc à concilier les parties.

L'apparition d'un corps spécialisé de juges est le trait le plus nouveau du régime judiciaire sous Louis VII. C'est que l'écrit et le témoignage oral ont tendance à reprendre de l'importance au détriment du duel judiciaire qui a cependant la vie dure. Or, les grands n'ont ni la compétence, ni le temps, ni le goût, de se livrer à des enquêtes, d'instruire des affaires. Ces besognes fastidieuses incombent au personnel composé en grande partie de clercs, sous les ordres du chancelier. Cependant, c'est à la Cour dans son ensemble de se prononcer. La tâche des nobles se trouve simplifiée : la partie fastidieuse d'une affaire leur a été épargnée, ils n'ont plus qu'à se prononcer.
Là est le germe fécond. Ces obscurs professionnels sont les ancêtres des juges du Parlement de Paris. Sous le règne de Louis VII, ils sont cités sous diverses dénominations : hommes sages (viri sapientes), prud'hommes (viri prudentes), jurispreudents (juriprudentes), conseillers (consiliarii), nos juges (judices nostri).

La physionomie de la Cour ne change pas sensiblement sous les règnes de Philippe Auguste, de Louis VIII, et pendant la première partie du règne de Louis IX. La Cour se scinde de plus en plus en deux parties, ou prend deux aspects. Comme par le passé, on y voit de grands personnages (évêques, abbés, comtes, ou barons). Ils sont réunis le plus souvent aux quatre grandes fêtes de l'année. Mais, dans l'entourage du souverain, on distingue une partie permanente, en tant qu'organe judiciaire, dont les représentants sont qualifiés de maîtres (magistri curiae). Les sentences sont néanmoins toujours rendues par la Cour entière et au nom du roi.

Cette période archaïque se prolonge jusqe vers le milieu du XIIIe siècle. C'est le développement de l'appel qui y mettra fin.


Quelle part de l'activité judiciaire et quelle "influence" a la justice écclésiastique dans le royaume ? S'en remet-on systématiquement au roi ? Il n'y a pas également des cours de justice écclésiastique qui rendent la justice (pour des affaires moindres, certainement) ? Et puis, lorsqu'il y a différend entre évêque et évêque, institution écclésiastique(surtout séculière) contre institution écclésiastique, ce n'est pas la justice de l'évêque de Rome qui est censé trancher ? En d'autres termes, pourquoi les hauts dignitaires de l'Eglise (de Rome, et pas de France ! au début du XIIIème siècle l'Eglise triomphe avec un pape comme Innocent III, le gallicanisme ne commencera son essor qu'au XIVème si je ne m'abuse) se tourneraient davantage vers le roi de France que vers le Pape en cas de conflit à trancher ?

 

 

 

Développement de la justice royale : l'enquête et l'appel
 

Dans l'empire romain, le plaideur mécontent pouvait appeler de la sentence d'un tribunal inférieur au gouverneur (praeses) de la province, ou encore du tribunal municipal au même personnage, du gouverneur au vicaire des Septem provinciae ou desDecem provinciae, au préfet du prétoire des Gaules, enfin à l'empereur lui-même, qui décidait dans son conseil privé.

Tout ce monde disparût avec l'Empire, mais le roi franc tint la place de l'empereur, et les Gallo-Romains purent interjeter appel à lui. Ainsi, chez les Francs, le plus ancien texte connu prévoit une procédure d'appel (article LVII de la loi salique).

L'idée d'appel ressort aussi clairement de divers capitulaires carolingiens (comme le capitulaire de 805). L'empereur carolingien était aidé dans la tâche consistant à rendre des sentences définitives par les missi dominici.

A partir du Xe siècle, avec le développement de la féodalité, la procédure d'appel tombe en désuétude et est remplacée de plus en plus par des jugements de Dieu (qui ont toujours existé, depuis les Mérovingiens, mais qui se développent dans des proportions gigantesques à cette époque).
Le duel s'introduisit aussi dans des différends entre clercs ou un établissement ecclésiastiques et un noble. La partie cléricale ne pouvant combattre en personne se faisait représenter par un champion, bénévole ou professionnel, et comme celui-ci n'avait pas droit aux armes nobles, l'adversaire laïque devait se faire remplacer par un champion n'usant lui aussi que des armes non nobles, l'écu et le bâton.

Les procédures pouvant mener au duel judiciaire sont le recours par faussement de jugement et le recours pour défaute de droit.

Le recours par faussement de jugement a lieu lorsque le plaignant accuse le tribunal d'avoir violé la loi.

Le recours pour défaute de droit est un recours contre un déni de justice. Il apparaît par exemple lorsque le seigneur justicier se refuse à constituer un tribunal pour ouïr la plainte d'un homme qui requiert jugement ou même se laisse aller à maltraiter le plaignant ; idem si le seigneur tente de berner le plaignant, de le décourager, en différant indéfiniment son consentement ou en se déplaçant. Mais les constatations de cette mauvaise volonté du seigneur doivent être établies dans les formes légales, parfois complexes, et fonction du statut du plaignant. Le procès porté devant le souverain, il faut prouver la défaute par des témoins loyaux.

A l'époque de Saint Louis, une véritable procédure d'appel reparaît, sous la forme de l'émende (emendatio) : suite à une plainte, un bailli royal est donc prié de constituer un autre tribunal ou le même tribunal une seconde fois, pour trancher l'affaire. La jurisprudence distingue nettement entre l'émende et le véritable appel. En fait, l'avenir n'était pas à l'émende, mais à un appel transformé.

Pour comprendre les raisons qui ont favorisé la pratique de l'appel, il faut se rappeler que pour l'homme médiéval, nul jugement n'est jamais définitif. Pour qu'il le devint, il fallait que les parties et leur parenté l'acceptent. La réforme de l'appel s'est faite à la Cour du roi. Suite aux lettres des papes Innocent IV et Alexandre IV condamnant le duel judiciaire, Saint-Louis prend une mesure interdisant dans tout le domaine royal (à défaut de mieux) cette pratique. Cette mesure est très mal reçue, et les possesseurs de fiefs pensent avoir perdu leur liberté, en étant soumis à l'enquête dans un différend judiciaire.

La bataille judiciaire régresse fortement sous le règne de Saint-Louis, pour reprendre en force partout (même à la Cour) sous le règne de son successeur. En 1306,

Philippe le Bel maintient l'établissement de Saint Louis pour les causes civiles, mais autorise à nouveau le duel judiciaire en matière criminelle et capitale. A la fin du règne de Philippe le Bel, la féodalité reprend le dessus et réussit à imposer à la royauté des chartes pour limiter ses prérogatives et défendre celles de la noblesse (par exemple, la charte aux Bourguignons, la charte aux Picards). Les duels et les guerres privées sont alors en recrudescence partout. Les troubles de la Guerre de Cent Ans ne font que favoriser cette tendance. Il faut attendre la fin du règne de Charles V et même celui de Charles VI pour assister à nouveau au recul du duel judiciaire.

Malgré tout, la nouvelle procédure devait finir par triompher, et le germe déposé par Saint Louis, trop longtemps contrarié dans sa croissance, finit par éclore. Citons

Montesquieu :

Citation:
Quand on vit dans ses tribunaux, quand on vit dans ceux de quelques grands seigneurs une manière de procéder plus naturelle, plus raisonnable, plus conforme à la morale, à la religion, à la tranquillité publique, à la sûreté de la personne et des biens, on abandonna l'autre.


Notons que l'ancienne procédure ne disparut en aucune manière. Nos ancêtres répugnaient à faire disparaître quoi que ce fut du passé, si bien que la vie juridique, politique, administrative s'encombra de déchets que l'on se refusa à éliminer jusqu'à la Révolution.

 


Le Parlement
 

A partir de 1250, des Parlements à jours fixes sont annoncés à l'avance et quels que soient les déplacements du roi, la Cour de Justice cesse d'être ambulante et réside à Paris. En même temps apparaissent des espèces de commissions judiciaires, composées de clercs et de chevaliers de l'Hôtel, sous la présidence d'un évêque ou d'un grand seigneur. Elles se réunissent selon les besoins (d'abord deux sessions annuelles, puis une seule et longue session de la Toussaint au mois de mai, puis enfin une session occupant toute l'année). Le terme de parlement, utilisé jusqu'alors en France et en Angleterre pour désigner une conférence quelconque, tend à se restreindre aux seules sessions judiciaires tenues par les spécialistes de ces sessions, que l'on commence à appeler, dès la fin du XIIIe maîtres tenant le parlement. Toutefois, ces maîtres ne sont pas confinés dans leurs attributions judiciaires, et on les retrouve encore au Conseil et aux Comptes.

Le changement de procédure introduit par Saint Louis joue un rôle capital dans la transformation du tribunal du roi en un véritable tribunal d'appel. L'appel exige une enquête, et l'enquête devient le pivot du procès, quasiment le procès lui-même. Vers 1291 apparaît une commission de deux maîtres clercs et de deux maîtres lais, embryon de la Chambre des Enquêtes. Ce nombre est porté à 8 en 1307, à 57 en 1336, réduit à 40 en 1345. En somme, le Parlement de Pris existe donc virtuellement à la fin du règne de Philippe le Bel, à la place des parlements des règnes précédents, mais il est encore à demi engagé dans la gangue du passé.

Outre la Chambre des enquêtes, on trouve la Grand Chambre où l'on plaide et où l'on rend les arrêts sur les plaidoiries. Ces arrêts mettent fin à des contestations de natures très diverses : différends entre grands personnages ecclésiastiques ou laïques, entre communes et baillis, etc. La Grand Chambre transforme en arrêts les jugés de la Chambre des Enquêtes. La preuve par duel n'a pas disparu, mais elle régresse fortement, si bien qu'il est peu d'affaires qui puissent être résolues sans avoir recours à l'enquête. D'où la nécessité de commissaires, appelés auditeurs, chargés d'aller entendre sur place des témoins. Les enquêtes terminées, il convient d'en apprécier la valeur. C'est aussi l'affaire de la Grand Chambre. Si elle estime l'affaire bien conduite, elle envoie celle-ci à la Chambre des Enquêtes ou à l'auditoire de droit écrit pour qu'elle soit jugée. Ceci fait, les causes lui reviennent pour être transformées par elle en arrêts. La Grand Chambre retient pour elle-même :

 les enquêtes de sang
 les enquêtes criminelles qui ne sont pas de sang mais qui entraînent une perte corporelle
 les causses civiles concernant grièves causes telles que honneur de corps ou héritage, ou grande personne et grands hommes

Le jugement de la Grand Chambre est définitif.

A partir de 1296, Philippe le Bel constitue vraiment une autre chambre, la Chambre des Requêtes, destinée à ouïr les requêtes et à commander les lettres de justice qu'entraîent celles-ci. Cette chambre ne s'occupe que des affaires à régler d'après le droit coutumier, les requêtes du Midi étant l'affaire de l'auditoire de droit écrit.

 


 
Le Châtelet


Au XIVe siècle, Paris et sa banlieue sont administrés par un personnage nommé prévôt, ou plus exactement garde de la prévôté de Paris. Il administre et juge en premier ressort les sujets du roi à Paris, mais il reçoit aussi en appel les sentences des petites prévôtés royales de la vicomté, comme celles des nombreuses seigneuries existant à Paris même, dans sa banlieue, et dans la vicomté. Ce garde de la prévôté joue donc le rôle d'un bailli et, sous une appellation plus modeste, est plus important que les baillis.

Il a sans doute fallu très longtemps pour que le prévôt de Paris parvienne à cette éminente situation. Au XIe et au XIIe siècles, il ne semble pas différent des autres prévôts. Il a comme eux la perception des débris de droits régaliens, de droits féodaux et censuels, conservés par la royauté. Celle-ci lui confie également l'exploitation des droits administratifs, judiciaires, financiers, et la royauté afferme la prévôté pour la durée d'un an (à Paris, deux personnages s'unissent parfois pour affermer la prévôté).

Dès le début du règne de Philippe Auguste, on superpose des baillis aux prévôts, et rien n'eut été plus simple que d'instituer un bailli de Paris et du Parisis. Mais la nouvelle institution des baillis demeura quelque temps flottante, et les baillis, encore membres de la Cour du roi, n'offraient pas les garanties pécuniaires nécessaires pour la perception des revenus domaniaux.

Le prévôt de Paris acquis donc rapidement une grande autorité sur une zone territoriale très étendue.

Le pouvoir du prévôt devait avoir un siège fixe. Si haut que nous remontons, on le trouve établi non à l'intérieur de la Cité, mais à la tête du pont qui, de toute antiquité, reliait l'île à la rive droite. Là s'élevait une forteresse, le Châtelet, déjà puissant au Xe siècle, et qui défendait l'entrée de Paris, tant que la ville tint tout entière dans la Cité.

Le prévôt de Paris, puissant personnage accablé d'occupations, a besoin d'être aidé, et se choisit donc deux lieutenants, l'un pour les causes civiles, l'autre pour les causes criminelles. Pour rendre la justice, le prévôt est tenu d'avoir des conseillers, qui portent le nom d'auditeurs et ont pour tâche d'écouter les témoins qui déposent à l'instruction. Initialement, le prévôt n'avait pas un personnel déterminé et prenait comme auditeurs qui il voulait pour chaque affaire. Au début du XIVe, il n'y a que deux auditeurs, mais leur fonction est devenue stable. Ils siègent dans la Chambre du Tribunal du Châtelet. On voit apparaître à côté des auditeurs (qui interrogeaient sur place les témoins) des examinateurs, qui se déplacent à la recherche des témoins. De plus, si au criminel le ministère de procureurs et d'avocats est inutile, il est d'un emploi indispensable et fréquent au civil : le nombre de procureurs se mutliplie au cours des XIVe et XVe siècles. Tout avocat inscrit au Parlement peut plaider au Châtelet. Le roi veillait à ses intérêts au sein du Châtelet par l'intermédiaire de son procureur et de deux avocats. Les notaires sont chargés d'écrire toutes les pièces concernant les affaires en instance. Il faut encore ajouter à tout ce beau monde les sergents, qui sont les agents d'exécution des sentences, et les gardiens de la sécurité publique : ils font les sommations, procèdent aux saisies, font la police des rues. Au criminel, ils arrêtent les inculpés, et en cas de condamnation, assistent à l'exécution.

Le Châtelet s'efforçait donc d'imiter le Parlement, mais c'était un Parlement mal organisé, mal composé, mal dirigé. C'était plutôt un foyer d'abus de toutes espèces. La tenue de la maison était déplorable ; les affaires étaient traitées dans un bruit assourdissant. Les procureurs, et surtout les jeunes clercs empêchaient d'entendre les avocats ; les procureurs interpellaient les avocats et s'en prenaient même aux juges.it, multipliant défauts, renvois, écritures de toutes sortes, jusque dans les causes minimes. Quant aux ordonnances royalmes multipliées, on n'en tenait aucun compte. Le Parlement avait la haute main sur le Châtelet, mais pour être efficace, la surveillance aurait dû être constante, ce qui n'était pas possible, le Parlement étant accablé d'affaires venues de tous les points de la France.

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Jehanne - dans La Justice
17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 08:25
Crimes et Châtiments au Moyen âge.



Une exécution capitale au Moyen Age  est un spectacle d'une rare intensité. C’est un grand moment de la vie médiévale, d'autant plus qu'elle est rare. Une fois la sentence de mort prononcée, l'exécution capitale a lieu de façon quasi immédiate et elle se déroule en suivant un rituel très strict. Le mode d'exécution varie selon le statut social ; en général les nobles sont décapités avant d'être pendus et ils gardent effectivement leurs vêtements distinctifs, fourrures et éperons, alors que les roturiers sont déshabillés et pendent, en chemise, au gibet 

Le mode d'exécution capitale varie aussi selon la nature du crime commis. Les auteurs de meurtres sont traînés sur une claie avant de subir la pendaison qui, en général, est réservée aux larrons. Les criminels de lèse-majesté sont décapités. En revanche, les faux-monnayeurs sont en principe bouillis dans un grand chaudron, les sorciers et sorcières, comme les hérétiques, sont brûlés, les auteurs de crimes sexuels comme la bestialité, l'homosexualité ou l'inceste sont aussi brûlés. Les femmes sont plus facilement enfouies vivantes dans une fosse au pied du gibet ou brûlées comme les hommes, mais certaines peuvent aussi être pendues. 

La peine de mort la plus répandue est la pendaison, à laquelle n'échappent pas ceux qui sont décapités, y compris quand une partie de leurs membres restent fichés sur des lances pour être présentés sur des places publiques ou aux portes de la ville. Ce qui subsiste de leur corps est pendu au gibet où il est parfois mis en sac. 

Le cheminement vers le lieu d'exécution et l'exécution elle-même sont l'objet d'une cérémonie dont tous les moments ont un sens. La rue qui conduit au supplice est, dans chaque ville, toujours la même et elle doit être peuplée par un abondant public : le cortège passe donc de jour, à une heure d'activité, si possible un jour de marché. La foule peut aussi être sollicitée lors des arrêts du cortège, en général aux carrefours, pour insulter le condamné ou lui jeter des pierres et de la boue. "Battez fort et n'épargnez point ce paillart, car il a bien pis desservi !", crie encore le public sous le règne de Louis XI. Le condamné est mis dans une charrette, la charrette d'infamie qui est aussi celle de la boue des rues et des ordures. Au moment de l'exécution, un responsable de la justice crie l'acte d'accusation, le dictum, au peuple qui l'écoute. Puis le bourreau fait son office. Les gestes et les cris qui scandent ces cérémonies ont un sens symbolique. La peine doit prendre une valeur exemplaire et le pouvoir affirme ainsi sa force. Il manifeste aux yeux de tous qu'il peut être pouvoir de mort. Et le roi lui-même disait qu' "on ne punit pas le malfaiteur pour le méfait mais pour l'exemple". 

Enfin, à partir du XVI siècle, l'éclat des supplices devient un spectacle terrorisant, en particulier quand il s'agit de lèse-majesté. D'ailleurs les gibets, placés en dehors des villes et à proximité des murailles, ont un effet dissuasif. A Arras ou à Amiens, la ville se trouve ainsi ceinturée de cadavres qui participent à l'expression de son autorité. La foule est donc là pour prendre exemple et, parce qu'elle est terrorisée, pour être dominée. Mais la foule est aussi là pour participer à l'exécution et sa présence est nécessaire à l'accomplissement de la peine. Elle est témoin de l'infamie qui, peu à peu, au cours du rituel judiciaire, rejette le condamné hors du monde des vivants, l'exclut comme inutile au monde et irrécupérable. Tout concourt à construire l'infamie du condamné dont l'honneur doit être bafoué pour qu'il y ait mise à mort La présence du public garantit l'efficacité de la honte et du souvenir de la peine. 

A une époque où l'honneur se manifeste plutôt par la renommée, c'est-à-dire par le regard et le jugement que les autres portent sur l'individu, ces cérémonies créent une infamie irréversible. Certains demandent à être condamnés de nuit, et si possible à être noyés plutôt que d'être pendus tant le déshonneur du gibet retombe sur l'ensemble de la parenté. Car le souvenir de la peine perdure au-delà du temps du châtiment. Les corps pendus restent parfois plusieurs années au gibet, jusqu'à tomber en poussière, et il faut une autorisation spéciale de la justice pour que les parents puissent les retirer et les faire enterrer. 

Le rituel de la peine de mort, tel qu'il est installé à la fin du Moyen Age, montre bien que la condamnation est vivement ressentie comme une atteinte à l'honneur personnel et familial. Mais le peuple est aussi là pour être actif. Comme nous l'avons vu, il intervient par des gestes et des cris qui rappellent le lynchage. A l'inverse, sa présence peut se révéler bénéfique. En effet, jusqu'à la dernière minute, la foule peut intervenir pour faire en sorte que le condamné soit gracié. 

Le fou, comme l'enfant mineur ou la femme enceinte, ne peut pas être condamné à mort. D'autres peuvent arguer du statut de clerc. En principe jugé par des tribunaux ecclésiastiques, le clerc coupable ne peut pas être condamné à mort car la justice d’Eglise ne répand pas le sang, en vertu de la loi divine " Tu ne tueras point ". Les représentants de la loi ont beau dire qu'il est interdit d'empêcher une exécution capitale, la résistance reste vive. Parfois, une simple jeune fille du peuple peut se précipiter pour obtenir la grâce du condamné en promettant de l'épouser si celui-ci est jeune homme à marier. 

Enfin le peuple guette les moindres signes qui peuvent prouver une intervention divine avant l'exécution : la corde qui se casse au moment du supplice, l'échelle du bourreau qui se révèle trop courre ou qui se brise, les liens du supplicié qui tombent d'eux-mêmes. Si le bourreau a un geste malheureux et rate une première fois sa victime, la preuve peut être faite que Dieu a arrêté son bras. Ces miracles n'existent que par le public qui les décèle et qui les interprète. Alors des cris s'élèvent pour sauver le supplicié car Dieu a parlé par la bouche du peuple. 
  
C'est dire que, jusqu'à la fin du Moyen Age, la condamnation à mort suppose l'assentiment d'une foule unanime dont l'accord tacite vient compléter la décision prise par les juges. La cérémonie du parcours rituel est là pour créer cette unanimité, pour discipliner ce qui pourrait n'être qu'un simple lynchage. Exclure est un acte grave, contre nature, et pour le mener à bien, il faut encore l'accord de tous. 

Dans ces conditions, la peine de mort reste rare. Pendant le Haut Moyen Age, si on considère la loi salique, les exécutions capitales ne sont pas prévues. Les auteurs d'homicides ou de vols sont condamnés à des compositions financières. Les rois mérovingiens affirment bien le principe de la peine de mort, mais ils l'exercent surtout en cas de crimes politiques ou de crimes de mœurs, en particulier en cas d'adultère, après que l'accusé eût été soumis à l'ordalie. La décision n'est prise qu'après recours à la volonté de Dieu qui se manifeste par la preuve ordalique. En revanche, les auteurs de crimes de sang ne font pas l'objet de poursuites publiques systématiques ; la résolution des conflits se fait sur un mode privé, selon les lois de la vengeance Celui qui a été tué trouve dans sa parenté un vengeur qui rend le sang pour le sang. Une amende peut alors venir limiter la vengeance, ou alors celle-ci s'arrête d'elle-même car son déroulement est, lui aussi, soumis à des lois tacites. Seuls les auteurs de parricides peuvent être condamnés à des peines spectaculaires. Des pèlerinages pénitentiels très rigoureux les conduisent, avec des chaînes et en chemise, jusqu'à des sanctuaires lointains où ils viennent prier pour expier leur faute et espérer leur délivrance. 

Les actes de la pratique montrent que le vol peut faire l'objet d'un nombre infini de décisions judiciaires. Il est totalement excusé en cas de pauvreté, selon l'excuse d'extrême nécessité, elle-même reconnue par le droit de l’Eglise ; il est le plus souvent soumis à des amendes soigneusement tarifées. Enfin, surtout s'il s'agit de larrons inconnus, le coupable peut être seulement essorillé ou encore battu de verges puis banni. Les coupables peuvent être emprisonnés quelques jours ; ils sont très vite relâchés. Rares sont les condamnations à mort. 

Le bannissement intervient aussi très rarement, en principe en cas de récidive. La justice frappe de temps en temps, dur et fort, en accord avec la communauté qui cherche à expulser ceux qui lui nuisent. Mais le plus grand nombre des conflits continue à relever des résolutions privées, y compris pour les crimes les plus graves qui auraient dû déboucher sur la peine de mort. Punir pour l'exemple a donc comme corollaire l'existence de ces transactions dont le but est de faire la paix entre les parties adverses plutôt que de clamer aux yeux de tous la vérité du cas et la puissance coercitive du souverain. 

La mise à mort reste un phénomène marginal et inquiétant. En règle générale la présence du gibet inspire à la fois fascination et répulsion. Au début du XV siècle le prévôt de Paris, fut obligé d'interdire la fréquentation des gibets parisiens car les os et le sang des suppliciés servaient à confectionner des poudres utilisées en sorcellerie. 

L' « éclat des supplices », existe bien dès le Moyen Age, mais il est lié à certaines exécutions capitales, en général de type politique, et son usage ne doit donc pas conduire à des généralisations hâtives : la peine de mort reste finalement exceptionnelle et elle est quantitativement et sociologiquement limitée. Dans une société qui reste encore largement traditionnelle, la violence a des formes telles que les parentés peuvent et savent s'accorder pour résoudre les conflits. Enfin et surtout, l'exercice de la justice est limité par la nature du pouvoir royal, qui à l'image du pouvoir divin est fondé sur la miséricorde plus que sur la rigueur de la justice.
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Jehanne - dans La Justice
5 janvier 2008 6 05 /01 /janvier /2008 09:05
L 'Eglise et les procès d'animaux.




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Les auteurs mettent l’accent sur le fait que les procès d’animaux rapportaient énormément à l’Église. La majorité des habitants qui avaient recours à la justice ecclésiastique croyait avoir été victime d’une punition de Dieu, il était donc normal de faire appel à l’Église pour délivrer les gens du mal qui les entouraient. En fait, cela débutait toujours avec la croyance que le malin, le démon, etc. habitait les corps des animaux en question. Que se soit des insectes ou des rongeurs, il fallait exorciser ce mal.


Pendant ce temps, on profitait de la situation pour sermonner la population et rappeler leurs péchés à l’ordre du jour; qu’ils devaient prier, effectuer des processions et surtout, ne pas oublier de payer la dîme! On dit que l’Église, sans nécessairement en connaître toutes les explications, savait que les insectes étaient fragiles aux changements climatiques et qu’elles ne vivaient pas très longtemps. Elle s’organisait pour faire coïncider les excommunications avec le départ de celles-ci afin d’assurer le succès de leurs incantations. On aurait orchestré les jugements en fonction de ces phénomènes. Les procès se révélaient souvent donc très long et, selon Dreszder, auraient été voulu et imposé par l’Église. L’excommunication était précédée d’un grand cérémonial qui avait pour but de montrer la puissance de l’Église et rassurer le peuple. Tout en utilisant les superstitions des habitants, l’Église contrôlait et élargissait son pouvoir. Elle accroissait son emprise dont la base était l’exploitation de l’animal et le peuple.

 
Dans le cas où l’excommunication n’aurait pas d’effets, et cela était aussi vrai dans de nombreux cas de prononciation de malédictions ou d’exorcismes, on retournait la culpabilité vers l’homme. C’est en ce sens que Dietrich doute de la sincérité de ces actions ecclésiastiques car il est convaincu qu’il s’agissait « d’un stratagème habilement combiné pour agir encore mieux sur le corps des fidèle. L’Église prétendait donc défendre les intérêts moraux et matériels des gens tout en s’assurant des rentrés d’argent appréciables. Selon Vartier, « …ils faisaient de l’acquittement ponctuel des redevances ecclésiastiques la condition de base du rétablissement de la situation ». Dans cette perspective, Il y a quelque chose d’assez hypocrite sous le respect de ces formes de procès. De plus, l’Église pouvait toujours se sauver honorablement des subterfuges en accusant les hommes d’avoir péché et devaient donc subir la loi de Dieu : « …C’est que votre âme est trop noire, que la dîme ne rentre pas assez vite dans les coffres de l’abbaye, repentez-vous, jeûnez, faites l’aumône. L’Église ne perdait donc pas une once de prestige lorsque la sentence prononcé n’avait pas d’effets, c’est à dire qui ne coïncidait pas avec le départ naturel des animaux.

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Jehanne - dans La Justice
4 janvier 2008 5 04 /01 /janvier /2008 08:26
Exemples célèbres d'animaux condamnés.





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Le premier cas est cité chez tous les auteurs étudiés ainsi que dans La bête singulière. La raison pour laquelle on l’invoque souvent en exemple est simple : c’est l’affaire la mieux documentée sur les procès des animaux. Il s’agit de la pendaison d’une truie à falaise en 1386 que l’on a peint dans l’église de la Trinité, située dans une ville de Normandie. D’ailleurs, il est important de souligner que la représentation que l’on en voit aujourd’hui n’est pas la reproduction fidèle de la fresque originale. Il y a eu un siège imposé par le roi d’Angleterre en 1417 dans cette ville et une partie de l’église a été détruite. On a ensuite reproduit la fresque mais en 1820, l’église fut blanchie à la chaux et c’est grâce aux auteurs anciens que la description de l’événement est parvenue jusqu’à nous. Cette truie aurait perpétré un homicide à l’endroit d’un enfant de trois mois, dont le bras et une partie de la figure furent dévorés. En plus de pendre la truie, on lui a tailladé une cuisse et coupé le groin. On l’avait habillé d’une veste, d’un haut de chausse et on l’avait aussi ganté. De plus, on l’a recouvert d’un masque à figure humaine, ce qui signifie bien le souci de mettre les animaux sur le même pied d’égalité que les hommes. Cependant, on l’a pendu à l’envers, par les pieds et elle fut longtemps exposée à la vue des passants. Lors de l’exécution de la sentence, on avait exigé la présence du propriétaire de la truie, pour lui faire honte, ainsi que du père de l’enfant victime, qui n’avait pas veillé sur lui.

L’ouvrage de Fabre-Vassas, démontre que plusieurs juifs ont été condamné de la même façon. On considérait que la truie était la mère des juifs, que ceux-ci étaient donc des porcs et c’est pourquoi ils devaient mourir comme eux. Fabre a d’ailleurs démontré que cela s’est produit plusieurs fois. On voit bien ici en réalité que l’accoutrement de l’animal humanise ce dernier tandis que le juif est animalisé lorsqu’on le condamne. L’exemple suivant parle de lui-même : Jean Allard est un homme qui vivait à Paris au XVIe siècle avec une femme juive et sept enfants sont nés de leur union. Puisqu’on considérait la femme juive comme une truie et que le coït chez cette bête s’effectuait de la même façon qu’avec les chiens, on accusa Allard de sodomie. La preuve résidait dans le fait qu’il avait eu des enfants avec cette femme. La sodomie étant criminalisée et punissable de mort, on le condamna donc au bûcher. Le cœur du livre de Fabre-Vassas est constitué par la reconstruction des racines de l’antisémitisme et les situations qui impliquent les juifs et le porc ou la truie sont innombrables.

 Nous avons pu remarquer de nombreux procès qui impliquaient les porcs. Il faut noter qu’ils étaient plusieurs et vagabonds. Malgré la relative protection de Saint-Antoine, on les considérait comme de véritables éboueurs puisqu’ils auraient aussi chercher à déterrer les cadavres des cimetières. La parenté entre le porc et l’homme soulève de nombreuses ambiguïtés et Fabre-Vassas les soulignent amplement à travers son ouvrage. Notez aussi que jusqu’au XVIIe siècle, on étudiait la médecine du corps humain à partir de la dissection des porcs.

Nous avons abordé plus tôt la question de la superstition par rapport à la sorcellerie. Le type le plus révélateur d’un humain possédé par le démon est spécifique à la croyance des loups-garous, c’est à dire la lycanthropie. Selon Vartier, il existe beaucoup d’archives qui réfèrent à des habitants ayant organisé des battus afin de les chasser. Plusieurs chrétiens auraient péri sous l’accusation de lycanthropie qu’on associe directement à un acte précédent la transformation du loup-garou, c’est à dire la bestialité. 
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Jehanne - dans La Justice

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